Leur
égalité et la nôtre
À peine Manuel Valls avait-il déclaré à destination
du patronat, sa volonté de mettre en place « le pacte de responsabilité,
tout le pacte de solidarité, et même au-delà », que le Conseil
constitutionnel annonçait qu’il annulait l’article premier de ce pacte,
considérant qu’il était contraire à la Constitution. Le prétexte invoqué valait
son pesant de cacahuètes. Le texte proposé par le gouvernement n’aurait pas
respecté le principe d’égalité, du fait qu’une partie des salariés seraient un
peu moins taxés que d’autres ! En réalité cette mesure avait été décidée
in extremis par le gouvernement pour tenter de corriger, très à la marge, le
fait que ce pacte de solidarité favorisait tellement les patrons que c’en était
trop choquant.
Ce Conseil constitutionnel, organisme non élu,
composé dans sa majorité de personnalités de droite parmi lesquels d’anciens
présidents de la République comme Chirac, Sarkozy, et de quelques notables
moins connus, a donc choisi, cette fois, une posture de gardien de l’égalité.
Pas gênés ! Comme si l’égalité était de règle dans ce pays, pas plus que
dans d’autres d’ailleurs.
Mais quelle égalité y a-t-il entre un grand patron
et ses salariés ? Pas seulement sur le plan matériel mais en droit. Un
patron peut décider de les licencier, en partie ou totalement, pour transférer
ses capitaux dans d’autres régions, dans d’autres pays, voire les utiliser pour
spéculer. Les salariés n’ont d’autre choix que de chercher un autre emploi, et
de s’inscrire à Pôle emploi, rejoignant les millions de ceux qui y sont déjà.
Cela est parfaitement légal, tout à fait constitutionnel.
De façon plus générale, cette inégalité est présente
à tous les niveaux, et régit tous les aspects de la vie sociale. Ceux qui
détiennent les capitaux décident de qui aura un travail et qui n’en aura pas.
Ils ont même le pouvoir, de fait, de déterminer les taux des salaires en jouant
sur la concurrence créée par le chômage, même lorsqu’il existe, comme en
France, un timide encadrement des salaires minimum, de plus en plus contourné
par nombre de patrons.
Quand les « sages » - c’est ainsi que,
sans rire, on appelle les membres du Conseil constitutionnel - invoquent
l’égalité, cela paraît, pour toute personne douée de bon sens, d’un ridicule
absolu. Mais pas pour Valls et ses ministres, qui, comme des élèves appliqués,
ou des domestiques attentifs, ont obtempéré, annonçant aussitôt qu’ils allaient
revoir leur copie afin que ce pacte fonctionne comme prévu, à la date prévue,
avec la somme prévue, en faveur du patronat. Chose promise, chose due.
La guéguerre que mène la droite, par Conseil
constitutionnel interposé, contre le gouvernement socialiste est une guerre en
dentelles, les deux camps étant au service du même maitre, le patronat. Elle
est sans enjeu pour le monde du travail. Mais elle est révélatrice.
En particulier, elle montre que les travailleurs ne
devront compter que sur eux-mêmes pour faire respecter leurs droits. Il n’est
pas juste, ni légitime en effet que le patronat dispose d’une totale liberté de
licencier en créant de nouveaux chômeurs. Pour faire cesser cette injustice
criante, il faudra exiger et imposer l’interdiction des licenciements avec
maintien intégral des salaires.
Il n’est pas acceptable non plus qu’une partie des
salariés soient contraints de s’éreinter au travail, subissant des conditions
de travail de plus en plus dures, tandis que d’autres sont au chômage. Il
faudra, là encore, imposer que le travail soit réparti entre tous les bras
valides afin de ne pas laisser une partie de la classe ouvrière sans travail et
sans revenu.
Et face à ceux qui essayent de nous enfumer en
prétendant qu’il n’y aurait pas d’autre choix possible, exigeons d’aller voir.
C’est d’autant plus nécessaire, qu’à l’évidence, le patronat et ses complices
mentent. Les grands patrons crient famine, alors que dans le même temps, ils
étalent une opulence stupéfiante et affichent des profits indécents. Il faut
exiger et imposer le contrôle des comptes du grand patronat.
C’est sur de telles bases que le monde du travail
peut imposer ses droits face à ceux que s’arrogent nos exploiteurs.
Cela suppose de créer un rapport de forces. Mais
tout comme les adversaires du monde du travail ont un plan, soutenu par le
gouvernement secondé par la droite, les travailleurs doivent avoir le leur.