Les
capitalistes et la justice : rois du non-lieu
25
Septembre 2019
Le
procès du Mediator, avec le groupe pharmaceutique Servier et l’Agence nationale
du médicament sur le banc des accusés, a un caractère bien exceptionnel. Pas
seulement à cause des milliers de victimes des pratiques des dirigeants de
cette entreprise et de la complicité induite de l’agence gouvernementale. Mais,
plus généralement, il est rare que les groupes capitalistes aient à rendre
compte de leurs actes.
On voit
encore plus rarement des responsables de ces groupes comparaître devant un
tribunal et, encore plus exceptionnellement, subir une condamnation, quels que
soient leurs pratiques ou même leurs crimes.
Un des
scandales judiciaires les plus marquants de la période aura été celui de
l’amiante. Il y a des milliers de morts déjà, et chaque jour de nouvelles
victimes. Plus de 100 000 morts sont attendus dans les années qui
viennent. Les patrons et leurs appuis politiques, coupables de la prolongation
de l’utilisation de ce poison en toute connaissance de cause, sont tous absous
de poursuites pénales par l’appareil judiciaire, jusqu’au plus haut niveau. Il
en a encore été de même pour les centaines de morts du crash du vol Rio-Paris.
Airbus et Air France ont été absous, malgré les causes connues de
l’accident : les économies de bouts de chandelle faites sur les sondes des
appareils Airbus. Et comment ne pas se souvenir de la façon dont Total est
sorti blanc comme neige du scandale de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse,
lavé non seulement de toute condamnation mais de toute poursuite, et donc de
procès ? Encore et toujours, la justice montre qu’elle protège les patrons
et les plus grands d’abord.
Quant
aux délits économiques, non seulement les coupables de milliards de
dilapidations ne sont pas poursuivis, mais ils sont même indemnisés par l’État.
Ce fut le cas pour la Société générale, pour qui Jérôme Kerviel fut le bouc
émissaire, et pour les milliards encaissés « au titre de
dédommagement » par la pauvre Société générale. Quant à une condamnation
par la justice étrangère, François Pinault a pu voir comment l’État français
réagissait, prenant en charge les sommes considérables que le malheureux
milliardaire devait payer à la justice américaine.
La
liste des protections étatiques et judiciaires dont bénéficient les
capitalistes, et en premier lieu les plus grands d’entre eux, est loin d’être
close. L’appareil judiciaire en réalité est justement fait pour protéger le
système, comme certains juges le disent eux-mêmes crûment.
Alors,
qu’en sera-t-il au bout des six mois de procès du Mediator, et au-delà, car les
voies d’appel sont infinies et sont justement là pour éviter tout dérapage
particulier ? La seule chose vraiment positive est que, pendant des mois,
il y aura eu la mise en accusation publique des pratiques criminelles des
patrons de Servier, qui sont bien représentatives de l’état d’esprit de leur
classe.
Paul SOREL (Lutte ouvrière n°2669)
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