Un décret vient de paraître qui
précise les nouvelles règles de remboursement des médicaments les plus chers
prescrits à l'hôpital, règles basées sur l'appréciation par la Haute Autorité
de Santé de l'amélioration du service médical rendu par le médicament.
Les
nouveaux traitements innovants contre le cancer ou l'hépatite C, dont
l'efficacité est attestée, passeront donc haut la main les critères choisis. Or
les firmes pharmaceutiques monnaient leurs brevets sur ces traitements en
imposant des prix exorbitants, sans rapport avec leurs coûts de revient, en
prétextant que la recherche et l'innovation ont un coût.
Les
firmes pharmaceutiques pourront donc continuer de piller les caisses de la
Sécurité Sociale pour la meilleure santé... de leurs profits !
Un article de notre hebdomadaire Lutte ouvrière de
cette semaine
Industrie
pharmaceutique : les pilules aux œufs d’or
110 cancérologues et hématologues
français ont publié le 15 mars, dans le journal Le Figaro, un appel
dénonçant la hausse des prix des traitements contre le cancer. L’un des
signataires, le professeur Vernant, dénonce « les profits indécents de
l’industrie pharmaceutique ».
Celle-ci
a développé ces dernières années toute une série de médicaments dits «
innovants », qui représentent une réelle avancée thérapeutique dans la prise en
charge des cancers mais aussi de l’hépatite C. Mais les prix très élevés de ces
médicaments prennent une part de plus en plus importante (entre 8 et 9 %
d’augmentation par an) dans les dépenses de santé puisqu’ils sont pris en charge
par la collectivité.
Parmi ces
médicaments « innovants », le Glivec des laboratoires Gilead, un médicament
contre la leucémie myéloïde, coûte 3 000 euros par an en France et 7 500 aux
USA. Dans la prise en charge de l’hépatite C, le même laboratoire propose aux
USA le Sovaldi à 84 000 dollars pour un traitement de 12 semaines et l’Harvoni
encore plus cher à 94 500 dollars… Les laboratoires justifient ces prix en
disant qu’ils sont fixés en accord avec les autorités de santé. Mais c’est
seulement la preuve de leur poids qui leur permet de « négocier » les prix
qu’ils veulent.
Le
professeur Vernant explique aussi que « l’industrie pharmaceutique détermine
ses prix en fonction de ce que le marché est prêt à payer ». Et c’est
d’autant plus choquant quand on sait que les mêmes médicaments peuvent être
fabriqués pour quelques centaines de dollars dans certains pays du tiers-monde
par des laboratoires locaux qui refusent le diktat des trusts américains ou
européens.
Les
laboratoires invoquent aussi les dépenses de recherche, les études cliniques,
et leur budget Recherche et développement, pour justifier ces prix. Mais selon
le professeur Vernant « moins de 15 % du chiffre d’affaires va dans la
Recherche et le développement », quand la Ligue contre le cancer donne le chiffre
de 30 % de dépenses de marketing dans le chiffre d’affaires d’un laboratoire.
Si les
prix de ces médicaments sont astronomiques c’est tout simplement le résultat
d’une politique cynique et délibérée de recherche du profit maximal que
dénonçait déjà en décembre 2015 une enquête du Sénat américain en ces termes : «
Depuis le départ, l’objectif premier de Gilead est de maximiser son profit,
indépendamment des conséquences humaines. » L’enquête menée pendant 18 mois
sur des documents internes du laboratoire a établi que Gilead était
parfaitement conscient que le prix élevé de ses produits les mettait hors de
portée de la majorité des patients. Que lui importe si le résultat est qu’aux
USA seulement 2,4 % des 700 000 personnes victimes de l’hépatite C et couvertes
par Medicaid ont pu bénéficier du traitement. Cela ne pèse pas lourd face aux
21 milliards de dollars engrangés par Gilead depuis le lancement de ses
produits, rien qu’aux USA.
Pour les
industriels de la pharmacie, recherche et progrès doivent d’abord rimer avec
chiffre d’affaires et rentabilité, y compris aux dépens de la santé des malades
et des finances des organismes de santé.
Cédric
DUVAL