SNCF :
les grévistes déjouent les manœuvres du gouvernement
26 Décembre 2019
À l’approche des fêtes, le
mouvement de grève restait déterminé. Le gouvernement qui misait sur cette
période pour mettre fin au mouvement a déchanté. Appuyé par les médias, il a
pourtant utilisé plusieurs stratagèmes et diverses intox. Mais sans résultat.
La première manœuvre est de
prétendre que la grève s’effiloche. La direction a sans doute présenté des
chiffres de grévistes en baisse, mais, curieusement, pas de trafic en
hausse ! Lundi 23 décembre, il n’y avait par exemple qu’un transilien sur
cinq et un intercités sur quatre. Même en ayant mobilisé ses cadres, le
« pool fac », une brigade de conducteurs de réserve, surpayés pour
remplacer les grévistes, la circulation des TGV n’était que de deux sur cinq.
La grève restait massive chez les roulants. Dans bon nombre d’ateliers, la
direction annonçait des chiffres de grévistes très minoritaires. Mais par
exemple, au Landy Centre, où travaillent en temps normal plusieurs centaines de
cheminots, alors qu’une alarme incendie forçait l’évacuation de tout l’atelier
jeudi 19, seuls une vingtaine sont sortis. La plupart des ateliers tournent au
ralenti, entre la grève, les congés et les arrêts-maladies. Et quand des
cheminots ont repris, ce n’est jamais en abandonnant le mouvement, mais parce
qu’ils disent être coincés financièrement. Mais ils s’affirment tous dans le
camp de la grève et prêts à se remobiliser, ce qui renforce le moral de ceux
qui sont restés en grève.
Puis cela a été le chantage à la
trêve de Noël. Quasiment tous les membres du gouvernement et Macron lui-même,
depuis sa réception à Abidjan, ont tenté de dresser l’opinion publique contre
les grévistes, accusés d’empêcher les familles de se retrouver. Mais partout,
leur réponse a été : « Le gouvernement ne fait pas de trêve, nous non
plus ! » Et ils savent, non seulement par les sondages, mais parce
qu’ils le mesurent autour d’eux, dans leur famille, dans les distributions de
tracts ou les collectes de soutien, que, malgré la gêne, les travailleurs sont
de leur côté. Et c’est aussi ce soutien moral, parfois matériel, qui leur
permet de tenir, car ils savent qu’ils portent, comme le disait une gréviste,
« le flambeau de la lutte » et qu’ils ouvrent la voie.
La troisième manœuvre a été de
rallier des dirigeants syndicaux pour inciter à la reprise. Pour cette
opération, le gouvernement a demandé aux directions de la SNCF et de la RATP de
lâcher des mesures catégorielles, visant, disent-ils, à amortir la transition
vers le nouveau régime de retraite.
Il n’en a pas fallu plus pour que
jeudi 19 décembre, les dirigeants de l’UNSA ferroviaire sortent un communiqué
saluant les « signes d’ouverture du gouvernement » et appelant à
« marquer une pause », donc à stopper la grève. Il est notable que
cette décision était prise non seulement indépendamment des grévistes mais même
de leurs propres militants. Elle n’a d’ailleurs été prise que par 36 voix pour,
31 contre et 3 abstentions des secteurs fédéraux.
Le soir même, plusieurs secteurs
régionaux UNSA ferroviaire dénonçaient publiquement cette position. Et il est
notable que le lendemain dans de nombreuses assemblées, des militants UNSA ont
ôté leur chasuble et tout sigle syndical pour s’affirmer pour la grève jusqu’au
retrait de la réforme, sous les applaudissements nourris de tous les grévistes.
Quant à l’UNSA-RATP, bien plus influente parmi les grévistes qu’à la SNCF, elle
appelait le soir même « à la mobilisation sans trêve ». Le lâchage, à
vrai dire prévisible, de la direction de l’UNSA, n’était donc d’aucun effet sur
la grève. Quant à la CFDT-Cheminots, elle n’osait pas non plus défendre la
position de Laurent Berger demandant une trêve car cela aurait signifié se
discréditer totalement auprès de la base. Cela repose aussi sur un fait :
il n’y a aujourd’hui dans le mouvement de la SNCF et de la RATP pas de prise
pour le corporatisme, pour le chacun pour soi. La preuve en a été donnée par le
mépris avec lequel les cheminots ont ignoré les prétendues avancées jetées en
pâture aux bureaucrates.
Mais bien plus que la position de
l’UNSA et de la CFDT-Cheminots, qui ont souvent peu de poids sur les grévistes,
c’est le communiqué de l’intersyndicale CGT-Solidaires-FO-FSU du jeudi 19 au
soir qui a fait vivement réagir, sur les réseaux sociaux le soir même et dans
les assemblées qui ont suivi. Ce communiqué continuait de réclamer le retrait
du projet de réforme, mais précisait : « En conséquence, au-delà
des initiatives d’ores et déjà programmées, le 19 décembre et sans trêve
jusqu’à la fin de l’année 2019, les organisations appellent à une nouvelle
puissante journée de grève et de manifestations interprofessionnelles et
intergénérationnelles le jeudi 9 janvier 2020. » Cet appel à la
journée du 9 janvier représentait dans les autres secteurs que les transports,
comme les enseignants, en vacances jusqu’au 6 janvier, ou le privé, alors que
de nombreuses entreprises sont fermées pour les fêtes, un point d’appui pour
préparer la suite du mouvement. Mais dans les secteurs grévistes, cette date
lointaine apparaissait comme l’annonce d’une trêve sans le dire. Leur réaction
montrait à la fois leur combativité et leur méfiance vis-à-vis des directions
syndicales et la crainte qu’elles ne lâchent le mouvement au milieu du gué.
Toutefois, dans toutes les assemblées dès le lendemain, tous les militants
affirmaient au contraire leur détermination à continuer le mouvement. C’était
en particulier le cas de la fédération des cheminots CGT, la plus influente,
qui appelait à « multiplier les actions chaque jour ».
C’est donc revigorés que les
grévistes ont voté partout la reconduction du mouvement et réaffirmé qu’ils
réclamaient le retrait total de la réforme. De toutes façons, comme l’ont
affirmé des grévistes en de nombreux endroits : « Si des syndicats
lâchent, nous, on continue ! » L’avenir du mouvement dépend en effet
de la détermination des grévistes, à continuer et élargir leur mouvement. Tant
que leur grève tient, tant qu’ils conservent leur combativité, ils peuvent y
parvenir et remettre en lutte dans la période qui vient d’autres fractions du
monde du travail.
Christian
BERNAC (Lutte ouvrière n°2682)