mardi 28 juillet 2020

Argenteuil, bilan des élections municipales (3). La montée de l’abstention et l’effondrement des réseaux politiques militants


La nécessaire reconstruction des réseaux militants du monde du travail

 
Recréer les réseaux du monde du travail

Argenteuil est une ville populaire de près de 115 000 habitants. On pourrait imaginer qu’elle porte à sa tête des élus de gauche.
         Mais en 2001, l’éclatement du PCF local entamé une décennie plus tôt, les ambitions de Manuel Valls qui espérait faire d’Argenteuil sa base de lancement, la politique de la gauche du gouvernement Jospin servile à la bourgeoisie, et une gestion municipale discutable mirent un terme à 66 ans de gestion PCF et amenèrent la victoire des héritiers de la vieille droite locale.
         Après l’intermède 2008-2014, la personnalité du maire sortant Philippe Doucet, et à nouveau la présence d’un gouvernement de « gauche » (Pour Hollande, son « l’ennemi c’est la finance » ne le resta que le temps d’une déclaration) virent à nouveau en 2014 la droite locale l’emporter.
         Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons écrit hier et avant-hier sur les raisons du nouvel échec de Philippe Doucet en juin dernier. Pour résumer : la personnalité de ce dernier, et une campagne à la gribouille.
         Mais aux raisons conjoncturelles de la politique gouvernementale et du profil de ses serviteurs, un élément bien plus profond s’est installé, l’abstention qui n’est que le haut de l’iceberg et qui tend à s’approfondir.
         À Argenteuil, cette abstention est certes plus marquée dans les quartiers populaires, mais elle est également importante dans les autres quartiers.
         Certes, cette abstention est un mouvement de fond qui au-delà du moment particulier du Covid 19, traduit l’éloignement de la population du politique, de l’habitude de voter, et de l’idée que les élections peuvent aider à changer son sort.
         En mettant de côté la scandaleuse exclusion des travailleurs immigrés hors Union européenne, il devrait y avoir autour de 75 000 électeurs à Argenteuil. Il y en a 20 000 de moins. Et chacun de nous a des exemples d’habitants proches de ses idées mais qui n’ont pas voté en mars et juin car n’étant pas inscrit sur les listes électorales.
         Mais cet éloignement de la politique, y compris dans cet exemple de l’inscription sur ces listes, exprime aussi magistralement le recul des réseaux militants politiques sur la commune, et en particulier leur quasi-disparition dans les quartiers populaires, de leur activité, et donc de leur influence. C’est sur quoi nous aimerions nous arrêter car, quand ils existaient, ils imprégnaient autour d’eux des cercles bien plus larges de la population, les mobilisant véritablement durant les campagnes électorales, les entraînant au moins à faire un geste pour eux le jour du vote.
         Nous ne connaissons pas l’état des réseaux de droite sur Argenteuil. Mais héritier d’un vieux courant sur Argenteuil, du RPF aux LR d’aujourd’hui, il y a des chances qu’ils soient aujourd’hui les plus joufflus sur la Ville, d’autant plus qu’ils s’appuient toujours sur les réseaux de l’Église catholique locale et de ses excroissances des différentes écoles privées.
         Le « centre » local n’a pas survécu localement aux aléas de son histoire nationale, du Centre démocrate au Modem.
         Mais c’est du côté de ladite « gauche » que l’effondrement est le plus important.
         En l’espace de 30 ans, le PCF est passé d’un parti marquant toute la vie politique d’Argenteuil à un tout petit réseau qui n’est plus que l’ombre de ce qu’il fut.
         Ce réseau avait de très nombreuses cellules et sections sur Argenteuil. Il disposait d’un hebdomadaire local utile. Des dizaines de points de vente de L’Humanité éparpillés sur tout le territoire établissaient le contact avec de très nombreux habitants. Nous développerons le sujet si cela intéresse.
         Le parti socialiste a connu aussi une histoire chaotique sur Argenteuil, des Assises du socialisme de 1974 jusqu’aux aventures Valls et Philippe Doucet en passant par l’inénarrable Faouzi Lamdaoui. Les aventures politiciennes de ces messieurs ont écœuré de très nombreux adhérents et rompu la continuité locale de l’existence de ce parti. Le clientélisme ne remplacera jamais l’engagement pour des idées.
         L’histoire des Verts locaux a suivi, certes à un tout autre niveau d’influence et de manœuvres, celle du Parti socialiste.
         Aujourd’hui, le courant de Mélenchon, ex-tendance du PS, existe, mais lui aussi très modestement.
         L’extrême-gauche naguère « trotskyste » de la LCR et du courant dit « lambertiste » a existé sur Argenteuil. Ce n’est plus aujourd’hui qu’un lointain souvenir.
         Notre courant, communiste révolutionnaire, a incontestablement un réseau local, mais lui aussi encore bien limité.
          Voilà l’état des courants politiques locaux.
         En 1980, plusieurs milliers de personnes participant à des niveaux divers à la vie politique locale.
         Aujourd’hui, hors les réseaux clientélistes électoraux totalement conjoncturels,  seulement 200 ou 250 personnes sont véritablement impliquées, pour une population adulte de 95 000 personnes.
         200 ou 250 personnes qui ont le contact avec combien d’autres habitants, les influençant, les entraînant… ?
         Voilà l’aspect local de l’abstention.
         Pour notre part, la reconstruction des réseaux du monde du travail partout, dans les entreprises, mais particulièrement dans les quartiers populaires -et à Argenteuil, ils sont légions- est une priorité. DM

