Le 6 juin 1944 : “une pluie de fer, d’acier, de sang”
Publié le 05/06/2024
Depuis le 1er juin, différentes sortes de cérémonies se déroulent en Normandie pour commémorer le 80e anniversaire du débarquement allié, avant la grande cérémonie internationale du 6 juin sur la plage d’Omaha Beach.
Parachutages le 2 juin sur le Mont-Saint-Michel, animations, feux d’artifices, concerts dans de nombreuses villes, le gouvernement a voulu faire de cette célébration du débarquement de 1944 un grand spectacle, en l’honneur des soldats anglais, américains et canadiens qui y ont participé. Mais les discours et les flonflons pour la parade sont bien loin de la réalité vécue par ces soldats et la population de Normandie.
Sur les 156 000 soldats anglais, américains et canadiens engagés directement dans le débarquement au nom de la libération d’un pays occupé par l’armée allemande et ses supplétifs du gouvernement de Pétain, plus de 10 000 y laissèrent la vie le premier jour, et combien d’autres leur jeunesse ? Mais il ne faudrait pas oublier les 2 500 victimes civiles, tuées elles aussi le 6 juin par les bombes lancées par l’aviation sur les villes. Le prétexte invoqué par les états-majors anglo-américain pour justifier ces attaques était de freiner d’éventuels renforts des troupes ennemies même si celles-ci pouvaient évidemment contourner les ruines.
Cela ne fut qu’un début. Cette « libération » de la France commença par un déluge de feu sur les villes provenant des « libérateurs » eux-mêmes ! « Une pluie de fer, d’acier, de sang […], une pluie de deuil terrible et désolée » s’abattit ainsi sur Brest, comme le dit Jacques Prévert dans son poème Barbara. Elle s’abattit aussi, en Normandie, sur Le Havre, qui reçut 10 000 tonnes de bombes en une semaine et fut détruite à 85 %, sur Cherbourg, Caen, Lisieux, pour citer les villes les plus importantes. Bien d’autres villes de moindre importance à l’intérieur des terres ne présentant aucun intérêt stratégique, comme le reconnut lui-même l’état-major, subirent le même sort. La bataille de Normandie qui suivit le débarquement causa la mort de 35 000 personnes, jetant sur les routes les survivants des villes incendiées.
La population normande subit le même traitement que les habitants des villes allemandes, telles Hambourg, Berlin, Dresde et bien d’autres, où les bombardements ciblaient les quartiers ouvriers. Les destructions et les massacres des populations civiles étaient en effet un important objectif des gouvernements alliés, défini par les Britanniques dès 1942. Il s’agissait de vider les villes en terrorisant leurs habitants, de disperser ceux-ci pour qu’ils ne risquent pas de faire éclater une révolte qui, comme à la fin de la Première Guerre mondiale, aurait pu conduire à des mouvements révolutionnaires.
Avant même le débarquement, les forces alliées avaient déjà déversé plus de 500 000 tonnes de bombes sur des villes françaises, et elles continuèrent jusqu’à la fin de la guerre. Ainsi, à Royan, petite ville balnéaire à l’embouchure de la Gironde, une attaque de bombardiers en janvier 1945 tua plus de la moitié des 2 000 personnes qui n’avaient pas été évacuées. Le 15 avril suivant, l’historien Howard Zinn, qui faisait partie de l’équipage qui pilonna la ville, relata avoir été informé lors du briefing que « dans les soutes se trouvaient trente bombes de 45 kg contenant de l’essence gelée ». La ville fut entièrement détruite, juste pour tester « un explosif incendiaire d’un nouveau genre appelé plus tard le napalm », précisa un amiral français ! Les armées allemandes étaient en déroute et, trois semaines plus tard, l’armistice allait être signé.
Ces « exploits » des armées alliées ont pendant longtemps été ignorés, et les victimes de ce que l’on a appelé plus tard des « dommages collatéraux » oubliées afin de masquer les assassinats ordonnés par la hiérarchie militaire.
Marianne Lamiral (Lutte ouvrière n°2914)
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