jeudi 13 décembre 2018

Nathalie ARTHAUD : interview à Regards

Macron : un président démonétisé


Macron : un président démonétisé

La vie d’un président de la République n’est pas toujours facile. Il ne suffit pas en effet de gouverner pour les riches, de pressurer les classes populaires de toutes les façons possibles afin de remplir, directement ou indirectement, les coffres-forts des capitalistes. Il faut aussi, et c’est toute la difficulté, le faire sans susciter de protestations populaires.



Colbert, ministre de Louis XIV, s’y connaissait et parlait avec un certain mépris de l’art de plumer l’oie sans la faire crier. L’actuel président, visiblement, ne maîtrise pas cet art.
Pour tenter de faire cesser la protestation des gilets jaunes, Macron a soigneusement mis en scène son discours télévisé, lundi 10 décembre. Les mots étaient d’autant plus sonnants que les concessions étaient minces.
Devant le recul incessant et catastrophique du pouvoir d’achat des classes populaires, Macron n’a parlé que d’une prime pour les travailleurs touchant le smic, du report de la hausse de la CSG pour les retraites en dessous de 2 000 euros, de la défiscalisation des heures supplémentaires. Et pour le reste, il faudra se contenter de l’affirmation qu’il s’agit d’un tournant historique et que rien ne sera plus comme avant.
Tout continuera, au contraire ! Aucune des annonces de Macron n’effleure les fortunes des riches et les profits des entreprises milliardaires. La défiscalisation des heures supplémentaires est une aubaine pour le patronat. Macron a insisté sur la nécessité de ne pas revenir sur les cadeaux fiscaux faits aux plus riches, dont la suppression de l’ISF est le symbole, sans être le plus fastueux. Il a annoncé la poursuite de la réforme des retraites et de celle de l’indemnisation du chômage. Les réformes qu’il envisage seront de la même eau que celles réalisées jusqu’à maintenant : des attaques contre le monde du travail.
La politique annoncée est celle que lui dicte le grand patronat et elle ne peut que donner des motifs supplémentaires à la révolte.
Mais Macron a-t-il maintenant l’autorité nécessaire pour faire passer sans secousse ces mauvais coups ? En fait, il s’est usé encore plus vite que ses prédécesseurs, Sarkozy et Hollande, et exactement pour les mêmes raisons.
Au fil des ans, la politique de pillage de toute la société au bénéfice exclusif du grand capital devient de plus en plus visible et son orchestration par l’État de plus en plus manifeste.
La gauche et la droite s’étant usées à cette tâche et ayant dégoûté l’électorat, le grand patronat avait favorisé l’arrivée de Macron, nouvelle tête jeune et prometteuse pour un vieux rôle. Ce président d’un prétendu nouveau monde est aujourd’hui largement discrédité et démonétisé, au point de concentrer la colère sur sa personne et de devenir lui-même un facteur d’instabilité sociale et politique.
Certes, l’appareil d’État a encore bien des ressources et le grand capital bien des tours dans son sac. Les candidats à la succession du président usé sont déjà sur les rangs. Ils ne manquent pas... Mais les mêmes causes produiront les mêmes effets. Quel que soit celui qui leur servira la soupe, la domination des capitalistes et leur mise en coupe réglée de la société produiront de nouvelles vagues de protestation. Pour les travailleurs, le problème n’est pas ce petit Macron, mais les puissances dont il n’est, après bien d’autres, que l’homme de paille.

                                                   Paul GALOIS (Lutte ouvrière n°2627)

Salaires et profits : de l’argent, il y en a… dans les caisses du patronat


Salaires et profits : de l’argent, il y en a…

La hausse des salaires détruirait les emplois. Cet argument se retrouve sous de nombreuses formes dans la bouche des politiciens : les entreprises doivent être compétitives.



Une main-d’œuvre trop chère empêcherait les patrons d’embaucher, voire les contraindrait à supprimer des emplois. Ce serait donc un engrenage dans lequel l’augmentation des salaires entraînerait celle du chômage. Il ne faudrait en rien toucher aux profits des entreprises sous peine de voir s’aggraver la crise de l’économie avec fuite des capitaux, faillites et autres.
Un mensonge même mille fois répété reste tout de même un mensonge. Il n’y a pas de lois économiques immuables, indépendantes du rapport de force entre exploiteurs et exploités.
Les entreprises du CAC 40 ont dégagé près de 95 milliards d’euros de bénéfice net en 2017. D’après le journal Le Figaro, cela représente une hausse de 24,1 % par rapport au bénéfice total de 76 milliards d’euros qu’avaient dégagé les entreprises du CAC 40 en 2016. Le bénéfice cumulé de Renault, Peugeot, Michelin et Valeo est passé en un an de 7,7 milliards à 9,6 milliards d’euros. Safran et Airbus ont vu leur bénéfice net s’envoler respectivement de 151 %, à 4,8 milliards d’euros, et de 188,7 %, à 2,9 milliards.
À quoi tous ces milliards ont-ils servi ? À créer des emplois ? À augmenter les salaires ? Ni l’un ni l’autre, bien évidemment. Toute cette plus-value tirée de l’exploitation des millions de travailleurs a été gaspillée en dividendes distribués aux actionnaires, 44,3 milliards d’euros en 2017, en financement d’opérations spéculatives, en caprices de la classe des riches, tableaux de maîtres, yachts et autres dépenses de luxe. Le secteur du luxe se porte d’ailleurs comme un charme. En hausse de 119,6 % à 1,8 milliard d’euros, le secteur du luxe, avec L’Oréal et LVMH, a vu ses bénéfices passer de 7,9 milliards à 10,5 milliards d’euros.
Ce sont les travailleurs qui produisent tous ces richesses, et c’est la classe capitaliste qui les empoche. Pourquoi les travailleurs devraient-ils se sacrifier ? Ces milliards doivent servir à augmenter fortement tous les salaires et à leur permettre de suivre l’augmentation des prix.

