Brétigny :
une catastrophe annoncée
Il faudra sans doute des
semaines, des mois d’investigations pour déterminer la raison exacte pour
laquelle une éclisse s’est désolidarisée du rail, entraînant la catastrophe
ferroviaire de Brétigny-sur-Orge, la catastrophe ferroviaire la plus grave
depuis 25 ans. Mais il n’y a pas besoin d’une triple enquête, de la SNCF, de la
justice et du ministère des Transports, pour mettre en cause la vétusté des
infrastructures et du matériel des chemins de fer.
Si la cause immédiate du déraillement
était accidentelle, c’était quand même un accident annoncé. Les cheminots le
craignaient. Et pour cause ! L’administration de RFF (Réseau Ferré de
France) elle-même, parle « d’usure des rails, des ballasts ».
« 60 % du réseau seront inutilisables à l’horizon 2025 », assure
un organisme spécialisé.
Les usagers du chemin de fer, en
particulier ceux qui prennent les trains de banlieue, le RER ou les trains
express régionaux, constatent depuis des années la dégradation continue du
réseau. Ils le constatent par les pannes à répétition, par les retards qui, sur
certaines lignes, sont quotidiens.
Les cheminots dénoncent la difficulté
croissante d’assurer correctement la maintenance et le contrôle du matériel.
Alors que le trafic est en croissance, les cheminots sont de moins en moins nombreux.
La réduction des effectifs se traduit par
la fermeture de brigades, l’éclatement des équipes qui ont l’habitude de
travailler ensemble. L’appel à la sous-traitance, la privatisation d’un nombre
croissant de tâches aboutissent à une maintenance de moins en moins maîtrisée.
Depuis que la direction de la SNCF a
écarté « l’erreur humaine », si souvent incriminée pour éviter de
parler de la défaillance du matériel, tout le monde pointe l’insuffisance des
investissements et les réductions d’effectifs.
Mais pourquoi ces
sous-investissements ? Pourquoi ces réductions d’effectifs ?
Pourquoi, jour après jour, ces pannes, ces problèmes de caténaires, ces défauts
de signalisation, ces fréquentes ruptures d’alimentation électrique ?
Pourquoi cette situation qui rend insupportable la vie de tous ceux qui, pour
se rendre à leur travail, sont obligés de prendre le train, et qui, à Brétigny,
s’est transformée en catastrophe ?
Il y a, bien sûr, le choix de privilégier,
depuis des dizaines d’années, quelques lignes de prestige au détriment de ce
qui est indispensable à la majorité de la population et, en particulier, aux
salariés.
Mais il n’y a pas que cela. Il y a la
recherche de rentabilité. Il y a le fait que le système ferroviaire paie un
tribut croissant à la finance par le biais des intérêts sur un endettement
croissant. RFF affiche une dette de 31 milliards d’euros. Le service de cette
dette, c’est autant de milliards qui, au lieu d’être consacrés à l’entretien et
au renouvellement du matériel, sont drainés vers les banques !
La séparation, il y a quelques années, de
la SNCF en deux entités, responsables, l’une (SNCF), du transport ferroviaire à
proprement parler, l’autre (RFF), des infrastructures, a introduit des
relations d’argent là où il n’y en avait pas auparavant. Le champ libre laissé
aux banques en a été élargi.
L’antagonisme fondamental n’est pas
vraiment entre le TGV et les trains de banlieue, mais entre les investissements
et la finance, entre le renouvellement du matériel et l’embauche de personnel
et les intérêts versés aux banques. Le transport ferroviaire est atteint du
même mal que le système hospitalier, la poste ou les télécommunications,
c’est-à-dire la décomposition des services publics sous l’effet délétère de
l’argent et de la course au profit. Cette dégradation frappe en premier lieu
les salariés. Elle s’ajoute à toutes les attaques de la bourgeoisie contre les
conditions d’existence de la classe ouvrière.
Il ne suffit pas de soupirer après le
« bon vieux temps », où les trains arrivaient à l’heure, le courrier
était distribué le lendemain de son expédition et les hôpitaux cherchaient à
soigner au lieu de viser la rentabilité. D’abord parce que, même au temps des
services publics qui fonctionnaient, ceux-ci ne visaient pas la satisfaction
des besoins élémentaires des classes populaires. Et, surtout, parce que même
cela c’est fini, sous l’effet corrosif de l’argent, de la recherche du profit
et de la crise de l’économie capitaliste.
Reste la réalité crue : le système
économique, basé sur la propriété et le profit privés, est incapable de
satisfaire convenablement les besoins collectifs élémentaires de la société. La
seule façon de sauver de la décomposition les services publics indispensables à
la collectivité est de mettre fin à l’organisation sociale basée sur la
propriété privée des moyens de production, sur la recherche du profit :
mettre fin au capitalisme !