Réforme
du collège : dégradation en perspective
Les syndicats enseignants
appellent le 19 mai à la grève contre la réforme du collège annoncée par la
ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem. Celle-ci justifie
les changements qu’elle veut apporter par le constat que « les élèves
s’ennuient au collège ». Mais, comme toujours à l’Éducation nationale,
derrière les arguments pédagogiques se cachent des mesures qui, au bout du
compte, permettront de réduire les formations.
Les
horaires de chaque discipline, le français, les mathématiques,
l’histoire-géographie ou autres, seraient diminués pour faire place à trois
heures hebdomadaires d’enseignement « pratiques interdisciplinaires » (EPI).
Les enseignants de plusieurs matières y feraient travailler ensemble les élèves
sur un projet. Des professeurs de dessin, d’histoire et de mathématiques
pourraient par exemple étudier les pyramides.
Ces
changements se faisant sans enseignants supplémentaires, personne ne peut
croire que l’on résoudra ainsi le problème des nombreux élèves qui sortent du
collège sans savoir véritablement lire, écrire ou compter. Il est par contre
certain que cela posera de multiples problèmes d’organisation, dans des
établissements déjà au bord de l’explosion, en termes d’emploi du temps comme
en ce qui concerne les locaux. Les enseignants s’inquiètent également de la
marge laissée aux chefs d’établissement dans le choix des projets, l’expérience
prouvant qu’en la matière souplesse rime bien souvent avec alignement sur les
moyens que l’Inspection académique veut bien allouer aux établissements.
La
réforme supprime d’autre part l’option latin, suivie actuellement par 18 % des
élèves, soit deux heures par semaine en 5e et trois heures en 4e et 3e. Il en
va de même pour le grec, enseigné dans certains établissements à raison de
trois heures en 3e. L’étude de ces langues anciennes serait remplacée par un
EPI « langues et culture de l’Antiquité », qui a toutes les chances de se
résumer à un verni de culture classique. Les classes bilangues, où 15 % des
élèves apprenaient deux langues vivantes, disparaissent également. La seconde
langue vivante sera par contre étudiée à partir de la 5e au lieu de la 4e. La
ministre a justifié ces choix en disant que les options de langues anciennes
comme les classes bilangues servaient à créer à l’intérieur du collège des
filières regroupant une petite élite, quand elles ne permettaient pas de
contourner la carte scolaire. Mais, dans ce cas, la meilleure solution dans
l’intérêt des élèves aurait été de généraliser la possibilité de suivre ces
enseignements, et non de les supprimer.
La
réforme du collège est accompagnée d’une modification des programmes qui sera
soumise à la consultation des enseignants jusqu’au 12 juin. Cette refonte est
destinée à adapter les programmes à la diminution des horaires de chaque
discipline. Certains thèmes seront obligatoires, d’autres laissés au choix de
l’enseignant. Celui-ci devra bien réduire ce qu’il enseignait jusque-là aux élèves,
s’il veut réussir à le faire tenir dans le cadre des horaires allégés de sa
discipline.
Il y a
trois mois, les enseignants des collèges découvraient quels faibles moyens leur
étaient alloués pour la rentrée de septembre 2015. Certains établissements se
mettaient en grève et dénonçaient le grand écart du gouvernement entre sa
prétendue priorité pour l’éducation et la réalité. Aujourd’hui, au lieu des
postes réclamés, la ministre sort de ses cartons une réforme visant à diminuer
à partir de septembre 2016 l’offre de formation. Alors, oui, enseignants et
parents ont toutes les raisons de se mobiliser
Daniel MESCLA