Éducation nationale : assouplir une
« carte scolaire » de l'inégalité
Six ans après les mesures mises en place par Sarkozy pour donner plus
de liberté aux familles en facilitant l'obtention de dérogations, l'Éducation
nationale vient de rendre public un rapport sur l'évolution de l'affectation
des élèves dans les établissements du primaire et du secondaire. Le bilan est
sans appel. La fuite d'élèves vers de « bons lycées » s'est
accélérée, aggravant par voie de conséquence les difficultés des écoles,
collèges et lycées ayant mauvaise réputation : pour faire court, les
établissements des quartiers populaires.
Depuis les années 1960, le principe de
base pour affecter un élève dans un établissement est celui dit de la carte
scolaire. L'élève doit être scolarisé au plus près de son domicile dans
l'établissement du secteur. Le territoire est ainsi découpé en secteurs de
scolarisation. C'est vrai pour l'école maternelle et élémentaire, pour le
collège et le lycée.
Ce système n'a en fait jamais permis une
quelconque égalité des chances. Même s'il était appliqué d'une façon stricte,
il demeurerait fondamentalement inégalitaire, tout simplement parce que les
quartiers, les villes, les territoires n'ont pas le même profil social. Une
école de Neuilly, banlieue chic de Paris, ne scolarise pas les enfants des
mêmes milieux qu'une autre de Sevran, en Seine-Saint-Denis, par exemple.
Lorsqu'elles
jugeaient que l'école, le collège ou le lycée de leur secteur n'avaient pas,
selon elles, bonne réputation et le bon niveau, les familles qui le
souhaitaient se sont toujours débrouillées pour inscrire leur enfant ailleurs.
Indiquer l'adresse de la nourrice, d'un grand-parent, pour scolariser dans le
primaire ou au collège, choisir une option rare, tel le chinois ou le théâtre,
proposée par de « bons lycées », sont depuis longtemps quelques-uns
des moyens pour y parvenir.
La réforme de 2007 a donné seulement
davantage de possibilités pour ceux qui le souhaitaient de fuir les écoles,
collèges et lycées du secteur initial d'affectation. Cet assouplissement fut
alors justifié par l'objectif prétendu de favoriser l'égalité des chances et
d'aider à la mixité sociale, puisque, théoriquement, la carte scolaire était
assouplie pour tous. Quel que soit le milieu social, les dérogations étaient
accessibles à tous. Les enfants des milieux populaires boursiers devaient même
être prioritaires.
Le rapport publié indique que, comme on
pouvait s'y attendre, la réforme a eu un effet inverse aux bonnes intentions
affichées. En 2007, 6 % des élèves entrant en sixième avaient demandé une
dérogation. Ce pourcentage a bondi à 11 % quatre ans plus tard, et la
réforme a profité aux milieux les plus favorisés pour qui, c'est une évidence,
il est plus facile de définir une stratégie pour obtenir ce type de
dérogations. Le résultat a été que les établissements ainsi abandonnés ont
concentré des difficultés toujours plus grandes et les résultats scolaires les
moins bons.
Le gouvernement réfléchirait maintenant à
la manière de revenir en arrière. En attendant, ce n'est pas la réforme dite
des « rythmes scolaires » de Peillon qui va aider les établissements
en difficulté. Mettant à la charge des communes l'organisation du temps
scolaire, elle va encore aggraver l'inégalité entre les écoles primaires des
communes riches et de celles qui le sont moins, c'est dire si l'égalité des
chances au niveau de l'école est une formule creuse.
Michel ROCCO
(Demain, pour ma part, je reviendrai sur ce que
signifie ce phénomène en prenant l’exemple de notre commune.DM)
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