mercredi 16 janvier 2019

Argenteuil - Fresque Edouard Pignon toujours aussi controversée


Le marronnier d’Argenteuil

 
Les ateliers du 5

Ce n’est pas une nouveauté. Régulièrement, depuis des années, la fresque « aquatique » intitulée Vingtième siècle réalisée en 1970 par l’artiste Edouard Pignon proche de Picasso en bas de l’avenue Gabriel Péri revient dans l’actualité locale. C’est à nouveau le cas ces derniers temps.
         Cette œuvre artistique de 50 mètres de long sur 10 de hauteur est composée d’un assemblage de 5 000 morceaux et se voulait couronner un « centre culturel ». Comme telle, son appréciation est largement une question de goût personnel. Elle a donc ses défenseurs mais aussi ses détracteurs. Elle pâtît surtout d’un air d’inachèvement, celui de la façade bétonnée dont le gris est depuis toujours d’un mauvais effet.
Depuis l’origine, cette œuvre en céramique est la « bête noire » du vieux clan local « de droite d’Argenteuil » qui a toujours rêvé de s’en débarrasser. Certains disent qu’il y voit une faucille et un marteau, ce qui, on peut le comprendre, lui donne des boutons.
         Ledit « centre culturel » d’Argenteuil n’a jamais véritablement existé, et l’ensemble du bâtiment est consacré à des activités particulièrement hétéroclites où les activités culturelles n’ont qu’une part. Il mériterait sans doute de revenir à sa vocation première. Et à condition que sa façade soit achevée… un demi-siècle plus tard, et que cessent de tomber quelques-uns des morceaux de la fresque, ce qui n’est pas sans danger.
         Mais peut-être que cette autodestruction progressive est-elle la voie rêvée par les détracteurs de cette œuvre pour en imaginer la disparition ! A quelques morceaux tombés chaque année, il faudra quelques siècles tout de même pour que celle-ci s’opère et qu’ils y parviennent…

mardi 15 janvier 2019

Editorial des bulletins Lutte ouvrière d’entreprise du lundi 14 janvier 2019


Grand débat national : cause toujours...



Pour tenter de reprendre la main, Macron a lancé « un grand débat national ». Celui-ci a pour objectif d’éclipser et d’étouffer la mobilisation des gilets jaunes et de ne pas répondre à leurs exigences.
Leur revendication la plus populaire est le rétablissement de l’ISF. Eh bien, par avance, Macron y met son veto ! Et en six pages et 34 questions, il n’y a pas un mot sur les salaires, l’emploi ou le niveau des pensions. Mais on peut toujours en causer, nous dit Macron. De qui se moque-t-il ?
Le problème n’est pas seulement de dire ce que l’on pense. Cela, des dizaines de milliers de femmes et d’hommes le font depuis trois mois. Le problème est d’imposer nos intérêts de travailleurs contre Macron, le président des très riches, et contre la classe capitaliste de plus en plus rapace. Pour cela, il faut instaurer un rapport de force. 
Le fait que les gilets jaunes se soient rassemblés à 84 000 à la veille du lancement de ce « grand débat » montre qu’ils ne sont pas dupes. La dernière sortie de Macron sur les citoyens qui « oublient le sens de l’effort » a ainsi eu la réponse qu’elle méritait.
Le mouvement des gilets jaunes a montré que nombre de retraités, de femmes en précarité ou au foyer, de salariés et d’artisans ne veulent plus se taire. Peut-être pousseront-ils aussi leur coup de gueule dans le cadre de ce débat officiel, et cela se comprend. Mais croire que le débat national peut faire avancer les intérêts essentiels des travailleurs en termes d’emploi, de salaire ou de niveau de retraite, est une illusion. 
Ceux qui décident des embauches et des licenciements, qui fixent les contrats, les salaires, les conditions de travail et déterminent les carrières, sont les dirigeants des entreprises. Ils ne décident pas en prenant l’avis des travailleurs et de la population. Ils prennent leurs ordres auprès des actionnaires et des propriétaires.
Ils se moquent non seulement de ce qui peut ressortir du grand débat, mais aussi de ce que peut dire ou recommander le gouvernement. Combien d’entreprises richissimes n’ont pas versé la « prime gilets jaunes » ? Quand les grands groupes décident de fermer une usine, comme Ford à Blanquefort ou PSA à Saint-Ouen, ils n’ont que faire des leçons de morale du ministre de l’Économie !
S’il arrive aux gouvernements de déplorer qu’il n’y ait pas de juste répartition des profits, ils ne font rien. La situation empire année après année et 2018 ne déroge pas à la règle puisqu’un record de 57 milliards de dividendes a été versé aux actionnaires, en hausse de 13 % par rapport à l’année précédente.
Qu’en déduire si ce n’est que les gouvernants et l’État n’ont pas de prise sur ces capitalistes ? Qu’en conclure si ce n’est que, derrière le pouvoir politique, se tient un pouvoir autrement plus puissant, le pouvoir de l’argent et de ceux qui le concentrent, les capitalistes ?
« Il faut donner plus de force à la démocratie et à la citoyenneté », dit Macron. Mais on peut multiplier les débats et les référendums, l’organisation sociale n’en sera pas plus démocratique ! Toute l’économie et nos vies de travailleurs sont soumises à la dictature du grand capital, aux rois des temps modernes que sont les grandes fortunes à la tête des multinationales de l’automobile, du pétrole, de la pharmacie, de la finance, de la banque ou des assurances.
Il y a six millions de chômeurs et il manque du personnel dans les maisons de retraite, dans les hôpitaux. Nombre d’autres besoins ne sont pas satisfaits. La société est plongée dans l’impasse parce que les capitaux sont concentrés dans les mains de cette infime minorité qui se moque de résoudre des problèmes aussi élémentaires que l’habitat insalubre ou le manque de médecins. Même entretenir des conduites de gaz qui datent du début du XXe siècle, comme celles qui ont été à l’origine d’une explosion samedi à Paris, ne fait pas partie de leurs préoccupations !
Cette minorité de capitalistes accapare les richesses produites collectivement au travers de l’exploitation et elle est libre de faire ce qu’elle veut de ses capitaux. Et comme son système est en crise permanente, elle choisit de les orienter de plus en plus vers la finance et la spéculation.
Il n’y aura pas d’issue tant que l’on n’enlèvera pas le pouvoir à la grande bourgeoisie en l’expropriant. « Faut-il enlever à la classe capitaliste son pouvoir de nuisance en l’expropriant ? ». Cela ne fait bien sûr pas partie des questions soumises au grand débat. Mais les travailleurs qui ont la volonté d’agir pour offrir un avenir vivable à la société doivent y répondre, et positivement.

