Fusillés
« pour l'exemple » de 1914-1918 : assassinés par
l'état-major
À
quelques semaines de l'anniversaire du 11 novembre 1918 et un peu avant le
centenaire du début de la
Première Guerre mondiale en 1914, cette boucherie qui tua
10 millions d'hommes, la réhabilitation des « fusillés pour
l'exemple » est à nouveau envisagée. Des historiens ont transmis un
rapport dans ce sens au ministre délégué aux Anciens combattants, Kader Arif.
Ce
dossier avait été entrouvert en 1998 par Lionel Jospin, alors Premier ministre,
qui, dans un discours à Craonne, avait affirmé que les mutins devaient
« réintégrer, pleinement, notre mémoire collective nationale », mais
le président Chirac l'avait refermé, jugeant la proposition
« inopportune ». En 2011, Sarkozy avait dit des combattants de
1914-1918 que « tous furent des héros, même ceux qui, après avoir affronté
avec un courage inouï, les plus terribles épreuves, refusèrent un jour
d'avancer parce qu'ils n'en pouvaient plus ». Paroles qui n'ont eu aucune
suite.
Durant
cette guerre, selon les archives de l'armée, dont on sait qu'elles sont
incomplètes, 740 soldats français ont été « fusillés pour
l'exemple » après des jugements expéditifs pour refus d'obéissance,
abandon de poste ou mutinerie.
Durant
les dix-sept premiers mois de la guerre, les deux tiers des fusillés,
430 soldats environ, ont été exécutés sur ordre des « conseils de
guerre spéciaux », une institution militaire expéditive, ne laissant aux
accusés que peu de moyens de se défendre. Pour les cadres de l'armée, il
s'agissait d'imposer une discipline de fer afin que les hommes marchent au
combat.
Pour
les historiens auteurs du rapport, ces condamnés étaient « des soldats
comme des milliers d'autres, qui se sont battus comme eux et ont eu un jour un
moment de faiblesse ou de ras-le-bol » et « un large consensus existe
dans notre société pour estimer que la plupart n'étaient pas des lâches ».
Ce
consensus diminue de beaucoup quand il s'agit de prendre en compte les soldats
qui se mutinèrent à partir de 1917. Avec l'éclatement de la révolution russe et
l'espoir qu'elle souleva, des dizaines de milliers de soldats furent influencés
par cette seule guerre juste qu'était la révolution. Aujourd'hui la Ligue des droits de l'homme
ou la Libre Pensée
voudrait à juste titre une « réhabilitation générale ».
Les
historiens, eux, n'ont pas l'intention d'aller aussi loin et se contenteraient
d'une déclaration solennelle assortie éventuellement d'un projet pédagogique.
Mais, déjà, cette suggestion, pourtant modérée, fait monter au créneau des
associations patriotiques qui n'ont toujours pas médité la réflexion d'Anatole
France : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des
industriels ».
Dans
une lettre au ministre délégué, ces associations dénoncent « les
conséquences (...) dramatiques pour le peuple français si son armée avait plié
et s'était mutinée devant l'agresseur ». Pour ce comité, « vouloir
considérer tous les morts de la guerre comme morts au combat, c'est-à-dire
comme morts pour la France ,
(...) consisterait à modifier l'histoire, telle qu'elle est, à des fins
partisanes ». Comme si les fins poursuivies par les grandes puissances en
guerre en 1914-1918 n'avaient pas été partisanes ! Comme si les véritables
buts de la guerre n'avaient pas été dissimulés aux soldats et à l'opinion
publique. Comme si les traités auxquels cette guerre a abouti, comme le traité
de Versailles, n'avaient pas montré que la guerre entendait imposer un nouveau
partage du monde, aussi inique que le précédent et qui allait être une des
causes de la guerre mondiale suivante.
On
verra quelle suite donnera le gouvernement au rapport des historiens.
On
peut cependant noter que des municipalités et des collectivités territoriales
n'ont pas attendu le gouvernement pour réhabiliter des « fusillés pour
l'exemple ». Treize conseils généraux se sont prononcés pour leur
réhabilitation, dont le conseil général de Corrèze sous la présidence d'un
certain... François Hollande.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire