vendredi 9 mars 2018

Cheminots, le 22 mars, et la nécessité d’une riposte à la hauteur des enjeux. Un article de l’hebdomadaire Lutte ouvrière n°2588 de cette semaine


Il faut une riposte à la hauteur de l’attaque de Macron 

Il y a une réelle provocation dans l’ampleur des attaques annoncées contre les cheminots comme dans le fait de vouloir les imposer par ordonnances, sans même faire semblant de discuter avec les syndicats. Face à une telle déclaration de guerre, des organisations ouvrières dignes de ce nom devraient tout faire pour préparer et organiser dès maintenant la riposte. Le moins qu’on puisse dire est que les directions syndicales, y compris celle de la CGT, ne se montrent pas à la hauteur de leurs responsabilités.



La réforme proposée par Spinetta contient toute une série d’attaques contre la relative sécurité de l’emploi dont bénéficient encore la majorité des cheminots, à l’égal des fonctionnaires. Elle en annonce la fin en prévoyant aussi de licencier tous ceux qui ne suivraient pas le passage au privé de leur ligne et qui n’accepteraient pas une seule proposition de mutation. Ces deux mesures visent à faciliter les licenciements.
Elles s’ajoutent à la progression depuis des années des embauches hors du statut réglementaire des cheminots et au développement de la sous-traitance. À SNCF réseau, la partie de la SNCF qui assure l’entretien et le remplacement des voies, les travaux sont effectués à 50% par la sous-traitance. Plus généralement, 30% des nouveaux embauchés en 2016 lont été selon les règles du secteur privé.
Le projet de réforme s’intègre dans une attaque générale du patronat et des gouvernements à son service, qui dure depuis des années et vise à liquider progressivement toutes les règles pouvant donner aux travailleurs une certaine sécurité de l’emploi. Avec cette réforme, Macron, comme tous ses prédécesseurs, ne fait qu’obéir aux ordres du patronat. Il s’attaque à l’une des dernières catégories de travailleurs réputées avoir un emploi à vie.
Macron lance cette épreuve de force au moment même où il annonce la suppression de 120 000 postes dans la fonction publique. Il choisit aussi de passer par ordonnances. Ce n’est pas qu’il doute du vote des Assemblées, majoritairement à ses ordres. Mais c’est une manière brutale et provocatrice de dire aux syndicats que, même s’ils sont reçus par le gouvernement et lui expriment leurs désaccords et leurs propositions, il n’y a rien à négocier, l’affaire est déjà pliée.

Macron veut frapper fort

Macron fait un pari: il gagnera beaucoup sil parvient à faire plier et les cheminots et lensemble des syndicats. Il s’attaque à un secteur fort de son nombre et de son rôle central dans l’économie, réputé pour sa conscience et sa combativité. Il s’attaque aussi à tous les syndicats à la fois, obligeant même les plus modérés d’entre eux à réagir à la claque que constitue le passage par ordonnances.
Tous les syndicats dénoncent donc la méthode. Même FO, même la CFDT s’offusquent, en tout cas du passage par ordonnances. Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, est allé jusqu’à déclarer, avec un cynisme qui frise la sincérité : «Si on nous piétine, il ne faudra pas venir nous chercher pour éteindre lincendie!» Mais que proposent les syndicats, y compris la CGT, le plus puissant dentre eux à la SNCF, pour sopposer à la réforme ?
À l’annonce des ordonnances, Laurent Brun, le secrétaire de la fédération CGT des cheminots, a bien parlé d’un mois de grève, qui serait nécessaire pour faire reculer le gouvernement. La grève a aussi été évoquée par l’UNSA, Sud-rail et la CFDT qui a même fait mine d’envisager la grève reconductible à partir du 14 mars. Mais il ne suffit pas de parler de grève, il faut la préparer réellement, et pas seulement par quelques déclamations plus ou moins radicales.
Au-delà de telle ou telle mesure contenue dans le rapport Spinetta, Macron a engagé une épreuve de force avec les cheminots. L’issue de cette épreuve de force aura des conséquences pour tous les travailleurs. La déclaration de guerre de Macron aurait exigé une réponse immédiate. Mais Martinez, le secrétaire confédéral de la CGT, a déclaré que les syndicats avaient décidé d’attendre le 15 mars, pour se laisser le temps de voir si les négociations avec le gouvernement allaient dans le bon sens, avant de lancer éventuellement la grève. Le gouvernement se met en ordre de bataille, et lui n’a donné pour seule consigne que d’attendre!
La fédération CGT se contente donc pour le moment d’appeler à la manifestation du 22 mars pour l’ensemble de la fonction publique. Seul Sud-rail a déposé un préavis de grève nationale, et encore seulement pour le 22 mars. La fédération CGT continue à s’excuser de ne pas appeler à la grève au niveau national le 22 mars, pour permettre aux trains de rouler et de transporter tous les cheminots vers la manifestation parisienne. Quel plaidoyer lamentable pour justifier l’inaction! Comme si les cheminots, tout en étant en grève, ne pouvaient pas acheminer les manifestants! Et surtout, elle nannonce rien de précis pour la suite.

Il faudra se défendre

Pourtant, la plupart des cheminots sont conscients de l’ampleur de l’attaque, et du fait qu’elle concerne aussi l’ensemble du monde du travail. S’ils sont pour le moment très attentifs à l’unité syndicale et dans l’attente de ce que fera la CGT, beaucoup comprennent, y compris parmi les militants syndicaux, qu’il serait grave pour l’avenir de laisser passer cette attaque sans réagir. Beaucoup disent d’ores et déjà qu’ils seront en grève le 22 mars et qu’ils participeront à la manifestation. Mais une manifestation, aussi réussie qu’elle soit, une journée de grève, aussi massive qu’elle soit, si elles peuvent être un avertissement, ne suffiront pas à faire reculer le gouvernement. Pour cela, il faudra toute l’énergie, la détermination des travailleurs du rail conscients de l’enjeu, leur capacité aussi à entraîner leurs camarades de travail dans les manifestations et dans la grève.

                                 Valérie FONTAINE (Lutte ouvrière n°2588)

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