Incidents
du 1er Mai : une violence apolitique et stérile
Le succès d‘affluence de la
manifestation parisienne du 1er mai a été occulté par les actions
violentes de quelques groupes. Ces 1 200 personnes, selon la police, que la
presse désigne sous le nom de Black blocs, ont saccagé des commerces et se sont
affrontées aux CRS.
Beaucoup de manifestants,
empêchés de défiler et de s’exprimer, étaient légitimement en colère contre
cette minorité qui a parasité la manifestation pour mener sa petite guérilla
urbaine. Elle a imposé ses méthodes violentes à des dizaines de milliers de
personnes qui n’étaient pas venues pour cela et leur a ainsi confisqué la
parole.
Tout cela n’a rien à voir avec la
défense des intérêts ouvriers. Les partis ouvriers révolutionnaires ont
toujours défendu leur politique ouvertement devant l’ensemble des travailleurs.
Ils cherchent à convaincre, à organiser et à entraîner dans l’action collective
le maximum d’entre eux. Lorsqu’on aspire réellement à transformer la société,
on sait aussi que cela ne sera possible que s’il y a l’intervention de la
grande masse des travailleurs et leur participation consciente aux décisions. «
L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes »,
dont Marx avait fait la devise du parti ouvrier, n’est pas une phrase en l’air.
Les Black blocs n’ont été choisis
ou élus par personne : ils agissent comme s’ils étaient le bras armé de
manifestants qui ne leur ont rien demandé et qui ignorent même non seulement
leurs idées mais qui ils sont. Les travailleurs n’ont pas besoin de sauveur
suprême dans les élections, mais ils n’en ont pas besoin non plus dans la rue.
Certains, parmi la jeunesse et
les manifestants, pensent que les casseurs se font davantage entendre. Mais que
disent-ils au juste ? Et par qui se font-ils entendre ? On l’a vu le soir même
du 1er mai, c’est le gouvernement, le préfet de police et le ministre de
l’Intérieur qui ont paradé. Avec l’aide des médias, ils ont pu se servir des
scènes de violence gratuite pour tenter de faire peur et surtout pour masquer les
revendications et le succès de cette manifestation qui avait regroupé près de
200 000 personnes dans tout le pays.
Le gouvernement et les médias ont
voulu se donner le beau rôle en dénonçant la violence des Black blocs. Mais ce
gouvernement, qui bombarde en Syrie, matraque et pourchasse les migrants ici et
s’attaque aux conditions de vie de la grande majorité pour le bonheur des
privilégiés, peut garder ses leçons de non-violence ! La société capitaliste,
l’exploitation, l’injustice, le racisme s’abattent avec brutalité sur des
millions de femmes et d’hommes. Ceux-ci subissent la violence du chômage, celle
de ne pas pouvoir se loger, se soigner et vivre décemment. Et la crise,
c’est-à-dire la faillite de l’organisation capitaliste de la société et de ceux
qui la dirigent, ne peut que provoquer ce genre de réactions épidermiques.
Mais, s’il y a de quoi avoir la
haine contre ce système, la rage qui consiste à se défouler sur les CRS, briser
des vitrines et brûler des voitures parce que ce seraient des symboles du
capitalisme, est un faux radicalisme. L’objectif de véritables révolutionnaires
est de renverser le pouvoir de la bourgeoisie et de l’exproprier, pour lui
enlever son monopole sur la direction de la société. De petits groupes, même
décidés, sont incapables de le faire. Seule la grande masse consciente des
exploités peut y parvenir et c’est aussi avec la mobilisation la plus large et
la conscience politique du plus grand nombre qu’il sera possible de bâtir une
nouvelle société, organisée pour satisfaire les besoins de tous.
Ceux qui sont éloignés du monde
du travail sont prompts à considérer que les moyens du mouvement ouvrier, les
manifestations, jugées trop tranquilles, les grèves, l’organisation de classe
et le militantisme politique, ne servent plus à rien. Pour des
révolutionnaires, tous ces moyens, y compris les élections, peuvent contribuer
au but final, à condition qu’ils soient utilisés pour approfondir la conscience
des exploités. Dans un système qui apprend aux exploités à baisser la tête et les
habitue à subir, oser contester, manifester et faire grève pour défendre ses
intérêts, c’est déjà relever la tête, comme le montrent en ce moment les
cheminots. Ce sont des prises de conscience souvent invisibles mais ce sont
elles qui comptent, car toutes les révolutions commencent déjà dans les
esprits.
Lila
VERMER (Lutte ouvrière n°2597)
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