Naissance et essor du parti ouvrier en France
La création d’un parti ouvrier se
réclamant de Marx et d’Engels fut en France moins linéaire qu’en Allemagne. La
Commune de Paris avait opéré une saignée dans les rangs militants, et
représenta une véritable rupture de continuité. Le Parti Ouvrier qui fut fondé
par Jules Guesde et Paul Lafargue en 1879 resta longtemps très minoritaire, mais
comme le parti social-démocrate en Allemagne, il s’efforça de s’implanter dans
le monde ouvrier en plein essor, avec succès dans quelques régions comme le
Nord. Mais il était en concurrence avec d’autres organisations se réclamant
plus ou moins du marxisme. Il le fut surtout avec un courant se réclamant de
l’anarcho-syndicalisme, qui considérait que l’organisation syndicale des
travailleurs était la forme idoine pouvant les mener à la prise du pouvoir et qui
combattait de ce fait l’idée de la nécessité d’un parti ouvrier. Ce courant
anarcho-syndicaliste fut à l’origine de la CGT en 1895 qu’il dirigea jusqu’à la
Guerre, en 1914.
Les
différents partis et organisations ouvrières comptaient dans leurs rangs des militants
soucieux d'organiser les travailleurs, bravant la répression, et dont beaucoup
connurent la prison. Ils fusionnèrent à l’initiative de Jean Jaurès pour former
en 1905 le Parti Socialiste qui allait être bientôt plus connu sous le nom de
SFIO, Section Française de l’Internationale Ouvrière (Nous reviendrons après-demain sur cette dernière).
Dans
la SFIO des origines, les ambiguïtés étaient certes présentes Certains, avec
Jaurès lui-même, avaient soutenu, quelques années avant l’unification, la
participation ministérielle à un gouvernement bourgeois, tandis que d'autres,
comme Lafargue, Guesde et Vaillant, avaient milité pour défendre l'indépendance
politique du prolétariat. En tout cas, les partis qui s’unifiaient affirmaient alors
"leur commun désir de fonder un
parti de lutte de classe qui, même lorsqu'il utilise au profit des travailleurs
les conflits secondaires des possédant (...) reste toujours un parti
d'opposition fondamentale et irréductible à l'ensemble de la classe bourgeoise
et à l'Etat qui en est l'instrument". Ce "parti de classe"
se fixait pour objectif de "socialiser
les moyens de production et d'échange, c'est-à-dire de transformer la société
capitaliste en une société collectiviste ou communiste" et pour moyen
"l'organisation économique et politique du prolétariat".
Même
s'il militait pour "la réalisation
des réformes immédiates revendiquées par la classe ouvrière", il
n'était pas "un parti de réforme,
mais un parti de lutte de classe et de révolution". Conséquence
immédiate, il refusa de voter "les crédits militaires, les crédits de
conquête coloniale, les fonds secrets et l'ensemble du budget".
Quelques
mois après s’être unifié, la Parti Socialise comptait 34000 cotisants dont le
quart appartenaient à des fédérations majoritairement ouvrières, la Seine, le
Nord, la Gironde et l'Allier. L’année suivante, il revendiquait cinquante
députés, et leur nombre atteignit 75 en 1910 et 102 sur 595 en 1914.
Au-delà
des ambiguïtés qui le marquaient et qui allaient entraîner son effondrement
politique en 1914, ce parti avait diffusé en France auprès de larges masses
ouvrières la nécessité de la révolution sociale et de ses objectifs
communistes. DM
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