L’insurrection
d’Octobre à Petrograd
L’insurrection d’Octobre était
préparée par le Comité militaire révolutionnaire (CMR), en étroite liaison avec
le soviet de Petrograd et la direction du Parti bolchevique, siégant comme lui
au palais Smolny. Le plan, qui devait être déclenché dans la nuit du 24 au 25
octobre, reposait sur l’action conjointe des détachements ouvriers de la Garde
rouge, de la garnison de Petrograd et des marins de la Baltique. Mais les
premiers actes de l’insurrection interviennent en réalité dès la matinée du 24
octobre, en réaction à des tentatives de coup de force du gouvernement
provisoire, par exemple contre des imprimeries bolcheviques, ou encore aux
mouvements de troupes autour de la capitale, comme le souligne Trotsky, alors
président du soviet de Petrograd, dans son Histoire de la révolution russe
et dans L’avènement du bolchevisme.
« Au palais d’Hiver, Kerenski
réunissait des élèves des écoles militaires, des officiers et des membres du
régiment de choc féminin. (…)
On rappela du front deux nouveaux
bataillons cyclistes, une batterie antiaérienne, on essaya d’en faire revenir
des unités de cavalerie… En chemin, les cyclistes télégraphièrent au soviet de
Petrograd : “On nous dirige sur Petrograd, ne savons pas
pourquoi, prière envoyer éclaircissements.” Nous leur avons dit de s’arrêter
et d’envoyer une délégation à Petrograd. Leurs représentants arrivèrent et
déclarèrent en séance du soviet que le bataillon était entièrement de notre
côté. Cela suscita une tempête d’enthousiasme. On enjoignit au bataillon de
rejoindre immédiatement la ville. (…)
Le ministère de la Marine donna
au croiseur Aurore l’ordre de prendre la mer et de sortir
des eaux de Petrograd. L’équipage nous en avisa aussitôt. Nous annulâmes cet
ordre, et le croiseur resta sur place, prêt en permanence à mettre toute sa
force combattante au service du pouvoir des soviets. »
Le palais
Smolny, état-major de l’insurrection
Dans la journée du 24, selon les
mots du bolchevik Raskolnikov, le palais de Smolny est transformé en camp
retranché : « Au dehors, devant les colonnes, des canons positionnés. Près
d’eux, des mitrailleuses. Une mitrailleuse à l’intérieur, canon pointé vers la
porte d’entrée. (…) Dans tous les couloirs, l’allure rapide, bruyante,
enthousiaste, des soldats et des ouvriers, des matelots et des agitateurs. »
De partout arrivent des délégués
ouvriers, prêts à recevoir les instructions du CMR : « À Smolny, dans la
chambre des comités de fabrique et d’usine, des délégués des entreprises
faisaient la queue pour obtenir des bons de livraison d’armes. La capitale
avait vu, pendant les années de guerre, bien des gens qui faisaient la queue :
maintenant, pour la première fois, on la faisait pour avoir des fusils. »
Les
ouvriers et les soldats s’emparent du pouvoir
Dans la soirée du 24 octobre,
l’insurrection est déclenchée. Les révolutionnaires prennent le contrôle de la
centrale des télégraphes et de l’agence télégraphique gouvernementale : «
Deux soldats du régiment suffirent, fusil en main, auprès d’un commutateur,
pour obtenir un compromis provisoire avec les fonctionnaires hostiles du
télégraphe, parmi lesquels il n’y avait pas un seul bolchevik. (…) Les
principales opérations commencèrent vers deux heures du matin. Par petits
groupes militaires, ordinairement avec un noyau d’ouvriers armés ou de
matelots, sous la direction de commissaires, l’on occupe simultanément ou
consécutivement les gares, la centrale d’électricité, les arsenaux et les
entrepôts d’approvisionnement, le service des eaux, le pont du Palais, la
centrale des téléphones, la banque d’État, les grandes imprimeries, et l’on
s’assure des télégraphes et de la poste. Partout, l’on place une garde sûre. »
Les points principaux de la ville
passent ainsi entre les mains des insurgés en quelques heures, pratiquement
sans résistance, sans combat ni victimes. L’insurrection, qui a été ouvertement
annoncée et préparée lors d’innombrables meetings tenus par les bolcheviks, est
accueillie partout avec enthousiasme. Trotsky cite l’occupation du journal réactionnaire
Rousskaïa Volia, qui a été confiée au dernier moment, pour ne pas être
ébruitée, au régiment Semenovsky de la Garde : « L’imprimerie, on en avait
besoin pour la publication du journal bolcheviste en grand format et à gros
tirage. Les soldats faisaient déjà leurs préparatifs pour se coucher. Le
commissaire leur exposa brièvement le but de sa mission : “Je n’eus pas le
temps de finir que de tous côtés retentissaient les hourras. Les soldats se
dressaient et m’entouraient étroitement.” Un camion automobile surchargé
d’hommes du régiment Semenovsky arriva à l’imprimerie. Dans la salle des
rotatives s’assembla bientôt l’équipe de nuit. Le commissaire exposa pourquoi
il était venu. “Ici encore, comme à la caserne, les ouvriers répondirent par
des hourras et au cri de : Vivent les soviets.” »
Mencheviks
et SR : avec la bourgeoisie contre l’insurrection
Au même moment, en pleine nuit,
se tient la séance préliminaire du deuxième congrès panrusse des soviets qui
doit s’ouvrir le lendemain et où la majorité est désormais assurée au Parti
bolchevik. Trotsky y annonce le déclenchement de l’insurrection.