lundi 27 juillet 2020

Darmanin et les coups de menton du gouvernement dirigés en direction de l’extrême-droite


Avec le mépris et le langage de son monde, les « beaux quartiers »

 


Suite à une fusillade à Nice en plein jour, sur fond de trafic de drogue, Darmanin, le ministre de l'Intérieur, s'est rendu sur les lieux, dans le quartier des Moulins. Dans cette cité, une des plus pauvres de la ville, il a fait une déclaration sur « l'autorité de la République », « partout chez elle » et sur la nécessité de stopper « l'ensauvagement d'une partie de la société », annonçant la visite à venir du Premier ministre, Castex.
Ces déplacements, mis en scène à grands coups de trompettes et de tambours ne changeront rien à la situation subie par la population. Les Darmanin, Castex et autres politiciens camelots le savent aussi bien que le commun des mortels. Mais ça alimente ce climat insécuritaire sur lequel ils veulent racoler des électeurs.

Île de Ré : Quand la misère côtoie l’opulence


Se préparer à contrer une misère qui monte

                                                           Merci Wikipédia
Le Secours populaire, qui a ouvert une antenne mobile sur l’île au début du confinement, y a vu affluer jusqu’à 160 familles, dont certaines personnes vivant avec la moitié d’un RSA et ne mangeant qu’une fois par jour, alors que les prix alimentaires sur l’île sont tirés vers le haut par les riches résidents.
Pour payer le loyer de leur HLM sur l’île, ou de leur petit terrain qui héberge une cabane de chasse ou une caravane délabrée, jouxtant de somptueuses villas ou longères, beaucoup, en particulier des femmes, dépendent des petits boulots fournis par leurs riches voisins : gardiennage des résidences secondaires, repassage, heures de ménage. Et avec la crainte du coronavirus, ces dernières tâches se font rares.
Parmi les demandeurs d’aide alimentaire se trouve même une commerçante autrefois aisée, aujourd’hui en difficulté. Les bénévoles de l’association eux-mêmes sont des travailleurs qui ont du mal à s’en sortir du fait du chômage partiel.
Il s’agit de l’un des signes de la crise économique qui ne fait que commencer. Les travailleurs, pour survivre, n’auront d’autre choix que de la faire payer aux responsables, la grande bourgeoisie.

Mesures contre la Covid : l’incurie au pouvoir


Loin des milliards consacrés aux grandes entreprises

 


Le fait que les masques désormais obligatoires restent payants et chers a provoqué une légitime indignation.
Après bien des contorsions, le ministre de la Santé a finalement annoncé que seules les 7 millions de personnes les plus précaires en recevraient gratuitement.
Attendons de voir de quelle façon cette décision prendra effet. Mais de toute façon c’est insuffisant, et il y aura une baisse, encore une, des revenus de la population laborieuse.
          Ce gouvernement ne trouve pas les sous pour protéger la population du virus, mais il continue d’abreuver de milliards les grandes entreprises…

Argenteuil : l’annonce d’un décès qui peinera bien des habitants du centre


Depuis des années, le kiosque du carrefour Babou dans le centre d’Argenteuil, permettait non seulement d’acheter des fleurs mais également des échanges de sociabilité entre les fleuristes et les passants.
         Le kiosque était tenu par un couple, José Manuel et son épouse, Brigitte Carbillet.
         José Manuel nous prie d’annoncer le décès de son épouse qui vient de disparaître suite à une grave maladie. Il indique également qu’il ne reprendra pas l’activité du kiosque. Nos condoléances donc, et pour notre part, un « salut et fraternité » particulier. DM

Argenteuil : la défaite de Philippe Doucet (2)


Pour nous, trotskystes, la fin ne justifiera jamais n’importe quel moyen

 
Prêt à tout pour arriver à... rien !

