Il y a soixante ans, le 14 juillet 1953 : répression
sanglante contre les Algériens à Paris
Le 14 juillet 1953, un imposant cortège de travailleurs
maghrébins, algériens en majorité, se joignait à la traditionnelle
manifestation parisienne organisée par le PCF et la CGT de la Bastille à la
Nation. Les mots d'ordre des organisateurs, réclamant le droit d'apprendre un
métier, des logements décents et du travail, laissèrent vite la place à ceux
réclamant l'indépendance.
Les militants du Mouvement pour le triomphe des libertés
démocratiques, le MTLD, dont le dirigeant était Messali Hadj, le principal
mouvement nationaliste alors très influent parmi les travailleurs algériens,
brandirent des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « À bas le colonialisme
». Au moment de la dispersion, les policiers se déchaînèrent contre les manifestants
maghrébins. Ils ne se contentèrent pas de frapper à coups de matraque. Des
coups de feu furent tirés, laissant sur le pavé sept morts, six jeunes ouvriers
algériens et un syndicaliste CGT, et de nombreux blessés.
Le président du Conseil, Joseph Laniel, couvrit
immédiatement la répression, soutenant les policiers assassins. Le soir même,
le ministre de l'Intérieur, Léon Martineau-Déplat, déclara que les Algériens
avaient ouvert le feu les premiers, cherchant à accréditer la thèse de la
légitime défense échafaudée par la préfecture de police. Le journal de droite
L'Aurore, dans son numéro du 15 juillet 1953, titrait : « Ce 14 juillet a été,
hélas ! ensanglanté par une émeute communiste » ajoutant dans un sous-titre : «
Deux mille Nord-Africains attaquent sauvagement la police place de la Nation. »
Le 17 juillet, un article du journal Le Figaro intitulé de manière
significative les « Nord-Africains dans la métropole », exhortait à ne « plus
laisser se maintenir et se renforcer dans la capitale ainsi que dans les
régions du Nord, de l'Est et de Marseille des masses d'individus qui menacent
périodiquement l'ordre public. On peut être généreux sans être dupe ou victime.
» Le point de vue colonialiste haineux s'étalait ainsi à longueur de colonnes.
Un an auparavant, la répression des manifestations organisées par le MTLD avait
déjà fait plusieurs morts en France.
En 1953, cela faisait déjà sept ans que l'impérialisme
français menait une sale guerre en Indochine pour préserver cette partie de son
empire colonial. Mais alors que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale,
l'agitation grandissait dans tout l'empire colonial français pour réclamer
l'indépendance, il n'était absolument pas question pour l'impérialisme français
de céder.
Dans les jours qui suivirent la manifestation du 14 juillet,
le Parti communiste français et la CGT condamnèrent la répression. Mais à aucun
moment ils n'envisagèrent vraiment de riposter, et surtout ne reprirent
aucunement la revendication pour laquelle six ouvriers algériens étaient morts.
Droite et gauche unies contre l'indépendance
En fait, aucun des partis et syndicats qui organisaient la
classe ouvrière, pas même le Parti communiste, ne soutenait les peuples
colonisés dans leur aspiration à l'indépendance.
En 1936, alors qu'il était au pouvoir, le gouvernement du
Front populaire n'avait avancé qu'un timide projet consistant à donner le droit
de vote à quelques nouveaux électeurs algériens, projet vite abandonné sous la
pression des représentants politiques des colons. Un an plus tard, en 1937, le
gouvernement socialiste s'attaquait directement au mouvement nationaliste
algérien, arrêtant son dirigeant Messali Hadj et interdisant son parti l'Étoile
nord-africaine. Tout cela fut ressenti comme une immense trahison par les peuples
colonisés. La politique du PCF n'était pas différente : il affirmait alors que
réclamer l'indépendance était faire le jeu de Hitler.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Gouvernement
provisoire issu du Conseil national de la résistance, présidé par de Gaulle et
comportant des ministres socialistes et communistes, réprima dans le sang les
manifestations du 8 mai 1945 en Algérie. Des dizaines de milliers d'hommes, de
femmes et d'enfants furent assassinés par l'armée et les milices pieds-noires,
pour les punir d'avoir réclamé l'indépendance le jour de la « Libération ».
Derrière le mythe de la Libération, il y eut en fait l'union sacrée de tous les
partis, y compris le PCF, pour reconstruire la puissance de l'impérialisme
français, en métropole contre la classe ouvrière, et dans son empire contre les
peuples asservis.
Même si, en 1953, le PCF se prétendait alors un opposant
radical au gouvernement, le peuple algérien se retrouva seul dans son combat
pour arracher son indépendance et seul face à la répression de l'impérialisme
français qui ne fit que s'intensifier par la suite.
Aline RETESSE
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