Demain mercredi 16 janvier
LCI :  Débat avec Nathalie Arthaud
à 12h50

Gilets jaunes, gilets rouges, sans gilets, même colère noire.


Ils voudraient faire taire les protestations

Samedi 12 janvier 0 Montbéliard, environ 700 manifestants se sont réunis à l’appel des Gilets Jaunes et de 3 organisations syndicales, CGT, FO et FSU, pour se rendre en cortège depuis la zone du Pied des Gouttes jusqu’à la sous-préfecture.
Les participants ont voulu exprimer leur colère et leur indignation contre les décrets pris par le préfet pour déloger les gilets jaunes des ronds-points et des endroits où ils avaient l’habitude de se retrouver, parfois avec l’accord des maires comme à Arbouans ou à Audincourt.
Les tentatives de vouloir faire taire les protestations, de les décourager ou de les orienter vers un entonnoir qui aboutirait à un « grand débat » qui n’abordera pas la question du pouvoir d’achat ne passent pas. Dans le cortège, les pancartes « Le capitalisme exploite les hommes et tue les peuples » ou « Non à la dictature des financiers ! » exprimaient le sentiment de nombreux manifestants : que l’appauvrissement de ceux qui travaillent, qui sont privés d’emploi ou qui ont travaillé, est à mettre en relation avec les fortunes insensées accumulées et dilapidées par les capitalistes.



Certains ont pris conscience qu’en agissant collectivement ils pouvaient se faire entendre, et que pour continuer à peser, il faudra étendre la lutte là où les richesses sont produites : dans les grandes entreprises.

Lutte de Classe, la revue de Lutte ouvrière : un supplément concernant la mobilisation des gilets jaunes (1ère partie)





Les gilets jaunes : l’expression d’une colère, la recherche d’une perspective



Cet article a été rédigé le 3 janvier 2019. Il ne tient donc pas compte d’événements survenus par la suite, ni de non-événements tels que le débat national de Macron avec ses rebondissements successifs. Il sera publié dans le prochain numéro de notre mensuel à paraître fin janvier.

