Jules Guesde, L’Égalité, 30 avril 1882
Victoire !
Le Parti ouvrier sort des
dernières élections municipales complémentaires considérablement grandi et
fortifié.
Non pas que le succès ait partout couronné nos efforts.
Non pas que le succès ait partout couronné nos efforts.
À l’exception de Roanne, où la
liste collectiviste révolutionnaire a passé tout entière ; de Bessèges où l’un des condamnés de la
dernière grève, le
citoyen Jourdan, a été jeté comme une bombe dans le conseil municipal
bourgeois, et d’Alais [Alès (Gard)] où le programme du Havre, vaillamment
arboré par le citoyen Lalauze, est sorti triomphant de terre avec plus de 1 500 voix
contre 900 ; partout, aussi bien à Rennes qu’à Roubaix,
à Narbonne comme à Angers, nos candidats sont restés sur le carreau.
Mais pour ne pas voir autant de
triomphes dans ces défaites matérielles – comme les appellent les bourgeois –
il faudrait ne pas tenir compte du genre de résultats que cherche le socialisme
révolutionnaire dans sa participation au scrutin communal.
Si nous voyions – si nous avions
jamais pu voir – dans les municipalités des instruments de réforme ou de
transformation sociale, il est certain que l’écart considérable entre les voix
ouvrières et les voix bourgeoises devrait être inscrit à notre passif. Mais le
Parti ouvrier n’est jamais tombé dans une pareille erreur.
Il sait que la solution de la
question sociale, qui est tout entière dans la suppression du salariat, dans la
propriété et la production sociales substituées à la propriété et à la
production capitalistes, n’est pas du ressort des communes – surtout des
communes aujourd’hui administrées par le pouvoir central, ou l’État, qui leur
mesure non seulement la liberté mais l’existence.
Et il ne considère, il ne peut
considérer la lutte politique engagée sur le terrain municipal, comme la lutte
engagée sur le terrain de la grève, que comme un moyen de recruter des soldats,
de constituer, de discipliner et d’aguerrir l’armée de la Révolution.
Dans ces conditions, du moment –
qu’on me passe l’expression – où le mât de cocagne municipal est convaincu de
ne mener à rien, peu importe que l’on décroche ou non une timbale
nécessairement vide.
La seule chose dont nous ayons à
nous occuper, c’est de l’esprit qui anime les combattants.
Est-ce bien l’expropriation de la
bourgeoisie qu’ils poursuivent ? Est-ce sur le prolétariat organisé en parti
de classe qu’ils comptent pour
accomplir cette œuvre de
salut – non seulement ouvrier, mais humain ? Est-ce
un cri de guerre – de
guerre sociale – qui a été poussé en allant aux urnes ? Alors
tout est bien.
Ainsi comprise et pratiquée,
l’action électorale municipale est le commencement de la fin. Quel que soit le
résultat numérique, elle porte ses fruits en elle-même. Nous avons passé la
revue de notre armée ; et viennent les événements,
le bataillon sacré qui s’est affirmé à coups de bulletins nous garantit la
possession des grands centres ouvriers, Roubaix, Reims, Roanne, etc., qui
auront à constituer la dictature révolutionnaire du prolétariat.
C’est dans ce sens – et avec
cette conviction – que nous saluons les vaillantes minorités ouvrières qui dans
plus de cinquante villes ont répondu présent à l’appel du Parti.
Grâce à elles, notre front de
bataille vient d’être largement étendu. Le drapeau a été planté autour duquel
se rallieront nécessairement, au fur et à mesure des déceptions qui les
attendent, les travailleurs hésitants ou trompés par la phraséologie radicale.
Dans l’enclos municipal stérilisé
à l’avance, il ne s’agit pas de vaincre, je le répète, la victoire devant
laisser les prolétaires aussi prolétaires que devant. Il s’agit en groupant les
hommes, et en affirmant la classe, son but expropriateur et son moyen
révolutionnaire, de préparer la victoire, c’est-à-dire l’avènement au pouvoir
du quatrième état ou prolétariat.
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