Pénibilité du travail : une diversion dans
l'attaque contre les retraites
Les attaques contre les retraites sont le chantier gouvernemental de
l'été. Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales, promet qu'il n'y
aura pas de réforme brutale, qu'elle ne s'appliquera que petit à petit et qu'il
n'y aura pas d'ici à 2020 d'accélération de l'augmentation de la durée de
cotisation. Elle se veut rassurante, mais confirme en tout cas que cette durée
va bien augmenter. Le patronat de son côté réclame qu'en 2020, on doive cotiser
44 années pour une retraite à taux plein.
En attendant le détail du projet
gouvernemental, la ministre et ses interlocuteurs patronaux et syndicaux
dissertent sur la pénibilité. Depuis la réforme Fillon de 2003, les mesures
prises sous le prétexte de compenser la pénibilité du travail ont en effet
toujours servi à déguiser les attaques contre l'ensemble des retraites.
La
ministre a parlé, jeudi 1er août, de points de pénibilité qui
seraient cumulés par le salarié en fonction du nombre de mois passés à des
travaux pénibles. Ces points donneraient droit à des trimestres de retraite, à
des congés formation ou peut-être encore à un complément de salaire en fin de
carrière. Les deux milliards que pourrait coûter ce dispositif seraient fournis
par une cotisation de toutes les entreprises, par une sur-cotisation des entreprises
faisant effectuer ces travaux pénibles et enfin par la solidarité nationale,
c'est-à-dire en priorité par les cotisations et impôts des salariés.
Quelles sont les chances de voir ce
système fonctionner ? Sarkozy avait instauré en 2010 une retraite
pénibilité à 60 ans. Sur 30 000 salariés qui y auraient eu
droit, 5 700 seulement en ont bénéficié : moins d'un sur cinq.
1 400 ont vu leur dossier refusé. Les autres n'ont pas déposé de dossier,
par manque d'information ou à cause de la difficulté à prouver la pénibilité.
Dans le cas présent, comme ce sont les
entreprises elles-mêmes qui devraient attribuer les points pénibilité, on peut
déjà prévoir qu'elles ne déclareront que le minimum, aussi bien pour alléger
leur propre sur-cotisation pénibilité que pour alléger l'ensemble de la
cotisation des entreprises. Mais le Medef s'indigne déjà : « Gérer la
pénibilité avec la réforme des retraites est absurde et injuste. C'est une
question de conditions de travail, et pas de retraites. » Et voilà ces
bons apôtres qui prônent la prévention et regrettent qu'il n'y ait eu sur ce
sujet « aucune étude d'impact, ni pour son financement ni pour ses
modalités pratiques ».
Ils ont raison sur un point : la
pénibilité n'a rien à voir avec la retraite. La pénibilité ne devrait tout
simplement pas exister. Les méthodes, les moyens pour l'éviter sont
connus : il faut imposer au patronat de les mettre en oeuvre, et
d'embaucher en suffisance. Tout comme il faut imposer le retour à la retraite
pour tous à 60 ans. Ce n'est pas une question de négociations, c'est une
question de rapport de force entre patronat et monde du travail.
Vincent GELAS
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