Le mouvement des gilets jaunes, malgré ses limites, ses illusions et ses confusions, a témoigné de la profondeur du mécontentement dans les couches populaires. Il a montré la capacité de mobilisation des participants, leur rejet des institutions censées les représenter, et qui, en réalité, canalisent, détournent et étouffent l’expression de leur colère.
Quel que soit son avenir, le mouvement des gilets jaunes sera inévitablement relayé par d’autres réactions sociales. En effet, la crise profonde de l’économie poussera la classe capitaliste à aggraver l’exploitation des travailleurs salariés, mais aussi à pourrir les conditions d’existence de bien d’autres couches populaires : les paysans petits et moyens, les artisans, les petits commerçants. La propriété privée de leurs instruments de travail et parfois, l’emploi de quelques salariés donnent l’illusion de l’indépendance à une multitude de catégories de la petite bourgeoisie. En réalité, elles sont écrasées par les banques, dominées par les grosses entreprises donneuses d’ordres, spoliées par les chaînes de distribution capitalistes. Et parmi ces catégories, nombreux sont ceux qui sont poussés en permanence vers la paupérisation.
Il serait vain de vouloir deviner la voie que prendront les prochains sursauts populaires, ou laquelle des mille injustices de cette société provoquera des explosions de colère. Tout aussi vain de tenter de prévoir quelles catégories se lanceront en premier et quels moyens elles imagineront pour se faire entendre. La capacité d’imagination de masses mises en mouvement pour leur survie est sans limite. La tâche des militants communistes révolutionnaires n’est pas de deviner l’avenir, mais de proposer une politique qui amène le prolétariat à se retrouver dans l’enchevêtrement des intérêts sociaux différents, à prendre conscience de ses intérêts de classe pour que, instruit par la lutte elle-même, sa conscience finisse par s’élever jusqu’à son aboutissement ultime : la conviction qu’il est nécessaire de renverser le pouvoir de la grande bourgeoisie et de lui arracher la propriété privée des grandes entreprises et des banques afin de mettre fin à sa domination sur l’économie.

