dimanche 3 novembre 2019

Élections municipales : étendre l’influence et les réseaux du « camp des travailleurs ». Comment Jules Guesde, Paul Lafargue, et le Parti Ouvrier posait le problème en 1882


Jules Guesde, L’Égalité, 30 avril 1882


Victoire!

Le Parti ouvrier sort des dernières élections municipales complémentaires considérablement grandi et fortifié. 
Non pas que le succès ait partout couronné nos efforts.
À l’exception de Roanne, où la liste collectiviste révolutionnaire a passé tout entière; de Bessèges où lun des condamnés de la dernière grève, le citoyen Jourdan, a été jeté comme une bombe dans le conseil municipal bourgeois, et d’Alais [Alès (Gard)] où le programme du Havre, vaillamment arboré par le citoyen Lalauze, est sorti triomphant de terre avec plus de 1500 voix contre 900; partout, aussi bien à Rennes qu’à Roubaix, à Narbonne comme à Angers, nos candidats sont restés sur le carreau.
Mais pour ne pas voir autant de triomphes dans ces défaites matérielles – comme les appellent les bourgeois – il faudrait ne pas tenir compte du genre de résultats que cherche le socialisme révolutionnaire dans sa participation au scrutin communal.
Si nous voyions – si nous avions jamais pu voir – dans les municipalités des instruments de réforme ou de transformation sociale, il est certain que l’écart considérable entre les voix ouvrières et les voix bourgeoises devrait être inscrit à notre passif. Mais le Parti ouvrier n’est jamais tombé dans une pareille erreur.
Il sait que la solution de la question sociale, qui est tout entière dans la suppression du salariat, dans la propriété et la production sociales substituées à la propriété et à la production capitalistes, n’est pas du ressort des communes – surtout des communes aujourd’hui administrées par le pouvoir central, ou l’État, qui leur mesure non seulement la liberté mais l’existence.
Et il ne considère, il ne peut considérer la lutte politique engagée sur le terrain municipal, comme la lutte engagée sur le terrain de la grève, que comme un moyen de recruter des soldats, de constituer, de discipliner et d’aguerrir l’armée de la Révolution.
Dans ces conditions, du moment – qu’on me passe l’expression – où le mât de cocagne municipal est convaincu de ne mener à rien, peu importe que l’on décroche ou non une timbale nécessairement vide.
La seule chose dont nous ayons à nous occuper, c’est de l’esprit qui anime les combattants.
Est-ce bien l’expropriation de la bourgeoisie qu’ils poursuivent? Est-ce sur le prolétariat organisé en parti de classe quils comptent pour accomplir cette œuvre de salut non seulement ouvrier, mais humain? Est-ce un cri de guerre de guerre sociale qui a été poussé en allant aux urnes? Alors tout est bien.
Ainsi comprise et pratiquée, l’action électorale municipale est le commencement de la fin. Quel que soit le résultat numérique, elle porte ses fruits en elle-même. Nous avons passé la revue de notre armée; et viennent les événements, le bataillon sacré qui sest affirmé à coups de bulletins nous garantit la possession des grands centres ouvriers, Roubaix, Reims, Roanne, etc., qui auront à constituer la dictature révolutionnaire du prolétariat.
C’est dans ce sens – et avec cette conviction – que nous saluons les vaillantes minorités ouvrières qui dans plus de cinquante villes ont répondu présent à l’appel du Parti.
Grâce à elles, notre front de bataille vient d’être largement étendu. Le drapeau a été planté autour duquel se rallieront nécessairement, au fur et à mesure des déceptions qui les attendent, les travailleurs hésitants ou trompés par la phraséologie radicale.
Dans l’enclos municipal stérilisé à l’avance, il ne s’agit pas de vaincre, je le répète, la victoire devant laisser les prolétaires aussi prolétaires que devant. Il s’agit en groupant les hommes, et en affirmant la classe, son but expropriateur et son moyen révolutionnaire, de préparer la victoire, c’est-à-dire l’avènement au pouvoir du quatrième état ou prolétariat.



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