Il faut
une riposte à la hauteur de l’attaque de Macron
Il y a une réelle provocation
dans l’ampleur des attaques annoncées contre les cheminots comme dans le fait
de vouloir les imposer par ordonnances, sans même faire semblant de discuter
avec les syndicats. Face à une telle déclaration de guerre, des organisations
ouvrières dignes de ce nom devraient tout faire pour préparer et organiser dès
maintenant la riposte. Le moins qu’on puisse dire est que les directions
syndicales, y compris celle de la CGT, ne se montrent pas à la hauteur de leurs
responsabilités.
La réforme proposée par Spinetta
contient toute une série d’attaques contre la relative sécurité de l’emploi
dont bénéficient encore la majorité des cheminots, à l’égal des fonctionnaires.
Elle en annonce la fin en prévoyant aussi de licencier tous ceux qui ne
suivraient pas le passage au privé de leur ligne et qui n’accepteraient pas une
seule proposition de mutation. Ces deux mesures visent à faciliter les
licenciements.
Elles s’ajoutent à la progression
depuis des années des embauches hors du statut réglementaire des cheminots et
au développement de la sous-traitance. À SNCF réseau, la partie de la SNCF qui
assure l’entretien et le remplacement des voies, les travaux sont effectués à
50 % par la
sous-traitance. Plus généralement, 30 % des
nouveaux embauchés en 2016
l’ont été selon les règles du
secteur privé.
Le projet de réforme s’intègre
dans une attaque générale du patronat et des gouvernements à son service, qui
dure depuis des années et vise à liquider progressivement toutes les règles
pouvant donner aux travailleurs une certaine sécurité de l’emploi. Avec cette
réforme, Macron, comme tous ses prédécesseurs, ne fait qu’obéir aux ordres du
patronat. Il s’attaque à l’une des dernières catégories de travailleurs
réputées avoir un emploi à vie.
Macron lance cette épreuve de
force au moment même où il annonce la suppression de 120 000 postes
dans la fonction publique. Il choisit aussi de passer par ordonnances. Ce n’est
pas qu’il doute du vote des Assemblées, majoritairement à ses ordres. Mais
c’est une manière brutale et provocatrice de dire aux syndicats que, même s’ils
sont reçus par le gouvernement et lui expriment leurs désaccords et leurs
propositions, il n’y a rien à négocier, l’affaire est déjà pliée.
Macron
veut frapper fort
Macron fait un pari : il
gagnera beaucoup s’il
parvient à faire plier et les
cheminots et l’ensemble des syndicats. Il
s’attaque à un secteur fort de son nombre et de son rôle central dans
l’économie, réputé pour sa conscience et sa combativité. Il s’attaque aussi à
tous les syndicats à la fois, obligeant même les plus modérés d’entre eux à
réagir à la claque que constitue le passage par ordonnances.
Tous les syndicats dénoncent donc
la méthode. Même FO, même la CFDT s’offusquent, en tout cas du passage par
ordonnances. Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, est allé jusqu’à
déclarer, avec un cynisme qui frise la sincérité : « Si on
nous piétine, il ne faudra pas venir nous chercher
pour éteindre l’incendie ! » Mais que proposent les syndicats, y compris
la CGT, le plus puissant d’entre eux
à la SNCF, pour s’opposer à la réforme ?
À l’annonce des ordonnances,
Laurent Brun, le secrétaire de la fédération CGT des cheminots, a bien parlé
d’un mois de grève, qui serait nécessaire pour faire reculer le gouvernement.
La grève a aussi été évoquée par l’UNSA, Sud-rail et la CFDT qui a même fait
mine d’envisager la grève reconductible à partir du 14 mars. Mais il ne suffit
pas de parler de grève, il faut la préparer réellement, et pas seulement par
quelques déclamations plus ou moins radicales.
Au-delà de telle ou telle mesure
contenue dans le rapport Spinetta, Macron a engagé une épreuve de force avec
les cheminots. L’issue de cette épreuve de force aura des conséquences pour
tous les travailleurs. La déclaration de guerre de Macron aurait exigé une réponse
immédiate. Mais Martinez, le secrétaire confédéral de la CGT, a déclaré que les
syndicats avaient décidé d’attendre le 15 mars, pour se laisser le temps de
voir si les négociations avec le gouvernement allaient dans le bon sens, avant
de lancer éventuellement la grève. Le gouvernement se met en ordre de bataille,
et lui n’a donné pour seule consigne que d’attendre !
La fédération CGT se contente
donc pour le moment d’appeler à la manifestation du 22 mars pour l’ensemble de
la fonction publique. Seul Sud-rail a déposé un préavis de grève nationale, et
encore seulement pour le 22 mars. La fédération CGT continue à s’excuser de ne
pas appeler à la grève au niveau national le 22 mars, pour permettre aux trains
de rouler et de transporter tous les cheminots vers la manifestation parisienne.
Quel plaidoyer lamentable pour justifier l’inaction ! Comme
si les cheminots, tout en étant en
grève, ne pouvaient pas acheminer les
manifestants ! Et surtout, elle n’annonce rien de précis pour la suite.
Il faudra
se défendre
Pourtant, la plupart des
cheminots sont conscients de l’ampleur de l’attaque, et du fait qu’elle
concerne aussi l’ensemble du monde du travail. S’ils sont pour le moment très
attentifs à l’unité syndicale et dans l’attente de ce que fera la CGT, beaucoup
comprennent, y compris parmi les militants syndicaux, qu’il serait grave pour
l’avenir de laisser passer cette attaque sans réagir. Beaucoup disent d’ores et
déjà qu’ils seront en grève le 22 mars et qu’ils participeront à la
manifestation. Mais une manifestation, aussi réussie qu’elle soit, une journée
de grève, aussi massive qu’elle soit, si elles peuvent être un avertissement,
ne suffiront pas à faire reculer le gouvernement. Pour cela, il faudra toute
l’énergie, la détermination des travailleurs du rail conscients de l’enjeu,
leur capacité aussi à entraîner leurs camarades de travail dans les
manifestations et dans la grève.
Valérie
FONTAINE (Lutte ouvrière n°2588)
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