Les enseignements de la colère exprimée par les gilets jaunes

Il est dans la logique des choses que le regard des masses, lorsqu’elles entrent en mouvement, soit focalisé sur ceux qui gouvernent, avec tout ce que cela a de juste dans ses fondements, mais aussi de source d’illusions ; juste car ceux qui gouvernent le font au service de la classe dominante, celle à qui l’exploitation et l’oppression profitent en dernier ressort ; source d’illusions cependant, car ceux qui gouvernent sont largement interchangeables, et savoir se débarrasser de serviteurs au sommet en cas de menace fait partie, depuis des temps immémoriaux, de la culture politique de toute classe dominante. La bourgeoise des pays impérialistes a même appris, au fil de l’histoire, à banaliser l’opération, à s’en servir à titre préventif, à en faire un élément essentiel de son système politique, à l’intégrer dans le fonctionnement régulier de la démocratie bourgeoise par le biais de consultations électorales. Elle permet d’utiliser le personnel politique comme soupape de sécurité, d’en changer, le cas échéant, pour que rien ne change en fait dans la domination de la minorité capitaliste.
Il est également dans la logique des choses qu’une explosion de colère comme celle qui a conduit au mouvement des gilets jaunes mélange des colères de catégories sociales diverses. Celles du monde du travail, des retraités qui peinent à survivre, des chômeurs sans espoir de trouver du travail dans leur région, des travailleurs qui n’en ont trouvé un qu’à des dizaines de kilomètres de leur lieu d’habitation et pour qui le prix du gazole est une composante vitale de leur pouvoir d’achat, des aides-soignantes, des mères seules, des jeunes qui galèrent d’embauches précaires en petits boulots, des ouvriers, employés, techniciens de petites entreprises. Ces colères venant du monde des salariés se sont mélangées avec celles des couches petites bourgeoises qui ont le plus de mal à s’en sortir. La méfiance à l’égard des partis institutionnels, qui prend facilement la forme d’un apolitisme affiché, s’enracine dans le désir de préserver l’unité entre les différentes composantes du mouvement. Cette unité, et la fraternité forgée sur les ronds-points occupés et dans les actions menées en commun, semblent être le gage de la victoire. De quelle victoire ? De qui et contre qui ? Le mouvement des gilets jaunes a d’autant plus de mal à répondre à ces questions et même à se les poser que, derrière l’unité dans la colère, les intérêts des uns et des autres divergent, tout comme aussi les voies pour exprimer cette colère.
Commencé par la protestation contre la hausse de la taxe sur le gazole, le mouvement s’est rapidement transformé en protestation collective contre le recul du pouvoir d’achat. Mais le constat de l’insuffisance du pouvoir d’achat conduisait vers des exigences différentes pour un patron routier ou un artisan ambulancier et pour leurs salariés respectifs.
Des deux seuls objectifs unifiants qui surnagent, la démission de Macron et le « référendum d’initiative citoyenne », le premier unifie surtout la faune des politiciens de la bourgeoisie, de Marine Le Pen à Mélenchon en passant par tous les autres, ex et futurs ministres, qui guignent la porte qu’ouvre l’affaiblissement de Macron devant leurs ambitions respectives. Quant au second objectif, il ne signifie rien sinon une nouvelle forme de faux espoir pour cette majorité qui n’a pas droit à la parole et qui ne l’aura pas plus avec le référendum d’initiative citoyenne et surtout pas le moyen de décider. Le vrai pouvoir ne réside pas dans le nombre de votes obtenus à un référendum, mais dans la force matérielle de l’appareil d’État et derrière, dans le pouvoir de l’argent, c’est-à-dire dans l’immense pouvoir sur la société que le monopole du grand capital confère à la grande bourgeoisie. Ce n’est pas pour rien que tous les partis de la bourgeoisie, macronistes compris, sont enclins à accepter le principe de ce type de référendum. Après tout, les banquiers et les milliardaires de la bourgeoisie suisse, une des plus vieilles et des plus voraces d’Europe, ne se sont jamais sentis menacés dans le moindre de leurs privilèges par les « votations ».
Raison de plus pour les communistes révolutionnaires de défendre un programme qui corresponde aux intérêts matériels mais aussi politiques du prolétariat. Pas seulement pour que les salariés ne se retrouvent pas oubliés dans l’affaire, même si le gouvernement lâche quelques bricoles. Il ne s’agit pas d’un intérêt catégoriel de plus à différencier et, encore moins, à opposer à la multitude des intérêts catégoriels de couches populaires victimes du grand capital. Il s’agit de ce fait fondamental que le prolétariat, la classe sociale qui n’a que sa force de travail pour vivre et que la propriété privée ne relie pas au capitalisme, est la seule classe qui a la force et les moyens de combattre le grand capital jusqu’au bout, jusqu’à la destruction du capitalisme. C’est en fonction de cette perspective que la classe ouvrière doit prendre conscience de ses intérêts politiques et les l’affirmer.
Signe d’un début de renouveau de la combativité, 2018 a été marquée par deux luttes impliquant des secteurs, en apparence fort différents, de la classe ouvrière. Au printemps, un de ses secteurs réputés les plus combatifs, et aussi des plus influencés par les syndicats traditionnels, les cheminots. Quelques mois après, le mouvement des gilets jaunes, bien plus composite socialement, a entraîné des travailleurs de petites entreprises, des chômeurs, des retraités, des isolés. Ni l’un ni l’autre de ces mouvements n’ont entraîné le gros de la classe ouvrière, celle des grandes entreprises. Mais les deux ont en commun d’avoir bénéficié, chacun à sa façon, d’une large sympathie parmi les travailleurs, et bien au-delà. Et par ailleurs, un certain nombre de travailleurs, y compris ceux de grandes entreprises, ont participé à titre individuel aux blocages et aux manifestations. Par endroit, ils en constituaient une part majeure ; y compris des militants syndicaux, surtout de la CGT, en opposition de fait avec les bureaucrates des directions syndicales par facilité, sans doute, pour beaucoup d’entre eux.
Internet, relayé au début par les chaînes de télévision, a semblé offrir un moyen de mobilisation miraculeux. Pour les plus isolés, c’est un moyen de rompre l’isolement ; pour ceux des entreprises, cela permet de ne pas s’affronter directement au patron et à son encadrement. Mais c’est une facilité qui est en même temps une faiblesse. Comme c’est une facilité de bloquer une route, un carrefour, et non les entreprises où se produisent les profits. C’était la principale limite du mouvement des gilets jaunes.
L’attitude choisie par les directions syndicales, celle de la CGT en particulier, invoquant la présence dans le mouvement de militants d’extrême droite, ne pouvait surgir que de l’esprit obtus de bureaucrates qui confondent les luttes de classe avec des calculs de boutiquier. La présence de militants d’extrême droite, cherchant à capitaliser la situation au profit de Marine Le Pen, de Dupont-Aignan ou de groupuscules plus réactionnaires encore, tous ennemis mortels de la classe ouvrière, cette présence donc n’aurait pas dû être un prétexte de se détourner d’un mouvement dans lequel se retrouvait toute une partie du monde du travail. Elle aurait dû, au contraire, les inciter à engager le combat contre les tentatives de l’extrême droite. Mais autant demander du lait à un bouc. Les bureaucraties syndicales sont tellement habituées à leur fonction de roue de secours de l’ordre bourgeois qu’elles sont envahies d’une sainte terreur dès que cet ordre est ébranlé un tant soit peu par en bas. Les crises sociales, même limitées comme celle en cours, qui perturbent le paisible ronron des institutions du parlementarisme bourgeois, se traduisent par des poussées vers les « extrêmes ». Pas seulement vers diverses forces de contestation ; mais aussi vers des forces politiques qui n’épousent la contestation que pour mieux offrir à la grande bourgeoisie une solution politique qui rompt avec le jeu ordinaire des partis déconsidérés. L’issue de l’affrontement se décide par la lutte entre ceux qui se soulèvent contre l’ordre capitaliste et ceux qui ont pour objectif de le préserver, fût-ce par la violence d’un régime autoritaire. Il y a des candidats à ce rôle. Faire croire, comme le font les réformistes de la gauche politique et des directions syndicales, que l’on peut rester neutres dans cette lutte, refuser de prendre parti en évoquant le bon vieux temps où la contestation se limitait aux débats parlementaires et aux cortèges syndicaux périodiques, c’est désarmer les masses populaires qui s’éveillent à la contestation.

