Une
journée internationale
04 Mars 2020
En 1977, les Nations unies,
prenant acte d’une forte mobilisation des femmes dans le monde, ont proposé que
le 8 mars devienne la journée internationale des femmes. À l’origine, cette
date n’émanait pas de ces salons, mais des révolutionnaires.
La première organisation
politique qui mit en avant le principe « à travail égal, salaire
égal » fut la Deuxième Internationale ouvrière, en 1889. Les militants et
les dirigeants socialistes d’alors étaient des révolutionnaires.
Ils n’aspiraient pas à gérer les
affaires de la bourgeoisie mais à mettre fin au capitalisme. C’est en Allemagne
qu’ils étaient le mieux organisés, et pourtant c’était là où ils étaient le
plus réprimés. Tant que Bismarck fut à la tête de l’État, il mena la vie dure
aux socialistes allemands, sans toutefois empêcher leurs progrès.
C’est Engels qui poussa une
militante allemande, Clara Zetkin, à intervenir au congrès de 1889 pour y
défendre les droits des femmes. Ce n’était pas une chose facile. Bien des
militants ouvriers avaient des préjugés. Certains socialistes étaient pour la
femme au foyer, quand ils ne prétendaient pas que « l’engagement politique
des femmes les rendra stériles ». La socialiste autrichienne Adelaïde Popp
a raconté combien avaient été difficiles ses premiers pas, car les réunions
socialistes étaient composées presque uniquement d’hommes. Il fallait du
courage pour oser s’y exprimer.
En Allemagne, la loi ne
facilitait pas les choses puisque, jusqu’en 1908, elle interdisait aux femmes
de participer à des réunions politiques avec des hommes, et même entre elles.
Les femmes les plus engagées durent user de stratagèmes pour se réunir et
tromper la surveillance policière. Cela explique aussi, en partie, pourquoi les
socialistes se dotèrent d’une presse spécifique destinée aux femmes, et d’abord
aux travailleuses.
Clara Zetkin est parfois
présentée par les médias d’aujourd’hui comme une journaliste féministe.
Journaliste, défenseuse des droits des femmes, elle l’était, mais elle était
surtout une militante socialiste. En 1891, elle prit la tête d’une publication
de la social-démocratie allemande, L’Égalité (Gleichheit), qui
défendait les droits des femmes mais aussi la perspective révolutionnaire
internationaliste. Cette publication avait 400 lecteurs à ses débuts et
125 000 de plus en 1914. Entre 1882 et 1907, le nombre des ouvrières en
Allemagne avait triplé, passant de 500 000 à 1,5 million.
Le Parti socialiste allemand, le
SPD, était porté par les idées de Marx et Engels. Un de ses dirigeants, August
Bebel, ancien ouvrier tourneur, y militait contre la misogynie héritée en
partie des préjugés de Lassalle, le premier à avoir dirigé l’organisation des
travailleurs allemands. En 1879, Bebel publia un ouvrage, La femme et le
socialisme, qui se concluait par cette formule : « l’avenir
appartient au socialisme, c’est-à-dire, d’abord, à l’ouvrier et à la femme. »
En 1907, les militantes de la
Deuxième Internationale appelèrent à une première conférence internationale des
femmes, à laquelle participèrent cinquante femmes représentant quinze pays. S’y
retrouvèrent Clara Zetkin, Rosa Luxemburg pour l’Allemagne, Alexandra Kollontai
et Inessa Armand pour la Russie, Madeleine Pelletier pour la France, et même
une militante de Bombay, Bhikaji Camar, qui dénonça la domination colonialiste
britannique sur l’Inde.
Ces femmes défendaient le droit
des travailleuses et dénonçaient les limites des féministes bourgeoises, qui se
contentaient de revendiquer le droit de vote, certaines étant prêtes à se
contenter du suffrage censitaire pour les seules femmes riches. Les socialistes
réclamaient le suffrage universel, mais soulignaient qu’il ne réglerait pas les
problèmes de l’exploitation des travailleuses et des travailleurs par le
système capitaliste. Pour cela, les femmes, comme les hommes, devaient
s’organiser économiquement dans les syndicats et politiquement dans les partis
socialistes.
En 1910, une seconde conférence
des femmes socialistes décida du principe d’une journée internationale pour les
droits des femmes, qui serait une manifestation comparable au 1er mai ouvrier.
Clara Zetkin notait que le Parti socialiste allemand organisait de plus en plus
de femmes. En 1907, il en comptait presque 30 000. En 1908, elles étaient
62 000, car l’interdiction de se réunir avait été levée. Les sections
locales du SPD élurent des femmes à des postes de direction. Des cercles
d’études formèrent les nouvelles adhérentes. Des centaines de meetings les
réunirent. De leur côté, les syndicats ouvriers liés au SPD organisaient
135 000 femmes.
La première journée
internationale des femmes eut lieu le 19 mars 1911 à l’appel de
l’Internationale socialiste. Un million de femmes y participèrent dans
plusieurs pays d’Europe, Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Suisse. Le 8 mars 1914,
les ouvrières allemandes manifestaient pour le droit de vote, finalement obtenu
en 1918. Le 8 mars 1917, en Russie, la journée des femmes marqua le début de la
révolution. Ensuite, le mouvement communiste, né de cette révolution et ayant attiré
à lui les meilleurs éléments socialistes, dont Clara Zetkin, fit du 8 mars la
journée des droits des femmes, officialisée en Russie soviétique par un décret
de Lénine en 1921.
De telles origines sont
impossibles à évoquer dans les médias bourgeois d’aujourd’hui, pour qui le
capitalisme pourrissant serait un système indépassable. Mais les faits sont
têtus. Le mouvement ouvrier révolutionnaire est à l’origine de la journée
internationale des femmes car, comme l’expliquait Bebel, « il ne peut y
avoir d’émancipation humaine sans indépendance sociale et égalité des sexes ».
Un objectif qui reste d’actualité.
Jacques FONTENOY (Lutte ouvrière
n°2692)
8 mars
: manifestons pour les droits des femmes !
8 mars : manifestons
pour les droits des femmes !
04 Mars 2020
Trente organisations, parmi
lesquelles des organisations féministes et syndicales, appellent à manifester
dimanche 8 mars pour la journée de lutte pour les droits des femmes du monde
entier.
Le haut conseil à l’Égalité
constate une hausse de 46 % des plaintes pour harcèlement sexuel. Selon
l’Ifop, 11 % des femmes révèlent avoir eu un rapport sexuel forcé dans le
cadre professionnel, tandis que 80 % font état d’attitudes ou de décisions
sexistes dans les entreprises. Dans le même temps, les femmes sont toujours les
premières victimes du chômage, des temps partiels imposés et du travail
précaire. Selon l’Insee, elles continuent de toucher des salaires inférieurs de
18,5 % à ceux des hommes.
Et, comme le soulignent les
organisateurs de la manifestation dans leur appel, l’attaque du gouvernement
contre les retraites pénalisera particulièrement les femmes.
Quant aux droits fondamentaux à
pouvoir disposer librement de son corps et de sa sexualité, ils sont de plus en
plus menacés par les politiques d’économies budgétaires, quand ils ne sont pas
purement et simplement remis en cause dans de nombreux pays.
Le combat pour l’émancipation des
femmes fait partie intégrante du combat pour une société débarrassée de l’exploitation
capitaliste.
Lutte ouvrière s'associe
aux manifestations du 8 mars et en particulier à celle qui partira à Paris, de
la place d'Italie à 14 heures.
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