Dans une première brève, nous avons évoqué le cadre général et la personnalité de Philippe Doucet qui sont des éléments majeurs dans la défaite de sa liste et de ceux qu’il avait réussi à entraîner derrière lui. Nous aborderons aujourd’hui la campagne elle-même de l’équipe de Philippe Doucet, telle qu’elle a été vécue par un extérieur qui la juge calamiteuse.

         Georges Mothron a été capable d’intégrer dans sa liste au moins deux éléments de la « gauche ». Chacun peut apprécier cela à sa façon, mais ces transfuges ne portaient pas les « gamelles » de certains candidats accueillis sur la liste d’ « Argenteuil avec vous ». Je pense à un ex-adjoint de la liste de Georges Mothron. Le genre de candidat qui amène dix voix et qui en fait perdre cent. Je pense également à l’ancien directeur de cabinet de Philippe Doucet lors d’une partie du mandat 2008-2014. Un homme connu du personnel municipal comme étant sans aménité à son égard, alors que ce mandat portait plutôt un souvenir favorable parmi de nombreux employés territoriaux de l’époque.
         Le clou a été la fusion de la liste conduite par Philippe Doucet avec celle de Mme Fillette, ex-candidate primitive du petit clan Macron local, débarquée ensuite. Comme si ses électeurs du premier tour n’allaient pas en majorité se rallier à la liste Georges Mothron au second tour…
         En tout cas, ce ralliement a rendu pratiquement impossible la fusion entre la liste Philippe Doucet et celle conduite par Omar Slaouti.
         Il est à noter que ce dernier a fait un meilleur score au second tour alors que l’on aurait pu s’attendre au contraire.
         Sur un autre plan, comment des partisans de Philippe Doucet ont-ils à ce propos pu digérer le quatre-pages sur l’entretien de la ville digne d’un torchon d’extrême-droite, l’affiche scandaleusement non signée amalgamant la liste d’Omar Slaouti et celle de Georges Mothron, tout comme comment ont-ils pu accepter une responsabilité dans l’édition de tracts à visée communautariste ?
         Pour nous, la fin ne justifiera jamais la nature des moyens utilisés. Philippe Doucet a démontré qu’il avait un point de vue totalement opposé sur la question. 

         Philippe Doucet a détenu deux records lors de ces élections.
         Le premier est celui de la masse de tracts imprimés, sans parler de l’utilisation des vidéos et des réseaux sociaux. Un tract n’a d’utilité que s’il est lu ne serait-ce que par quelques habitants. Que s’il est un point d’appui pour les multiples discussions approfondies qu’aurait dû avoir les militants mobilisés. On peut faire l’hypothèse raisonnable que la lecture de ces tracts et le nombre de ces discussions a représenté une partie infime de l’ensemble du matériel produit.
         Le second concerne le nombre de participants aux concentrations du carrefour "Babou". Quel intérêt eurent ces rassemblements où des dizaines de partisans se rassemblaient aux quatre coins, lesquels auraient pu tenter de discuter ailleurs partout dans la Ville ? Bien sûr ces militants se musclèrent le poignet, mais écœurèrent un peu plus les passants  qui les évitaient. Piètre résultat !
         En 2008, la campagne à laquelle nous participions fut menée à quelques dizaines de personnes. Mais celle de 2014 initia ces carrefours Babou ridicules.
         Ces tracts et ces prestations ne servirent à rien. Nous ne savons pas si Philippe Doucet eut la conviction que l’élection serait recommencée en septembre, mais comme son adversaire, il fut absent du confinement. Ce fut pourtant un moment où les habitants auraient été heureux de lire des messages, une feuille hebdomadaire donnant des informations mais surtout les réconfortant.
         Les axes et le contenu des tracts des trois principales listes se ressemblèrent étrangement, et d’abord par l’étalage de listes de promesses à la Prévert. Dans la nuit tous les chats sont gris. Dans la confusion, l’électeur intéressé eut bien des difficultés à localiser son chat, d’autant plus que ceux de la concurrence étaient de la même couleur.
         Il eut pourtant été facile de se concentrer sur les quelques priorités locales qui disqualifiaient la municipalité sortante :
         -Certes la liste Philippe Doucet l'était elle-même dans l’affaire jean Vilar.
         Mais il y avait d’autres thèmes sur lesquels la municipalité Georges Mothron avait failli alors que l’action municipale y est néanmoins possible :
         -la construction d’écoles où son bilan était ridicule ;
         -le commerce où la situation est calamiteuse ;
         -la culture qui a connu dans la Ville après 2014 un incontestable recul ;
         -le logement pour tous qui est une priorité même si le pouvoir d’une municipalité est limité sur la question.
         Mais cela fut noyé dans une masse gigantesque de promesses et d’informations…  