C’est précisément cette incapacité des organisations réformistes à reprendre à leur compte la colère des couches les plus écrasées de la société, et à leur donner des objectifs, qui favorise les forces politiques les plus hostiles aux intérêts politiques des travailleurs, et elles surfent sur cette colère pour la retourner contre eux.
S’il se poursuit, le recul de la participation aux manifestations et aux blocages, laissera de plus en plus la place aux manœuvres entre forces politiques d’autant plus dangereuses pour l’avenir qu’elles diffusent les idées les plus réactionnaires, les plus abjectes, sous le couvert de l’apolitisme. Quelle que soit son évolution cependant, le mouvement des gilets jaunes n’aura pas été un épiphénomène, une saute d’humeur face à un gouvernement méprisant, mais une expression supplémentaire d’une profonde crise sociale.
La crise sociale qui l’a engendré n’est pas surmontée et ne peut pas l’être. Le gouvernement ne peut pas répondre aux inquiétudes des classes populaires devant la montée de la pauvreté car la grande bourgeoisie, le grand capital, ne lui en laissent pas les moyens. Tout dépend de la capacité de ce qui est le plus fort dans la classe ouvrière, les travailleurs des grandes entreprises de production, la distribution et les banques, à prendre la relève des premiers combattants de la classe exploitée, en s’attaquant aux intérêts matériels de la classe dirigeante, et pas seulement à son personnel politique. C’est l’entrée en lutte des gros contingents du prolétariat qui donnera un sens, et surtout, une perspective de lutte, à ceux qui ont eu le courage de se lancer les premiers dans la contestation.
Il faudrait aussi une véritable organisation qui permette aux masses exploitées d’aller plus loin. Les hommes politiques de la bourgeoisie et les commentateurs ont déploré l’absence d’une organisation et de leaders capables de représenter les gilets jaunes, mais en réalité susceptibles de trahir leurs intérêts, étouffer leur colère en la ramenant vers les institutions officielles de la démocratie bourgeoise : partis, syndicats, consultations électorales, défilés syndicaux bien encadrés, prévisibles et programmés. La question de l’organisation se pose cependant infiniment plus dans la perspective opposée : celle d’incarner la volonté des masses à imposer leur droit à une vie digne. La mobilisation des travailleurs de grandes entreprises en grève offrirait des possibilités d’organisation aussi fraternelles que celles que se sont données spontanément les participants à nombre de points de blocage, mais autrement plus efficaces et, surtout, plus ouvertes sur l’avenir. Les assemblées générales d’une entreprise en lutte, accueillant tout travailleur, chômeur ou retraité des alentours, serait un cadre naturel pour discuter collectivement des problèmes, pour forger l’unité du monde du travail par-delà toutes les divisions, pour dégager des objectifs. Et les comités de grève élus par ces assemblées pourraient et devraient devenir les embryons d’une direction de classe…


                                                                    (La suite et fin demain)

Haute administration : salaires qui n’ont rien à voir avec ceux des travailleurs de la fonction publique


Ça aussi, la population devrait pouvoir le contrôler

 
Et eux, c'est combien ?

Après la révélation des 14 000 euros mensuels que touche Chantal Jouanno pour présider une obscure commission du débat public, les politiciens au pouvoir ou d'opposition crient au scandale. Mais après coup.
Car, avant qu'éclate ce scandale, les gouvernements ont tous toléré et même multiplié ces niches dorées où le personnel politique de la bourgeoisie s'engraisse. Cela avant de passer à des postes encore mieux payés à la tête de grandes entreprises.
L'affaire Jouanno lève un coin du voile sur les revenus de la haute administration et rappelle que les hommes et femmes de cet appareil d'État de la bourgeoisie ne sont ni élus ni contrôlés par la population.