mercredi 24 février 2021

Mouvement communiste : Le jeune parti communiste : du combat pour créer un parti révolutionnaire au stalinisme (2)

Comme vous le savez, nous n’avons pas pu tenir le Cercle Léon Trotsky qui devait aborder, un siècle après le Congrès de Tours de décembre 1920, la naissance du parti communiste en France. Le texte de cet exposé est néanmoins disponible sur notre site lutte-ouvrière.org. Nous vous le proposons à partir d’aujourd’hui en feuilleton sur notre blog « lo argenteuil »

 

Le jeune parti communiste : du combat pour créer un parti révolutionnaire au stalinisme

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Avant le congrès de Tours: des années décisives

La guerre accélératrice et révélatrice

Le déclenchement de la guerre mondiale en août 1914 marquait la fin d’une longue période de développement du capitalisme, basée sur le partage du monde et son pillage par une poignée de puissances impérialistes européennes. La concurrence entre les bourgeoisies des principaux États européens pour s'emparer des sources de matières premières et les débouchés pour leurs marchandises et leurs capitaux avait plongé l’Europe dans la barbarie. Des dizaines de millions de paysans et d’ouvriers furent jetés les uns contre les autres dans des combats où le summum de la technologie fut employé pour exterminer les combattants. Après une période de sidération et une fois passée la vague chauvine qui déferla dans chaque pays, l’enlisement de la guerre et la barbarie des tranchées révélèrent le vrai visage de la société bourgeoise, «souillée, déshonorée, pataugeant dans le sang, couverte de crasse» pour reprendre les mots de Rosa Luxembourg. L’aspiration à mettre un terme à cette boucherie allait lentement émerger.

Cette prise de conscience a été entravée par l’alignement des dirigeants du mouvement ouvrier derrière les gouvernements de leur pays respectif. La guerre avait brutalement révélé l’évolution souterraine qu’avaient subie ces organisations: leur intégration au sein de la société bourgeoise. Dans presque tous les pays belligérants, les partis socialistes, patiemment construits et implantés parmi les travailleurs dans les décennies précédentes, s’alignèrent derrière les dirigeants politiques au pouvoir dans leur pays. En quelques jours, les dirigeants de ces partis oublièrent les résolutions des congrès de l’Internationale socialiste déclarant «la guerre à la guerre» et appelant la classe ouvrière des pays concernés à «faire tous leurs efforts pour empêcher la guerre par tous les moyens qui leur paraîtront le mieux appropriés». Les députés de la SFIO en France, ceux du parti social-démocrate en Allemagne, les travaillistes en Grande-Bretagne, votèrent les crédits de guerre. Des dirigeants socialistes devinrent ministres dans les gouvernements de guerre.

En France, deux figures de la SFIO, le vieux marxiste Jules Guesde et Marcel Sembat, proche de Jean Jaurès, entrèrent dès août 1914 dans le gouvernement d’Union sacrée. Ils furent bientôt rejoints par Albert Thomas, ministre de la Production et de l’Armement avec pour exhorter les ouvrières et les ouvriers mobilisés à l’usine à produire coûte que coûte. Léon Blum, chef de cabinet de Marcel Sembat, fit là ses premières armes d’homme d’État bourgeois. Du côté des dirigeants syndicaux de la CGT, l’alignement fut le même. Léon Jouhaux, son secrétaire général, appela les travailleurs, le jour même des obsèques de Jaurès, assassiné le 31 juillet, à «répondre présents à lordre de mobilisation» sous prétexte qu’il fallait «sauvegarder le patrimoine de civilisation et lidéologie généreuse que nous a légués lhistoire».

Ces ralliements au nationalisme exacerbé et à la guerre furent un coup de massue pour ceux qui restaient convaincus que cette guerre était une guerre impérialiste pour le repartage du monde. Ces trahisons livraient les travailleurs à leurs bourreaux. La guerre signifiait l’interdiction des grèves, des réunions, l’allongement des horaires de travail, la militarisation de certains secteurs, l’arrestation des opposants à la guerre ou leur envoi au front.

Parmi les dirigeants connus de l’Internationale socialiste, un faible nombre maintint la perspective affirmée lors du congrès de Stuttgart en 1907 «dutiliser la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste». Lénine exilé en Suisse, Trotsky réfugié en France, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht rapidement emprisonnés en Allemagne, Christian Rakovski, incarcéré quand la Roumanie entra en guerre, furent de ceux-là. En France, l’honneur de la SFIO fut sauvé par Fernand Loriot et Louise Saumoneau qui se démarquèrent dès 1915 de l’Union sacrée et celui des syndicalistes révolutionnaires de la CGT par Pierre Monatte et Alfred Rosmer rédacteurs du journal La vie ouvrière. Ces militants et quelques autres, par les écrits qu’ils ont fait circuler malgré la censure, par les positions qu’ils ont défendues tout au long de la guerre, par les réseaux militants qu’ils ont rétablis, ont redressé le drapeau de l’internationalisme abandonné par les dirigeants va-t-en-guerre de la classe ouvrière.

(Demain : Avant le congrès de Tours: des années décisives, Zimmerwald et ses clivages)

 

Alfred ROSMER, bien plus tard, au Mexique,

avec Léon Trotsky, et leurs compagnes

 

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