Irak :
l'impérialisme a créé le chaos
Bombardements de l'aviation américaine,
fourniture d'armes aux Kurdes, visite de Fabius aux chrétiens irakiens,
reportages sur les massacres et la situation humanitaire : le déploiement
militaire, diplomatique et médiatique vise à faire croire que l'impérialisme,
et en premier lieu l'impérialisme américain, intervient en Irak pour y rétablir
l'ordre.
Mais il est le principal responsable du chaos
qui ravage ce pays depuis plus de dix ans. Même les milices de l'État islamique
qui menacent aussi bien la capitale, Bagdad, que la zone kurde au nord, sont un
des produits de la politique de « diviser pour régner » menée par les
grandes puissances dans cette région riche en pétrole.
La création et les frontières de l'Irak ont été
décidées par la France et la Grande-Bretagne uniquement en fonction de leurs
intérêts, au lendemain de la Première Guerre mondiale, lors du dépeçage de
l'Empire ottoman. Ces puissances coloniales comptaient, pour assurer leur
prédominance, sur les oppositions latentes entre Arabes et Kurdes, chiites et
sunnites, musulmans, juifs et chrétiens de multiples obédiences. Et l'histoire
du pays est une succession de coups d'État, de complots, d'exécutions,
d'expulsions et de massacres de masse, d'interventions américaines, françaises
et anglaises, sur fond de dictature féroce.
Lors de la chute du chah d'Iran, en 1979, le
président irakien Saddam Hussein se fit le bras armé de l'Occident dans la
région. Équipé en particulier par la France, il entra en guerre contre la
République islamique d'Iran, à la fois pour déstabiliser le régime de Khomeyni
et pour élargir sa propre zone pétrolière sur le golfe Persique. De 1980 à
1988, les deux pays s'épuisèrent dans cette guerre, qui fit de chaque côté des
centaines de milliers de morts et des centaines de millions de dollars de
destructions.
Mais lorsqu'en 1990 Saddam Hussein voulut se
payer directement de ses services en s'emparant du Koweit, une coalition menée
par les États-Unis et à laquelle participa la France écrasa l'Irak. Ce fut la
première guerre du Golfe. Saddam resta au pouvoir dix ans encore, réprimant les
oppositions chiite et kurde et s'appuyant sur les religieux sunnites, cependant
que l'embargo économique décidé par les grandes puissances occidentales ruinait
l'économie et tuait un demi-million d'enfants.
En 2003, à la suite des attentats du
11 Septembre à New York et de la « lutte contre le terrorisme », le
gouvernement américain de Bush fils déclenchait une seconde guerre contre
l'Irak, pour mieux asseoir son contrôle sur la région. Saddam Hussein était
renversé et la coalition occidentale occupait le pays.
Mais vaincre militairement est une chose, faire
fonctionner un pays en est une autre. Les occupants avaient beau soutenir un
gouvernement irakien fantoche et chercher l'appui de milices locales, de
partis, de groupes religieux ou ethniques, la guerre n'en finissait pas, les
révoltes se succédaient. Le départ officiel des troupes américaines en décembre
2011 signait un constat d'échec. Le pays était divisé de fait en régions
autonomes contrôlées par des milices rivales en lutte incessante les unes
contre les autres.
En 2011, des manifestations populaires eurent
lieu contre la dictature de Bachar el-Assad en Syrie. Les groupes intégristes
sunnites d'Irak qui s'y étaient réfugiés pour fuir l'occupation américaine se
développèrent, soutenus et armés par l'Arabie saoudite et les pays du Golfe,
mais aussi par la France, qui appelait alors au renversement d'Assad. Ces
milices sont ensuite revenues en Irak, se sont installées dans l'ouest du pays,
et aujourd'hui marchent sur Bagdad, terrorisant au passage les populations
chiites et chrétiennes.
L'intervention américaine en cours
réussira-t-elle à empêcher la victoire des milices de l'État islamique ?
Même si c'est le cas, le chaos qui a des racines bien plus profondes, liées à
la présence et à la politique de l'impérialisme, se maintiendra, se traduisant
pour la population par des massacres, la misère, la faim, l'exil.