                                                           Aline RETESSE (Lutte ouvrière n°2627)

Lycées et universités : la contestation s’étend


Lycées et universités : la contestation s’étend

Depuis le début décembre, une certaine effervescence règne dans la jeunesse scolarisée. Dans toute la France, des lycées sont bloqués par les élèves. Les universités aussi sont touchées par cette mobilisation. Des manifestations sont organisées dans les villes.



À Paris, la présidence de l’université a fait fermer Paris 1 Tolbiac quelques jours, de peur de connaître la situation de l’an passé. Une assemblée de 2 000 étudiants a eu lieu à Nanterre. 3 000 étudiants se sont réunis le 6 décembre à l’université du Mirail à Toulouse, mais il y avait aussi 1 000 étudiants dehors, qui voulaient entendre. Mardi 11 décembre, une manifestation de plusieurs milliers de jeunes a eu lieu à Paris. 700 ont manifesté à Besançon, 3 000 à Toulouse, etc.
Parmi les revendications exprimées, il y a bien entendu l’opposition aux dernières réformes de l’Éducation nationale, Parcoursup, la réforme des lycées, l’augmentation du droit d’inscription pour les étudiants étrangers non européens. Sur ce dernier point en particulier, à Nanterre les étudiants concernés ont raconté en assemblée comment cela s’ajoutait à toutes les difficultés de la vie pour des jeunes venant de pays pauvres. Les étudiants mobilisés comprennent bien que cela s’inscrit dans la même logique que le reste.
Mais, au-delà de ces questions, c’est l’ensemble de la situation qui pousse les jeunes à manifester. Bien des jeunes savent que leur avenir est bouché. Ils connaissent les fins de mois difficiles de leurs parents et eux-mêmes ont parfois du mal à se nourrir ou à se loger. Ils voient les conditions de vie des classes populaires se dégrader, les moyens mis dans la santé et l’éducation réduits comme peau de chagrin, pendant que l’argent se concentre à un pôle de la société. Ainsi ce collégien ayant tenté un blocus de son établissement a répondu au principal atterré qu’il faisait cela contre Macron, responsable de l’appauvrissement de ses parents.
Bien des lycées des banlieues se sont mobilisés. La colère s’exprime aussi dans des assemblées, tenues souvent par des lycéennes, et dans lesquelles les jeunes discutent de toutes ces questions et plus généralement du fonctionnement de la société.
Dans bien des établissements, ils discutent aussi de comment étendre le mouvement naissant. En effet ils ressentent que les gilets jaunes ont ouvert une voie et qu’il faut saisir l’occasion d’engager la lutte. En ayant envie de faire partie de ceux qui contestent la société, les jeunes préparent leur avenir de la façon la plus sûre qui soit.

                                           Marion AJAR (Lutte ouvrière n°2627)

Argenteuil, les manœuvres pré-électorales locales s’accélèrent


Tant que les collectivités locales seront soumises à la loi du capital…

 
Dans le meilleur des cas, les grandes limites de ce que l'on peut y faire

Les manœuvres électorales locales ont commencé depuis des mois, mais elles s’accélèrent aujourd’hui. Les écuries se forment. Et ce petit jeu commencé bien en amont de mars 2020 connaît un certain petit succès, à l’aune de l’activité politique locale très limitée de ces dernières années.
         Mais entre cette activité et l’actualité, il y a un net décalage. Et cela au-delà de l’engagement, plutôt du non engagement du plus grand nombre des participants de ces cercles pré-électoraux à l’égard de ce qui se passe depuis des semaines avec la mobilisation des « gilets jaunes », même s’il y a quelques exceptions, de la part de militants que nous pouvons retrouver lors de telle ou telle manifestation.
         Mais pour l’essentiel, le décalage est ailleurs.
         Ces habitants aspirent à une ville différente. Leur intention est louable, mais justement ce ne sont pas les intentions qui comptent, mais les moyens dont on dispose pour atteindre les buts auxquels on aspire.
         Les attaques des gouvernements successifs contre les collectivités locales sont une réalité.
         Serviteurs du grand patronat industriel et financier, ils lui ont servi et continuent à lui servir la soupe. Il suffit de penser aux milliards du CICE, qui ne sont qu’une partie des subventions d’Etat qu’il récupère.
         Et l’on peut voit Macron en rajouter. Les quelques concessions concédées à une fraction des classes populaires seront payer par d’autres fractions de celles-ci, et par de nouvelles attaques contre les services publics utiles à la population, via en particulier les communes.
         Avant de faire des plans sur la comète, ceux qui rêvent d’une ville bien différente, devraient penser à cela s’ils veulent avoir demain les moyens de leurs ambitions, et être aux côtés de ceux qui considèrent que la question centrale de l’heure est la mobilisation pour, en reprenant une formule simple, « faire payer les riches » dont les profits depuis des décennies ont été totalement épargnés. 

 PS. Bien évidemment, tout cela peut-être discuté fraternellement, DM