Avec près de 40 manifestations et le baroud d’honneur de dimanche dernier, la
droite aura exploité jusqu’au bout le filon du mariage homosexuel. Copé a même
profité de la dernière manifestation pour appeler les participants… à voter pour
l’UMP aux municipales en mars 2014 ! Il faut dire que, sur le reste, il est bien
en peine de faire de l’opposition puisque Hollande a repris mot pour mot la
politique de la droite, enterrant toutes ses promesses -sauf celle du mariage
pour tous.
Alors que cette loi n’enlève aucun droit à personne, alors que les couples
homosexuels peuvent avoir une vie affective et familiale aussi équilibrée que
tout autre, la droite a choisi de transformer ce débat en guerre de
tranchées.
Elle a surfé sur tout ce que la société compte de conservatismes et de
préjugés réactionnaires, mais ce n’était qu’un prétexte. L’opération de
récupération des grenouilles de bénitiers et de la jeunesse bien-pensante des
beaux quartiers sera-t-elle fructueuse pour l’UMP ? Difficile de le dire tant
les déchirements internes de l’UMP sont nombreux. Mais tous ceux qui ont des
valeurs de droite et qui veulent s’opposer au gouvernement sortent renforcés de
ces manifestations.
Celles et ceux qui ont fourni le gros des troupes se contentent de manifester
paisiblement leurs valeurs réactionnaires mais ils offrent un terrain de
manœuvres à d’autres. Au premier rang desquels se trouvent les groupuscules
d’extrême droite qui se sont fait la main sur les forces de police. Mais
certains s’en sont pris aussi à des homosexuels, à des journalistes et même à
leur ancienne égérie Frigide Barjot, trop modérée à leur goût.
Tout cela peut sembler éloigné des problèmes des travailleurs, mais cela nous
concerne car ceux qui ont défilé sont politiquement et socialement des ennemis
des travailleurs.
C’est l’avenir et l’évolution de la crise économique qui décideront si tous
ces jeunes et moins jeunes de la petite bourgeoisie restent mobilisés. Mais si
c’est le cas, ils ne défendront pas seulement leur point de vue « sociétal »,
ils ne s’opposeront pas seulement au droit de vote des étrangers et à la
recherche sur les cellules souches, ils prêcheront aussi aux travailleurs les
sacrifices à faire, ils s’opposeront aux grèves, ils combattront les
syndicats.
Quant aux groupuscules d’extrême droite, s’ils continuent d’agir, ils
peuvent, après s’en être déjà pris physiquement à des homosexuels et à des
journalistes de gauche, s’en prendre aux Roms, aux travailleurs immigrés, à des
militants syndicaux et à tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Ils peuvent
représenter un danger pour les travailleurs.
Les manifestations contre le mariage homosexuel sont derrière nous, mais on
ne peut en dire autant des idées réactionnaires, anti-ouvrières, xénophobes et
nationalistes distillées au quotidien par la droite et par une extrême droite
ragaillardie par le discrédit des partis gouvernementaux.
Marine Le Pen, pour se montrer « présentable », se défend de tout lien avec
ces bandes d’extrême droite. Elle condamne les violences et se targue d’avoir
exclu un tel parce qu’il avait fait le salut nazi ou tel autre parce qu’il
tenait ouvertement des propos antisémites. Mais derrière les sourires de Le Pen
et ses envolées en faveur des chômeurs, des ouvriers et des retraités
« français », il y a ces militants qui prennent leurs références chez Mussolini
et chez Hitler.
Les Le Pen père et fille n’ont jamais été au pouvoir. Mais l’Europe a connu
des gens de leur acabit, du Portugal de Salazar à la Grèce des colonels, en
passant par l’Espagne de Franco, sans parler de Pétain ici même. Même si le
Front national reste pour le moment sur le terrain électoral, sa perspective
politique est un régime de ce genre, un régime autoritaire et anti-ouvrier.
Face à la pression de la droite et surtout de l’extrême droite, les
travailleurs seront peut-être amenés à se battre sur le terrain politique, en
même temps qu’ils défendent leur emploi et leur salaire.
C’est en luttant sur le terrain de classe que les travailleurs prendront
conscience de ce que leurs intérêts matériels et politiques sont intimement liés
et qu’ils apprendront à distinguer faux amis et vrais ennemis.
C’est en se battant pour leurs intérêts, contre les licenciements, pour leur
salaire et surtout pour le contrôle des exploités sur les entreprises et sur les
banques, que les travailleurs attireront et entraîneront tous ceux qui
aujourd’hui souffrent du chômage, des petites retraites et de la misère. C’est
alors que l’on pourra dire que le peuple a parlé.