Air
France : le PDG débarqué par le personnel
Par 55,44 % des voix et à plus de
80 % de votants, les 46 771 salariés d’Air France ont dit non à leur direction.
Malgré des semaines d’intense propagande interne, de pressions de l’encadrement
et de pilonnage des médias, les dirigeants de la compagnie et tous ceux qui les
soutenaient viennent de prendre une gifle magistrale.
Après sept ans de gel salarial,
10 000 emplois supprimés, la suppression de jours de repos, l’augmentation des
vols et rotations pour les navigants, la direction d’Air France voulait faire
approuver des augmentations dérisoires : d’abord 1 % sur 2018, puis un maximum
de 7 % étalés sur quatre ans, le tout assorti d’une clause antigrève.
Pour convaincre le personnel
qu’il devait voter oui, et qu’en tout cas l’opinion publique n’était pas de son
côté, les médias ont fait chorus avec la direction de la compagnie. Ils ont
dénoncé comme des irresponsables et des privilégiés ces salariés qui faisaient
grève pour 6 % de rattrapage salarial, alors que beaucoup ne gagnent pas 1 400
euros net. Et ils ont joué l’air de la division, en prétendant que les pilotes
ont des intérêts opposés à ceux du reste du personnel et que, si elles font
grève, les autres catégories se mobilisent peu.
Tout ce petit monde, et d’abord
le PDG qui avait mis sa démission dans la balance, était si sûr de son coup
que, le 4 mai, au dernier jour du scrutin, Aujourd’hui en France voyait «
les salariés pencher pour le oui » et que Libération tablait sur «
l’hypothèse probable où le oui l’emporte ».
Pourtant, malgré leur mépris de
classe pour des travailleurs qu’ils imaginent corvéables et malléables à merci,
ceux d’Air France n’ont pas marché.
Car trop c’est trop. Et depuis
trop de temps. Pour ceux des ateliers qui, fin 2016, avaient fait grève
spontanément à plusieurs milliers contre un énième plan d’externalisation,
forçant ainsi la direction à reculer. Pour ceux qui, depuis fin 2017, réclament
ici et là des revalorisations de carrière, en clair des hausses de salaire. Et,
bien sûr, pour tous ceux et toutes celles qui, depuis février, exigent 6 %.
Cette revendication unit, toutes catégories confondues, mécanos-avion et hôtesses,
bagagistes et pilotes en un même mouvement, au grand déplaisir d’une direction
qui compte d’habitude sur le corporatisme pour diviser et donc pour régner.
Au fil d’une quinzaine de jours
d’arrêt de travail, beaucoup n’ont fait que quelques heures de grève, voire
n’en ont fait aucune, car ils pensaient ne pas en avoir les moyens ou que la
direction ne céderait pas. Mais ils n’en voyaient pas moins celle-ci comme leur
ennemie. Et puis, les premières grèves pour les 6 % ayant coïncidé avec le
début du mouvement à la SNCF, il y a le sentiment diffus qu’à Air France comme
ailleurs patronat et gouvernement mènent une attaque générale contre les
travailleurs, et qu’il faut au moins montrer qu’on ne l’accepte pas.
C’est tout cela qui est revenu
dans la figure de la direction d’Air France le 4 mai. Et dès le lendemain les
travailleurs affichaient leur satisfaction de lui avoir infligé un camouflet.
Le PDG Janaillac est
démissionnaire depuis qu’il a été envoyé sur les roses au propre comme au
figuré, lui qui se vante de posséder (entre autres) une propriété en Dordogne
assez vaste pour abriter des centaines de rosiers. En attendant qu’il se taille
pour aller les tailler, son ultime appel à ne pas faire grève les lundi 7 et
mardi 8 mai a fait plouf.
La direction et le gouvernement
voudraient utiliser le départ du PDG et le choix de son remplaçant pour semer
l’inquiétude en serinant qu’Air France « est en grand péril ». C’est
qu’ils espèrent ainsi faire oublier à ses salariés ce qui reste pour eux
l’essentiel : obtenir l’augmentation de salaire de 6 % demandée.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire