Harcèlement
: la lutte des femmes toujours d’actualité
Après l’affaire Weinstein,
plusieurs dizaines de milliers de femmes se sont emparées du hashtag « Balance
ton porc » pour relater le harcèlement qu’elles avaient subi sous différentes
formes ou dénoncer leur agresseur. Douze millions ont répondu aux États-Unis en
24 heures au hashtag « Moi aussi ».
Dans ces dénonciations, on trouve
à côté d’actes commis par des anonymes, ceux d’hommes disposant de pouvoir, des
réalisateurs bien sûr mais aussi des hommes politiques et dans les entreprises
les membres d’une hiérarchie bien souvent masculine. Cela a déplu à certains
commentateurs qui critiquent ces révélations en les assimilant à de la
délation. D’autres contestent cette démarche en se disant choqués de la référence
au porc alors que d’autres encore nient tout simplement les faits en affirmant
que les victimes seraient consentantes. Ainsi, le journal italien réactionnaire
Libero s’en est pris à l’actrice italienne Asia Argento, qui a dénoncé
Harvey Weinstein, en osant écrire : « Céder aux avances de son boss pour
faire carrière, c’est de la prostitution, pas un viol. »
La médiatisation de différentes
affaires dont celles de Strauss-Kahn, de Denis Baupin, député d’Europe Écologie
Les Verts, ou de Gilbert Rozon, un producteur, plus directement liée à celle de
Weinstein, a montré la persistance des rapports de domination des hommes sur
les femmes, en particulier quand ces hommes détiennent du pouvoir sur les
autres. Elle montre que les femmes de classes aisées sont aussi frappées.
Le nombre de femmes ayant subi
une forme de harcèlement de la part de leur entourage ou d’hommes qui ont été
ou sont leur supérieur hiérarchique, ou encore d’hommes disposant d’un pouvoir,
est bien supérieur au nombre des affaires révélées. Nombre d’entre elles se
sont défendues et ont pu éviter que l’agression n’aille trop loin. Mais la
plupart du temps, les femmes qui ont dénoncé leur agresseur ou porté plainte
ont perdu leur emploi ou ont subi les conséquences de leur geste. En effet, le
principal obstacle que doivent affronter celles qui veulent combattre le
harcèlement n’est pas la loi du silence dont parle la presse mais la réalité de
la domination et de l’oppression.
La presse se félicite à longueur
de colonnes de la « parole libérée », mais si parler est nécessaire, ce ne sera
pas suffisant, loin s’en faut, pour que cessent ces comportements. Ceux-ci sont
encouragés par bien des aspects d’une société dans laquelle la puissance de
l’argent et le pouvoir sont légitimés. L’instauration de rapports égalitaires
entre hommes et femmes entre en contradiction avec ceux qu’impose la société
capitaliste. L’accroissement des inégalités sociales, la précarité du travail,
fragilisent encore la situation de millions de femmes et d’hommes et rendent
plus difficile la dénonciation de cas de harcèlement par les femmes employées à
domicile, ouvrières ou employées de bureau. Dans le passé, pour combattre les
différentes formes d’oppression, les femmes ont dû lutter collectivement.
La médiatisation des agissements
d’hommes de pouvoir a le mérite de renforcer le camp de celles et ceux qui
refusent ces rapports de domination, et d’aider à une prise de conscience de la
complaisance dont jouissent les prédateurs sexuels. Mais le combat pour les
faire vraiment cesser se confond avec la lutte à mener contre cette société
bâtie sur l’exploitation et l’oppression.
Inès Rabah (Lutte ouvrière n°2569)
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