Les partisans du gouvernement
provisoire protestent et quittent la salle les uns après les autres. Dans la
nuit, ils proclament un Comité pour le salut du pays et de la révolution, se
réunissant avec les bourgeois du Parti cadet à la Douma. Le journaliste John
Reed s’y rend et observe : « Rien n’était plus frappant que le contraste
entre cette foule et le congrès des soviets. Là-bas, la grande masse de soldats
en vêtements usés, d’ouvriers crasseux, de paysans : des hommes pauvres,
courbés et marqués dans leur chair par la lutte brutale pour l’existence ; ici,
les chefs mencheviks et SR – les Avksentiev, les Dan, les Lieber – les anciens
ministres socialistes, les Skobelev, les Tchernov, faisant bon ménage avec les
cadets tels que l’huileux Chatski, l’insinuant Vinaver, avec des journalistes,
des étudiants, des intellectuels de presque toutes les tendances. Ces gens de
la Douma étaient bien nourris, bien vêtus ; parmi eux, je ne comptai pas plus
de trois prolétaires. »
Tout le
pouvoir aux soviets !
Dans la journée du 25 octobre,
quelques combats se poursuivent autour du palais d’Hiver où est retranché le
gouvernement provisoire, protégé par les dernières troupes qui lui sont encore
fidèles. Quelques dizaines de victimes tombent alors, de part et d’autre. Mais
plusieurs coups de canon tirés du croiseur Aurore et la détermination
des insurgés emportent la victoire. Les ministres du gouvernement provisoire
sont arrêtés. Kerenski réussit à prendre la fuite et part au front où il espère
encore rassembler des troupes. Le 2e congrès des soviets, acclamant
l’insurrection victorieuse, prend alors tout le pouvoir entre ses mains.
Depuis le matin du 25 octobre,
une proclamation signée du Comité militaire révolutionnaire circule dans les
rues de la capitale :
« Aux citoyens de Russie
Le gouvernement provisoire est
déposé. Le pouvoir est passé entre les mains du Comité militaire
révolutionnaire, organe du soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd,
qui se trouve à la tête du prolétariat et de la garnison de la capitale.
La cause pour laquelle le peuple
a lutté – offre immédiate d’une paix démocratique, abolition de la grande
propriété foncière, contrôle ouvrier de la production, création d’un
gouvernement des soviets – cette cause a triomphé.
Vive la révolution des ouvriers,
des soldats et des paysans ! »
Vendredi
20 octobre
Meeting
1917-2017,
la Révolution russe
à 20h30
Pour
changer le monde, les travailleurs au pouvoir
Meeting
avec Nathalie Arthaud, avec la participation d'Arlette Laguiller
Palais de
la Mutualité
24, rue
Saint-Victor – Paris 5e
Métro :
Maubert-Mutualité
Entrée
libre
Pour
aller à notre grand meeting sur le 100ème anniversaire de la
Révolution d’octobre, un départ collectif en transport en commun est organisé.
On se retrouvera demain vendredi à 18 heures 45 au Café des 2 gares, gare
d’Argenteuil, immédiatement à la sortie Orgemont.