Nos
lecteurs écrivent : à propos des gilets jaunes
« Je vous écris pour vous raconter un
bout du mouvement des gilets jaunes dans le Limousin. J’ai des proches qui y
vivent et y participent depuis le début, je viens de passer une semaine avec
eux.
Ce coin du Limousin, à mi-chemin entre
Limoges et Périgueux, est délaissé depuis des années. Les centres des impôts,
les bureaux de poste, les hôpitaux, les commerces ferment les uns après les
autres. Les habitants de ces villages sont dans l’obligation d’avoir une
voiture pour s’approvisionner, se rendre au travail, se soigner. Pas étonnant
que sur de nombreux ronds-points, le slogan « Rural-bol » y soit
inscrit. Pour de nombreux habitants, il faut rouler sur des dizaines de
kilomètres pour le moindre service.
Sur les ronds-points où j’étais
se retrouvent des retraités de Renault Trucks ou de la SNCF, des
fonctionnaires, des agents hospitaliers, des petits artisans et des
agriculteurs. Tous partagent le fait de ne pas s’en sortir et ils sont fiers de
participer à ce mouvement collectif. Une profonde solidarité a cimenté les
participants. Régulièrement sur la D2000, la gendarmerie fait lever des
barrages, mais ils sont remontés au rond-point suivant. Des gilets jaunes
préviennent la venue des gendarmes grâce aux portables et au réseau qui s’est
construit, des agriculteurs amènent alors des rondins de bois, chacun gare sa
voiture pour ralentir la venue des gendarmes.
La solidarité est partout :
de nombreuses denrées périssables sont données par les automobilistes, des
participants des barrages organisent alors des ateliers de sandwiches et vont
faire des maraudes jusqu’à Limoges pour les offrir aux plus démunis.
Enfin, partout ça discute et j’ai
été particulièrement touchée quand sur un rond-point des très anciens du
village expliquaient à des jeunes tentés par les préjugés xénophobes, les
conséquences de la politique de l’extrême droite en racontant leur propre vie
d’enfants de réfugiés espagnols. À la chaleur humaine s’ajoutent des
discussions politiques comme on n’en entendait plus beaucoup. Cette envie de
discuter se retrouve partout, même dans le supermarché local, quasiment tout le
monde se promène avec son gilet jaune et chaque rencontre, c’est une
discussion.
Il y a de tout dans ce mouvement
des gilets jaunes, mais il y a aussi cette force : quand ceux d’en bas s’y
mettent, plein de barrières sautent, en particulier celles qu’il y a dans les
têtes. »
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