Fin de vie : les limites d’une loi
Publié le 29/05/2024
Les débats autour de la nouvelle loi sur la fin de vie et l’aide à mourir ont commencé le 27 mai à l’Assemblée nationale. Le sujet est d’autant plus sensible dans une société marquée par les inégalités de classe, la loi du fric, les préjugés moraux ou religieux et les calculs politiciens permanents.
Le texte initial du gouvernement prévoyait la garantie d’accès pour tous les malades à des soins palliatifs, dont plus de vingt départements ne disposent pas aujourd’hui malgré les lois déjà existantes. Il introduisait surtout le droit à disposer d’une aide active à mourir par injection d’une substance létale, un droit encadré par de très nombreuses conditions restrictives.
Ces conditions ont été un peu assouplies par une commission de députés, qui a remplacé les termes « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » par « être atteint d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale ». Même ainsi, le texte est bien plus limité que les lois en vigueur dans plusieurs pays d’Europe, du Portugal aux Pays-Bas en passant par la Suisse. La ministre a annoncé vouloir revenir à la version initiale du texte. Elle pourra compter sur nombre de députés parmi les plus réactionnaires, hostiles a priori à tout assouplissement du projet de loi.
Dans tous les cas, le pouvoir de décision et surtout l’accès concret aux gestes et substances permettant la fin de vie appartiendront aux médecins plus qu’aux malades ou à leurs proches. Les médecins pourront invoquer une clause de conscience comme il en existe une pour la pratique de l’IVG. Entre cette clause de conscience, la pénurie de services de soins palliatifs, celle de personnel médical assez disponible et éclairé, le manque d’informations sur les possibilités légales, la loi risque de ne pas changer grand-chose pour la plupart de ceux qui désespèrent devant l’agonie insoutenable d’un proche.
Combien de personnes subissent les conséquences physiques d’un travail pénible ou sont empoisonnées par l’amiante, les PFAS, le chlordécone ou autres substances ? Combien ne peuvent pas, faute de moyens, avoir une hygiène de vie qui retarde les effets de maladies chroniques ? Combien ne découvrent que trop tardivement un cancer, faute d’accès à un médecin traitant et de dépistages réguliers ? Combien voient leur état de santé se dégrader, faute de bénéficier des meilleurs soins, délivrés au plus tôt ? Combien sont renvoyés chez eux, sans proches ni assistance, après une hospitalisation, y compris des personnes âgées ou lourdement handicapées ?
L’humanité dispose pourtant, pour la première fois de sa longue histoire, des moyens matériels pour maîtriser consciemment les divers aspects de la vie, satisfaire les besoins de tous, accéder à l’éducation ou la culture et se soigner au mieux du fait des progrès fabuleux dans le secteur biomédical. Chaque être humain devrait aussi pouvoir maîtriser sa fin de vie, en toute conscience. Mais aujourd’hui, dans cette société de classes, l’immense majorité des humains, même dans un pays développé, ne peut pas plus maîtriser sa fin de vie que sa vie elle-même. Une loi ne suffira pas à y répondre.
Xavier Lachau (Lutte ouvrière n°2913)
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