         Nous évoquons cela non pas pour donner une leçon sur ce qu’il fallait faire, mais pour expliquer l’essentiel de la défaite de la liste « Argenteuil avec vous ». Pour notre part, avec nos très modestes moyens militants actuels, nous avions choisi un tout autre axe de campagne, celle de l’affirmation de nos convictions communistes, essentielles dans la période de crise approfondie qui s’est ouverte avec le Covid 19.        
         Les militants de la Liste de Philippe Doucet portent aussi, chacun au moins pour ceux qui s’y étaient vraiment engagés, une responsabilité personnelle, certes marginale, dans l’échec de cette campagne, et surtout dans les écarts décidés par la direction de cette campagne. Mais nous retrouverons des militants de cette liste dans les luttes de demain, des militants aujourd’hui très déçus et pour certains amers. Nous aimerions qu’ils discutent ce que nous affirmons ci-dessus, et qu’ils le fassent entre autres avec nous.
          Demain, nous aborderons la question de l'abstention à Argenteuil. DM

dimanche 26 juillet 2020

Condition ouvrière : « Performance collective » : Accords de Pauvreté Collective. Un article de notre hebdomadaire Lutte ouvrière de cette semaine


« Performance collective » : Accords de Pauvreté Collective

22 Juillet 2020

Les chantages à l’emploi se multiplient dans les entreprises, avec l’alibi de la crise sanitaire. Les patrons demandent aux travailleurs d’accepter une aggravation de leurs conditions de travail ou une baisse de salaire, en échange d’une hypothétique préservation de leur emploi.

 


Cela prend souvent la forme d’un accord de performance collective à signer par les syndicats. Ce dispositif a été instauré par Macron en juillet 2017, bien avant que l’on parle du coronavirus. Il remplaçait et fusionnait d’autres accords du même type permettant d’exercer un chantage sur les salariés, à ceci près que désormais le patron n’est même plus tenu de justifier de difficultés économiques. Quant au travailleur qui en refuse les conséquences, il peut être purement et simplement licencié sans même bénéficier d’un licenciement économique.
Les travailleurs en grève de Derichebourg Toulouse qualifiaient en juin dernier l’APC signé par la direction et le syndicat FO d’ « Accord de Pauvreté Collective », ou « d’Accord Pour Crever ». Il les privait de leurs primes de transport et de repas, et une partie d’entre eux perdaient leur 13e mois. C’était 500 euros en moins par mois.
La précédente ministre du Travail, Muriel Pénicaud, avait appelé les patrons à utiliser largement ce dispositif, le présentant comme une alternative aux suppressions d’emplois. On ne compte plus les exemples prouvant le contraire. Les profits patronaux sont la seule chose que garantissent les accords aggravant l’exploitation des travailleurs en échange d’un maintien de l’emploi, total ou partiel.
À l’usine de Smart Hambach, Mercedes avait imposé en 2016 aux travailleurs de travailler 39 heures payées 37 en leur mettant le couteau sous la gorge. Aujourd’hui, cette entreprise se débarrasse de l’usine et 1 600 travailleurs sont menacés. Cela n’a rien d’exceptionnel. Quand la fermeture d’une usine est annoncée, on apprend bien souvent que les salariés avaient accepté des sacrifices dans l’espoir d’éviter cette issue. Les sacrifices en question ont enrichi les patrons, et les travailleurs prennent quand même le chemin de Pôle emploi.
Cette méthode s’apparente à celle du chef de la mafia dont la phrase favorite dans le film Le Parrain était : « On va lui faire une proposition qu’il ne pourra pas refuser. » Les mafiosi sont simplement remplacés par des DRH et, comme dans le film, le fait d’accepter la proposition ne garantit pas la survie.
On sait depuis longtemps que céder à un chantage ne fait que renforcer les maîtres chanteurs. Pour les travailleurs, la seule voie possible est celle de la lutte pour imposer leurs propres conditions.

                                                Daniel MESCLA (Lutte ouvrière n°2712)

SNCF : des subventions publiques sans conditions de maintien des postes


Vous reprendrez bien un peu d'aides ?

 


Le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, se plaint que l'entreprise aurait perdu 4 milliards d'euros dans la crise sanitaire, auxquels il faudrait ajouter 1 milliard dû aux grèves contre la réforme des retraites.
Qu'importe, le gouvernement s'est empressé d'annoncer un plan d'aides. Il pourrait s'agir par exemple de financer les investissements en matériel indispensables à la place de la SNCF, ou bien de reprendre une partie de la dette. Mais comme pour toutes les autres entreprises qui ont reçu des chèques de l'État, il n'est pas question de conditionner ces aides au maintien des emplois ou des conditions de travail.