Petrograd rouge, de l’historien britannique Stephen A. Smith, édité par « Les nuits rouges » est un
livre remarquable. Il porte sur la classe ouvrière de Petrograd de la
Révolution de 1917, rendant profondément concrètes sa mobilisation, les étapes
de celle-ci, et les problèmes de son organisation. Nouveaux problèmes exprimant
en particulier la concurrence entre comités d’usine, soviets, syndicats, mais
qui traduit surtout l’extrême vitalité du prolétariat de la grande capitale du
nord lors de ces mois où la mobilisation des travailleurs ébranla le monde.
Sur toutes les questions que la nouvelle situation posait, l’auteur évoque de
quelle façon, les dirigeants bolcheviks -Lenine en particulier-, dont
l’influence ne cessa de croître, tentèrent de répondre aux problèmes d’une
situation nouvelle.
Avant de reprendre dans quelques
semaines sur ce blog le fil de notre feuilleton sur la Révolution russe de
1917, que nous avons arrêté à la veille de l’insurrection, nous donnerons dans
les jours qui viennent, et dès aujourd’hui, comme un intermède, des extraits de
ce livre, Petrograd rouge, sous-titré : « La Révolution dans les
usines (1917-1918) ». On peut le commander dans toutes les bonnes
librairies, dont Le Presse-papier, à Argenteuil.
Les conditions de travail à Petrograd à la veille de la révolution
« …Elles étaient particulièrement mauvais dans deux usines dépendant du
ministère de la Marine, situées dans l’arrondissement d’Okhta. En décembre
1912, une explosion se produisit dans l’usine d’explosifs qui tua cinq ouvriers
et en blessa plus de cinquante. Le directeur, le général Somov, fit de son mieux
pour empêcher les députés Sociaux-Démocrates à la Douma de mener une enquête.
« De tels accidents arrivent, expliqua-t-il, et continueront de se
produire. Je ne suis jamais entré dans l’usine sans faire le signe de la
croix. » Sa prévision se trouva confirmée, car en avril 1915, une autre
explosion eut lieu dans l’atelier de mélinite de la même usine qui souffla deux
ateliers et huit maisons avoisinantes, tuant 110 personne et en blessant 120.
Une ouvrière décrivit les conditions de travail dans l’atelier de mélinite où
travaillaient 3000 femmes : « Dans le coin où l’on fait le lavage et
la pulvérisation, l’air est si suffocant et empoissonné que quelqu’un qui n’est
pas habitué ne peut pas y rester plus de cinq à dix minutes. Tout votre corps
s’y empoisonne. » Le 31 mars 1917, il y eut encore une autre explosion
dans la même usine, tuant quatre ouvriers et en blessant deux. Quelques jours
plus tard, un ouvrier de l’usine fit la déclaration suivante à la Conférence
des délégués (oupolnomotchennyé) des usines placées sous l’autorité de la
direction de l’Artillerie : « Nous travaillons sur un volcan. Toute
l’usine est envahie d’explosifs, de bombes et d’obus (…), mais la direction dit
que ce n’est pas de sa responsabilité et nous renvoie vers la direction de l’Artillerie. »
les conditions de travail à l’usine d’Okhta étaient notoirement mauvaises -on
reconnaissait les femmes qui y travaillaient à leur peau jaune-, mais elles
n’avaient rien d’exceptionnel… »