Ordonnances
Macron : représentation ouvrière peau de chagrin
Les cinq ordonnances qui mettent
en pièces le Code du travail ont été ratifiées par l’Assemblée le 28 novembre,
à la grande satisfaction du patronat.
La réforme Macron débarrasse en
effet les propriétaires, actionnaires et dirigeants des entreprises
d’obligations en matière de droits et protections des salariés résultant de
décennies de luttes ouvrières.
Sous prétexte de « lever les
freins à l’embauche », ce gouvernement facilite les procédures de
licenciement, il sabre dans les indemnités auxquelles un salarié peut prétendre
en cas de licenciement abusif. Quant aux accords de branche qui fixaient un
cadre minimum de conditions de travail, de rémunération, etc., pour tous les
salariés d’un secteur donné, ils s’effacent. Ce qui prime désormais, ce sont
les accords d’entreprise, un terrain sur lequel chaque patron est plus en mesure
d’imposer sa loi. En invoquant la démocratie, il pourra organiser des
référendums où, usant du chantage à l’emploi par exemple, il pourra forcer ses
salariés à approuver toutes sortes de reculs, même ceux que la loi aurait
interdits jusqu’alors.
Cette attaque généralisée,
qu’avec son cynisme habituel le gouvernement appelle « une avancée sociale
majeure », ne se limite pas à cela. Au nom du dialogue social, le
gouvernement a entrepris de changer le caractère de la représentation des
travailleurs dans les entreprises.
Pour ce faire, il fusionne en un
comité social et économique (CSE) les instances des délégués du personnel, au
comité d’entreprise et au CHSCT (comité hygiène et sécurité-conditions de
travail), en réduisant fortement au passage le nombre des élus des travailleurs
et en bornant à trois mandats successifs la possibilité d’être délégué.
Il s’agit d’abord de réduire la
représentation du personnel. Ensuite, du fait de la limitation du nombre et de
la durée des mandats, d’accentuer la concurrence entre les syndicats et, au
sein de chaque syndicat, entre les syndiqués qui pourront obtenir un mandat. Et
puisqu’il faudra trancher plus qu’avant entre d’éventuels candidats, les
instances syndicales seront d’autant plus incitées à choisir des délégués à
leur image et à écarter des travailleurs trop proches de leurs camarades de
travail ou trop combatifs à leur goût.
Car les délégués, version Macron,
cumuleront les décharges syndicales, qui tendront à en faire des élus coupés
des travailleurs du rang, dont l’activité au sein des CSE consistera plus à «
comprendre les enjeux » économiques, en clair les intérêts du patronat,
qu’à préparer des luttes sociales.
C’est ce que veulent Macron,
Philippe et Pénicaud, quand ils disent souhaiter que se forment des spécialistes
syndicaux de la gestion économique et sociale.
Depuis longtemps, les
gouvernements ont tous cherché à canaliser la représentation des salariés, à la
soustraire au contrôle de leur base. Ils en ont fait un quasi-monopole
d’appareils qui jouent le jeu du partenariat avec le patronat, de la
responsabilité dans les comités d’entreprise et diverses instances paritaires,
qui font du syndicalisme de proposition, et non pas de contestation, adapté au
système capitaliste et intégré à ses rouages de différents niveaux.
Il n’est donc pas exclu que, sur
ce terrain, le gouvernement et le grand patronat trouvent l’oreille des
directions syndicales, quitte à leur promettre, comme dans certaines grandes
entreprises, des aménagements à la réduction du nombre de postes de délégués.
Cela expliquerait en tout cas pourquoi les directions des syndicats gardent en
grande partie le silence sur cette question.
Qu’elles finissent par s’adapter
ou pas à cette réforme, nombre de militants syndicaux en feront les frais, et,
à travers eux, ce sont des millions de salariés qui sont visés. Le patronat et
le gouvernement placent leurs espoirs dans une représentation des personnels
plus réduite, plus institutionnalisée, moins contestataire de l’ordre établi.
Mais c’est l’exploitation patronale et ses conséquences dramatiques qui
pousseront les travailleurs à retrouver le chemin de la lutte pour leurs
intérêts de classe, y compris avec des militants qui n’auront pas forcément de
mandats officiels reconnus.
Pierre LAFFITTE (Lutte ouvrière n°2574)
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