Rencontres
LO-NPA : des discussions et une vraie divergence
Au mois de juillet dernier, le
NPA a écrit à Lutte ouvrière pour discuter des prochaines élections européennes
et nous proposer, ainsi qu’« aux militantEs des mobilisations qui combattent
le gouvernement français comme l’Union européenne », une « convergence dans une
liste commune ». Nous avons accepté d’engager cette discussion car nous
avons toujours eu des échanges avec la LCR puis le NPA, et discuté
régulièrement de nos politiques respectives, notamment à l’occasion de notre
fête annuelle à Presles.
Ces camarades ont présenté la
campagne qu’ils souhaitent mener. Sur certains points, nous sommes d’accord,
par exemple pour ce qui est de dénoncer « la politique [de Macron],
les attaques mises en place par son gouvernement et la bourgeoisie ».
Sur d’autres, nous avons du mal à nous comprendre, voire sommes en complet
désaccord.
Le NPA veut faire campagne
« pour les droits des migrantEs ». En fait, sur ce sujet également,
nous ne sommes pas en désaccord. Pourtant, dans un article de leur journal
rendant compte du débat organisé avec Lutte ouvrière à leur université d’été,
ils ont écrit que nous prêterions l’oreille « aux préjugés
racistes ». C’est aussi stupide que choquant. Les camarades du NPA
souhaitent centrer une partie de leur campagne contre « l’Europe
forteresse ». En ce qui nous concerne, si nous sommes absolument
solidaires de ceux qui luttent pour le droit des migrants et sommes pour la
liberté d’installation et de circulation pour tous, nous affirmons que le
problème des migrants n’est pas déconnecté de l’évolution générale de la
société capitaliste et de sa crise. Nous ne voulons pas seulement dénoncer la
politique antimigrants de Macron ou des États de l’Union européenne, mais la
société capitaliste et son évolution générale, de plus en plus réactionnaire,
que seule la classe ouvrière peut renverser.
Mais cet aspect de nos
divergences n’est pas le plus important. C’est sur un autre point que, là, nous
sommes en profond désaccord. Les camarades du NPA veulent faire campagne sur « la
rupture avec les institutions, les traités et les règles de l’Union
européenne ». Passons d’abord sur le fait que dans leur presse, ils
ont à deux reprises affirmé que nous aurions « abandonné la formule
selon laquelle l’UE ne serait qu’une “diversion” ». Comment des
camarades qui ont fait plusieurs campagnes européennes avec nous, ont eu deux
députés européens aux côtés des trois députés de Lutte ouvrière, dont Arlette
Laguiller, pendant cinq ans au Parlement européen, peuvent-ils à ce point
déformer nos idées ? Nous n’avons jamais dit que l’Union européenne était
une diversion. Nous avons dit qu’en tant qu’arène économique, l’Europe était
une nécessité pour la bourgeoisie, pour élargir le marché pour ses trusts et,
qu’en même temps, les rivalités entre ces trusts et entre les États nationaux
sur lesquels ils s’appuient la rendaient très fragile. Reprenant la formule de
Trotsky, nous disons que « les gouvernements bourgeois actuels de
l’Europe ressemblent à des assassins attachés à la même chaîne ».
Ce qui est une diversion, par
contre, et même une tromperie, c’est d’entraîner les travailleurs à choisir
entre deux options politiques proposées à la bourgeoisie : un peu plus ou
un peu moins d’Union européenne. Cette opposition est orchestrée par des partis
bourgeois. Après l’opposition droite-gauche qui a servi à piéger les
travailleurs dans l’impasse de l’électoralisme, c’est une nouvelle fausse
alternative et un nouveau piège pour les exploités. Les travailleurs n’ont pas
à se ranger derrière l’un ou l’autre. Doivent-ils plus combattre l’UE ou leur
propre État national ? La réponse est simple : les deux. En se
rangeant, même hypocritement, dans un de ces deux camps, les camarades du NPA
vont ajouter leur petite contribution à un concert de partis bourgeois allant
du FN à Mélenchon, en passant par des politiciens de droite. Il s’agit d’une
divergence essentielle avec ces camarades qui, pour l’instant, n’a pas du tout
été surmontée dans les discussions.
Pour notre part, même si les
élections européennes sont encore loin et que le contexte politique peut
changer, nous savons que nous voulons exprimer les intérêts des travailleurs,
leurs intérêts matériels et politiques dans cette période de crise du système
capitaliste. Nous sommes décidés à le faire, avec d’autres si la possibilité se
présente, seuls s’il le faut.
Pierre
ROYAN (Lutte ouvrière n°2617)