Football
féminin : sexisme pas mort
La Coupe du monde féminine de
football se déroule en France jusqu’au 7 juillet, mais les pratiques
financières en vigueur et les commentaires en marge de la manifestation
témoignent que les préjugés sexistes ne sont pas morts.
Alors que des sports comme le
tennis ou le basket-ball se sont féminisés dans la première moitié du 20e siècle,
le football a longtemps été en retard, et il le reste.
Des
joueuses longtemps exclues
Aux débuts de ce sport, à la fin
du 19e siècle, il est pratiqué par des femmes, qui constituent des clubs. En
France, à la fin des années 1910, plusieurs équipes de femmes jouent au
football. Mais à sa création, en 1919, la fédération française refuse
formellement l’entrée des femmes.
En 1925, le patron de l’influent
journal L’Auto (ancêtre de L’Équipe) s’indigne ainsi : « Que
les jeunes filles fassent du sport entre elles, dans un terrain rigoureusement
clos, inaccessible au public : oui, d’accord. Mais qu’elles se donnent en
spectacle, à certains jours de fête, où sera convié le public, qu’elles osent
même courir après un ballon dans une prairie qui n’est pas entourée de murs
épais, voilà qui est intolérable ! » Le décès d’une joueuse
pendant un match, en 1927, est exploité pour plaider l’interdiction. Dans les
années 1930, le football féminin est toujours vivement critiqué. Enfin, le 27
mars 1941, le gouvernement de Vichy interdit aux femmes une liste de sports,
dont le football. Il faut attendre les années 1970 pour voir le retour du
football féminin et la création d’une équipe de France.
La fédération internationale, la
Fifa, a fait preuve du même sexisme. Dans les années 1970, à une époque où
plusieurs fédérations interdisent encore aux femmes de jouer, les premières
coupes du monde féminines sont disputées en dehors d’elle. Alors que la Fifa
organise une coupe du monde masculine depuis 1930, il faut attendre 1991 pour
qu’elle organise l’équivalent pour les footballeuses.
Sexisme
et gros sous
Aujourd’hui, la société a évolué,
et les sponsors comme les médias voient dans le football féminin un potentiel
commercial. Le sexisme prend des formes plus insidieuses que l’interdiction de
pratiquer. Il s’observe par exemple dans les inégalités de traitement. Alors
qu’un joueur de Ligue 1 gagne en moyenne 73 000 euros mensuels, le salaire
moyen d’une footballeuse professionnelle en France est de 2 494 euros. En cas
de victoire au Mondial, la Fédération française de football accordera à chaque
joueuse 40 000 euros de prime alors qu’en 2018 les Bleus avaient touché chacun
400 000 euros. La différence entre les primes offertes aux équipes par la Fifa
se creuse même. Dans plusieurs pays, des joueuses dénoncent ces inégalités,
voire attaquent leur fédération pour discrimination, à l’instar des
Américaines : elles ont été plusieurs fois championnes du monde et
championnes olympiques, mais continuent de gagner moins que leurs homologues masculins,
qui n’ont jamais dépassé un quart de finale.
Pour justifier ces différences
choquantes, les instances sportives prétextent que le football féminin ne
génère pas les mêmes recettes (droits télévisés, etc.), justifiant ainsi leur
sexisme par celui de la société. Quand des différences de popularité existent,
les autorités en sont les premières responsables : en interdisant
longtemps le football féminin, elles l’ont empêché de se développer. Et, en
réalité, elles sont en retard sur la société, souvent plus favorable à
l’égalité des sexes que les autorités et les médias ne le sont. Chez les jeunes
filles, la pratique du football et le nombre de licenciées progresse très
rapidement. Le 7 juin, le match d’ouverture France-Corée du Sud a attiré 11
millions de téléspectateurs, un chiffre proche de celui d’un match masculin
équivalent.
Les commentateurs sportifs
n’osent plus critiquer ouvertement le foot féminin, comme un Thierry Roland le
faisait grossièrement. Il faut aller à l’Académie française pour trouver un
Alain Finkielkraut expliquer qu’il n’aime pas le football féminin, en
ajoutant : « Ce n’est pas comme ça que j’ai envie de voir des
femmes. » Qu’il garde donc ses envies pour lui !
Michel
BONDELET (Lutte ouvrière n°2654)