Élections
municipales : abstention record et dégagisme
01 Juillet 2020
Les deux faits politiques du
deuxième tour des municipales, le 28 juin, auront été l’abstention record, qui
a atteint 59 % en moyenne nationale, et la victoire de listes conduites par des
écologistes dans plusieurs grandes villes longtemps gérées par des notables, en
particulier de LR ou ralliés à Macron en 2017.
Bien des commentateurs,
désespérés par le manque de légitimité de cette édition 2020 des élections
municipales, ont mis cette abstention sur le compte de l’épidémie de Covid-19
et du décalage de trois mois entre les deux tours. Si ces événements ont joué
leur rôle, les raisons sont bien plus profondes. Élection après élection, même
pour la présidentielle ou les municipales qui ont longtemps suscité plus
d’intérêt, le cirque électoral fait de moins en moins recette.
C’est particulièrement visible du
côté des classes populaires. Ainsi, dans les villes ouvrières, l’abstention
atteint des sommets : 76 % à Vaulx-en-Velin ; 74 % à
Sevran ; 72 % dans le 7e secteur de Marseille, les quartiers Nord.
Frappés par le chômage et la pauvreté, occupés à survivre au quotidien, écœurés
par l’alternance au pouvoir de partis qui aggravent les uns après les autres
leurs conditions de vie, sans espoir de changement, de plus en plus de
travailleurs se désintéressent complètement des élections.
Beaucoup des électeurs qui se
sont déplacés ont aussi exprimé le rejet, déjà sensible ces dernières années,
des partis et des politiciens en place. Si quelques personnalités, Martine
Aubry à Lille, Anne Hidalgo à Paris, ont résisté, Collomb à Lyon, les dauphins
de Juppé à Bordeaux et de Gaudin à Marseille ont été battus. Le dégagisme, qui
avait permis à Macron de l’emporter en 2017 face au PS et à LR, a profité cette
fois-ci aux écologistes, souvent à la tête de listes d’alliance aux contours
variables d’une ville à l’autre, mais le plus souvent à gauche, avec des
notables du PS, de la France insoumise, parfois du PCF. Comme Grenoble avant
elles, les villes de Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Tours, Annecy ou Besançon
ainsi que la Métropole de Lyon, avec son budget de 3 milliards d’euros, seront
dirigées par des écologistes. Aux yeux de bien des électeurs, en particulier
parmi les cadres et la petite bourgeoisie des quartiers de centre-ville ou ceux
des jeunes électeurs qui se sont déplacés, les écologistes représentent le
renouveau car ils n’ont jamais exercé le pouvoir. La crise sanitaire et les
défaillances qu’elle a révélées, les menaces de plus en plus visibles sur le
climat ou la biodiversité ont poussé dans le même sens, déjà visible lors des
élections européennes de 2019.
Les maires écologistes sont
nouveaux, mais ils ont déjà montré qu’ils étaient rodés dans l’art des
tractations d’appareil, entre les deux tours, pour fusionner les listes. Tous
répètent aujourd’hui qu’ils ont été élus uniquement sur la base d’un
« projet commun », mais les accords signés portaient essentiellement
sur la constitution des listes et la répartition des postes dans les exécutifs
municipaux. Ainsi Anne Hidalgo a sauvé son fauteuil de maire de Paris, grâce à
l’accord conclu avec Europe écologie-Les Verts, qui ont obtenu en échange
l’assurance de disposer d’une mairie d’arrondissement qu’ils ne pouvaient
gagner seuls.
La couleur des mairies a donc
changé, mais ceux qui espèrent qu’il en sorte de véritables changements
risquent d’en être pour leurs frais.
Xavier
LACHAU (Lutte ouvrière n°2709)