Projet de
loi Hollande-Valls-El Khomri : une attaque en règle contre les travailleurs
Le projet de loi sur la réforme
des droits des salariés présenté par la ministre du Travail Myriam El Khomri
est une brutale remise en cause des conditions de rémunération, des conditions
de travail, des quelques droits élémentaires existant jusque-là. Son adoption
aurait des conséquences dramatiques pour les travailleurs.
En fait de modernité il s’agit
d’un retour en arrière, qui dans certains domaines ramène jusqu’au 19e siècle.
Et, contrairement à ce qu’ont pu dire Hollande et Valls, ce projet ne garantit
ni le salaire, ni la durée du travail, ni le contrat de travail. Au contraire,
il vise à supprimer le principe des droits collectifs des travailleurs,
remplacés par le contrat individuel entre l’employeur et son salarié. Quand
l’un détient l’entreprise et l’autre ses bras pour travailler, qui rédige le
contrat ?
Les 60
heures
La mesure la plus significative,
celle qui a provoqué à juste titre le plus de réactions, a été l’annonce que la
semaine de travail pourrait aller jusqu’à 60 heures, au-delà même du droit
européen qui la limite à 48 heures. Le projet de loi prévoit également la
possibilité de réduire le repos entre deux journées de travail, qui est
aujourd’hui de 11 heures minimum.
Le taux de majoration des heures
supplémentaires pourrait être ramené à 10 %, par voie d’accord. Cela
impliquerait une baisse de salaire pour les millions de salariés qui
aujourd’hui dépassent les 35 heures avec des heures majorées à 25 %.
La loi Macron prévoyait déjà la
possibilité de baisser les salaires et d’augmenter les heures de travail sans
les payer pour une période de cinq ans, en cas de difficultés économiques
prétendues. Le projet de loi permettrait de le faire maintenant sous prétexte de
développer l’emploi et sans limite dans le temps.
La modulation des heures de
travail sur trois ans permettrait de ne payer les heures supplémentaires qu’au
terme de ces trois ans. À condition que, sur cette durée, il en reste, que le
salarié ait pu faire ses comptes et… soit encore présent dans l’entreprise.
Les petites entreprises
pourraient mettre tous leurs salariés au forfait : les horaires quotidiens
seraient ainsi à la merci de l’employeur, sur la base du salaire mensuel
convenu, sans aucune heure supplémentaire payée.
Enfin, le projet stipule que tout
salarié refusant les modifications et les aggravations de son contrat de
travail définies par cette nouvelle loi serait licencié, pour cause réelle et
sérieuse.
Permis de
licencier
Le droit de licencier, sans qu’il
puisse y avoir de contestation juridique, est donné aux employeurs s’ils
peuvent justifier d’une baisse du chiffre d’affaires de l’établissement pendant
trois trimestres ou même moins. Une telle justification est facile à trouver
pour n’importe quel patron. Pour les grands groupes, c’est un jeu d’enfant.
Les indemnités en cas de
licenciement abusif sont plafonnées. Le permis de licencier demandé par le
patronat lui est accordé par le gouvernement.
Les 105 pages de réécriture du
Code du travail entrent dans une multitude de détails, qui la plupart du temps
sont des reculs, parfois considérables, pour les salariés concernés.
Les accords passés peuvent être
remis en cause à tout moment par l’employeur, et donc revus à la baisse en
permanence. En cas de non-respect des procédures par les patrons, les accords
restent valides.
Le projet de loi remet en cause
le paiement des jours fériés pour tous les salariés qui ne sont pas en CDI.
C’est là encore une baisse de salaire pour des millions de travailleurs. Il
permet à l’employeur de n’accorder que douze jours de congés principaux
accolés, sans contestation possible. Il permet de faire travailler dix heures
par jour les apprentis de moins de 18 ans…
Un CDI
intermittent
Enfin, serait mis en place un
contrat à durée indéterminée… intermittent. Le salarié a un nombre très limité
d’heures garanties par l’employeur, sans horaire défini. Il peut être appelé
par le patron pour faire ses heures ou d’autres en complément. On n’a plus qu’à
réinventer l’esclavage !
Livrés à eux-mêmes entreprise par
entreprise, atelier par atelier, les travailleurs auraient bien du mal à
résister au chantage patronal. Les référendums prévus, s’ils ont lieu, se
feraient le couteau sous la gorge et en faisant voter les travailleurs les uns
contre les autres, au gré des patrons.
Cette attaque en règle ne doit
pas passer. L’arrogance gouvernementale, qui a même été au-delà des
revendications patronales, doit recevoir une réplique cinglante. La colère du
monde du travail doit s’exprimer.
Paul SOREL