Saisonniers
immigrés : enfermés avec le Covid
15 Juillet 2020
Plus de 350 saisonniers
agricoles, essentiellement africains ou sud-américains, ont été infectés par le
Covid-19 dans les exploitations des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse et du Gard.
Dix-neuf foyers de Covid ont été détectés depuis le début juin.
Dans les Bouches-du-Rhône, un des
foyers les plus importants, sur 258 malades, la moitié sont déclarés guéris, la
moitié sont encore en quarantaine. La préfecture a souvent dû trouver des
hébergements pour les mettre à l’isolement, les locaux où ils étaient logés
étant trop insalubres.
Tous ces travailleurs sont
recrutés par des agences d’intérim espagnoles, Laboral Terra, aujourd’hui en
liquidation judiciaire, et Terra fecundis. C’est dans les lieux d’hébergement
de cette dernière que l’épidémie a été la plus importante, selon les médecins
de l’Agence régionale de santé (ARS).
Les logements, les sanitaires,
les conditions de travail, dénoncées par des inspecteurs du travail comme une
violation organisée des droits humains, sont dignes d’un bagne. Quelle que soit
l’agence qui les emploie, ces ouvriers passent d’une exploitation à une autre,
travaillant sept jours sur sept à des cadences infernales.
Plusieurs travailleurs d’un des
sites Terra Fecundis près d’Arles en ont témoigné auprès de journalistes de
Mediapart : ils sont 130, sans aucun moyen de transport pour se
ravitailler par eux-mêmes. Sur place, il n’y a aucune trousse de secours. L’un
a fait 20 km à pied pour trouver un spray contre les insectes. Une fois par
semaine, ils sont emmenés par petits groupes se ravitailler à la ville.
Quant aux salaires, s’ils sont
plus élevés qu’au Paraguay ou au Mali dont certains viennent, ils sont très
inférieurs aux rémunérations françaises : les agences d’intérim basées en
Espagne s’alignent au mieux sur le salaire minimum espagnol, inférieur de
40 % au smic français, soit de l’ordre de 5 euros de l’heure. Terra
Fecundis a été renvoyée devant le tribunal de Marseille parce que pendant plusieurs
années elle a fait travailler des milliers d’ouvriers sans les déclarer, sans
payer ni heure supplémentaire ni congés ni salaire minimum. C’est une perte de
112 millions d’euros pour la Sécurité sociale et des conséquences dramatiques
pour les ouvriers.
« C’est comme si on était dans
des ghettos, des camps de concentration » s’exclamait un saisonnier
des Bouches-du-Rhône. Cela fait des années que des associations, des syndicats
dénoncent la surexploitation et les mauvais traitements. Il a fallu l’épidémie
pour que l’ampleur du scandale apparaisse au grand jour et que les pouvoirs
publics fassent des contrôles un peu plus approfondis. Bien respectueux de la
propriété privée, ils ne se pressent pas pour mettre leur nez dans les affaires
des grosses sociétés d’exploitation agricole.
Sylvie
MARÉCHAL (Lutte ouvrière n°2711)