L’isolement de l’URSS en 1920
L’espoir des militants communistes au sortir de la Première guerre mondiale a été que ce qui s’était produit en octobre 1917 en Russie se reproduise dans d’autres pays, en particulier parmi les plus développés. Leurs espoirs portaient sur la puissance de la vague révolutionnaire qui bouscula l’Europe dans l’immédiat Après-guerre. Si rien n’était joué encore, l’isolement du pouvoir ouvrier était gros de dangers pour le premier État ouvrier.
Voilà ce que nous écrivions dans
l’introduction de notre revue Lutte de Classe n°50 de novembre 1992 dans un
article intitulé « URSS – le long règne de la bureaucratie » :
« Les
bolcheviks n'ont pas pris le pouvoir en 1917 pour réaliser le "socialisme
dans un seul pays". Ils savaient tout autant que les mencheviks que la
Russie n'était pas "mûre" pour le communisme car aucun pays isolé de
l'économie mondiale ne l'eût été, et sûrement pas un pays arriéré, avec son
industrie peu développée et son immense masse paysanne. Mais ils ne
raisonnaient pas à l'échelle de la seule Russie. Ils ont saisi l'opportunité de
prendre le pouvoir avec la conviction qu'une Russie révolutionnaire, une Russie
sous la direction politique du prolétariat, pouvait et devait être un
formidable levier pour entraîner dans la révolution une Europe déjà travaillée
par les ferments révolutionnaires, et en premier lieu l'Allemagne puissante et
industrialisée possédant un prolétariat nombreux et, à l'époque, largement
gagné aux idées socialistes.
Cela
n'a pas été une vision utopique : témoin la vague révolutionnaire qui a
secoué l'Europe en 1918 et 1919, sans aboutir, malheureusement pour l'humanité,
à la prise de pouvoir par le prolétariat (sauf pour une courte période, restée
sans lendemain, en Hongrie et en Bavière).
La
vague révolutionnaire recula à partir de 1920, aussi bien à l'échelle
internationale qu'en Russie même.
En
Russie, les conditions de la guerre civile et des interventions étrangères ont
fait que, dès 1918-1919, la fraction la plus consciente du prolétariat avait
rejoint l'Armée Rouge, dont elle constitua l'âme et l'ossature. Le gouvernement
bolchevik s'appuya pendant cette période bien plus sur cette fraction du
prolétariat, en l'occurrence l'Armée Rouge, que sur les organes de la démocratie
ouvrière des grandes villes russes, Moscou et Petrograd en premier lieu, dont
le prolétariat se trouvait d'ailleurs brutalement réduit en nombre par la
guerre civile elle-même et par ses effets sur l'économie. Le caractère ouvrier
du pouvoir se manifesta plus par la volonté politique de la direction
bolchevique que par la participation effective de la classe ouvrière. Et cette
volonté politique était de préserver jusqu'à un nouvel essor révolutionnaire
dans le reste de l'Europe, l'avancée de la Révolution russe. Elle était de
défendre coûte que coûte l'État issu de la révolution prolétarienne, dans
l'attente qu'il puisse servir ce nouvel essor révolutionnaire, y compris
militairement.
Mais
ce que les dirigeants bolcheviks espéraient n'être qu'une période transitoire
entre deux vagues révolutionnaires se révéla durable. L'isolement durable du
régime révolutionnaire qui s'ensuivit, dans un pays pauvre, conduisit à
l'émergence d'une bureaucratie née de la révolution mais de plus en plus
hostile aux perspectives révolutionnaires… »
(Demain la contre-révolution
politique en URSS dans les années 1920)