jeudi 10 mai 2018

Violence, retour sur le 1er Mai, un article de notre hebdomadaire Lutte ouvrière de cette semaine


Incidents du 1er Mai : une violence apolitique et stérile

Le succès d‘affluence de la manifestation parisienne du 1er mai a été occulté par les actions violentes de quelques groupes. Ces 1 200 personnes, selon la police, que la presse désigne sous le nom de Black blocs, ont saccagé des commerces et se sont affrontées aux CRS.
Beaucoup de manifestants, empêchés de défiler et de s’exprimer, étaient légitimement en colère contre cette minorité qui a parasité la manifestation pour mener sa petite guérilla urbaine. Elle a imposé ses méthodes violentes à des dizaines de milliers de personnes qui n’étaient pas venues pour cela et leur a ainsi confisqué la parole.
Tout cela n’a rien à voir avec la défense des intérêts ouvriers. Les partis ouvriers révolutionnaires ont toujours défendu leur politique ouvertement devant l’ensemble des travailleurs. Ils cherchent à convaincre, à organiser et à entraîner dans l’action collective le maximum d’entre eux. Lorsqu’on aspire réellement à transformer la société, on sait aussi que cela ne sera possible que s’il y a l’intervention de la grande masse des travailleurs et leur participation consciente aux décisions. « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes », dont Marx avait fait la devise du parti ouvrier, n’est pas une phrase en l’air.
Les Black blocs n’ont été choisis ou élus par personne : ils agissent comme s’ils étaient le bras armé de manifestants qui ne leur ont rien demandé et qui ignorent même non seulement leurs idées mais qui ils sont. Les travailleurs n’ont pas besoin de sauveur suprême dans les élections, mais ils n’en ont pas besoin non plus dans la rue.
Certains, parmi la jeunesse et les manifestants, pensent que les casseurs se font davantage entendre. Mais que disent-ils au juste ? Et par qui se font-ils entendre ? On l’a vu le soir même du 1er mai, c’est le gouvernement, le préfet de police et le ministre de l’Intérieur qui ont paradé. Avec l’aide des médias, ils ont pu se servir des scènes de violence gratuite pour tenter de faire peur et surtout pour masquer les revendications et le succès de cette manifestation qui avait regroupé près de 200 000 personnes dans tout le pays.
Le gouvernement et les médias ont voulu se donner le beau rôle en dénonçant la violence des Black blocs. Mais ce gouvernement, qui bombarde en Syrie, matraque et pourchasse les migrants ici et s’attaque aux conditions de vie de la grande majorité pour le bonheur des privilégiés, peut garder ses leçons de non-violence ! La société capitaliste, l’exploitation, l’injustice, le racisme s’abattent avec brutalité sur des millions de femmes et d’hommes. Ceux-ci subissent la violence du chômage, celle de ne pas pouvoir se loger, se soigner et vivre décemment. Et la crise, c’est-à-dire la faillite de l’organisation capitaliste de la société et de ceux qui la dirigent, ne peut que provoquer ce genre de réactions épidermiques.
Mais, s’il y a de quoi avoir la haine contre ce système, la rage qui consiste à se défouler sur les CRS, briser des vitrines et brûler des voitures parce que ce seraient des symboles du capitalisme, est un faux radicalisme. L’objectif de véritables révolutionnaires est de renverser le pouvoir de la bourgeoisie et de l’exproprier, pour lui enlever son monopole sur la direction de la société. De petits groupes, même décidés, sont incapables de le faire. Seule la grande masse consciente des exploités peut y parvenir et c’est aussi avec la mobilisation la plus large et la conscience politique du plus grand nombre qu’il sera possible de bâtir une nouvelle société, organisée pour satisfaire les besoins de tous.
Ceux qui sont éloignés du monde du travail sont prompts à considérer que les moyens du mouvement ouvrier, les manifestations, jugées trop tranquilles, les grèves, l’organisation de classe et le militantisme politique, ne servent plus à rien. Pour des révolutionnaires, tous ces moyens, y compris les élections, peuvent contribuer au but final, à condition qu’ils soient utilisés pour approfondir la conscience des exploités. Dans un système qui apprend aux exploités à baisser la tête et les habitue à subir, oser contester, manifester et faire grève pour défendre ses intérêts, c’est déjà relever la tête, comme le montrent en ce moment les cheminots. Ce sont des prises de conscience souvent invisibles mais ce sont elles qui comptent, car toutes les révolutions commencent déjà dans les esprits.

                                               Lila VERMER (Lutte ouvrière n°2597)

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