Henri Alleg : un opposant à la
guerre coloniale menée en Algérie
Le nom d'Henri Alleg, décédé le
17 juillet à l'âge de 92 ans, restera lié à son témoignage publié sous le titre
La Question, en 1958. Il fut, avec Pierre Vidal-Naquet, l'un des premiers à
dénoncer la torture pratiquée par l'armée française durant la guerre d'Algérie.
Directeur du quotidien Alger Républicain,
interdit en 1955, et militant du Parti communiste algérien, il continua ses
activités dans la clandestinité, dénonçant la guerre coloniale que
l'impérialisme français menait en Algérie. En juin 1957, il fut arrêté par des
parachutistes avec Maurice Audin, jeune mathématicien, lui aussi membre du
Parti communiste algérien, qui n'allait pas survivre aux tortures : emploi de
la « gégène », supplice de la baignoire, brûlures, etc.
En
Algérie, l'armée française avait une longue tradition de sauvagerie, de
massacres et de tortures infligées à la population, depuis les « enfumades »
pratiquées au début de la colonisation pour chasser les paysans de leurs terres
et vaincre toute tentative de résistance. Après l'insurrection de 1954 et le
début de la lutte pour l'indépendance, l'emploi de la torture par les
militaires contre les Algériens et leurs soutiens français arrêtés devint
systématique à partir de 1957, après l'arrivée du général Salan à la tête de
l'état-major d'Alger. Ce dernier couvrait ces exactions, quand des généraux,
tel Massu, n'y participaient pas directement.
Le gouvernement, alors dirigé par le
socialiste Guy Mollet jusqu'en mai 1957, ne pouvait pas ignorer les pratiques de
son armée de métier, se faisant le complice des tortionnaires. La Question,
écrit par Alleg en captivité à partir de papiers qu'il transmettait petit à
petit, fut publié en février 1958 par les Éditions de Minuit, et interdit le
mois suivant. En quelques semaines, soixante mille exemplaires furent vendus.
Au moins le double le furent lors de la réédition clandestine du livre. En mars
1962, deux décrets, confirmés par une loi votée six ans plus tard, amnistiaient
« toutes les infractions commises par des militaires en Algérie », dont la
torture.
Condamné en 1960 à dix ans de travaux
forcés pour « atteinte à la sûreté de l'État », Henri Alleg s'évada un an plus
tard. Son engagement dans la lutte contre le colonialisme ne l'empêcha pas de
rester fidèle au PCF, un parti qui pourtant a eu sa part de responsabilité dans
cette sale guerre, en particulier lorsqu'il vota les pouvoirs spéciaux au
gouvernement Guy Mollet qui s'en servit pour aggraver la répréssion.
Mais aux yeux de tous ceux qui
rejettent le colonialisme, Alleg symbolise celui qui a dénoncé les méthodes
sauvages employées par l'armée française pour maintenir sa domination coloniale
en Algérie.
Marianne LAMIRAL