Il aura suffi de trois jours de fronde patronale sur Internet pour que le
gouvernement abandonne son projet de taxer les plus-values réalisées lors de la
vente d'une entreprise par son créateur. Le gouvernement souhaitait pourtant
simplement porter l'imposition de ces plus-values au niveau où sont taxés les
revenus de tout un chacun. Bref, il ne s'agissait même pas d'une mesure
discriminatoire à l'encontre des patrons.
Pourtant, devant ce manque à gagner, ces patrons se sont mobilisés rapidement
et ne se sont pas privés d'user du mensonge et de la mauvaise foi, bien relayés
par une presse complaisante.
Leur dénonciation de « la taxe de 60 % sur les PME » laissait entendre que
toutes les entreprises seraient plus taxées, alors que le gouvernement ne
souhaitait augmenter que la taxe sur les plus-values liées à la vente, et non
celle sur les bénéfices. Ce chiffre de 60 % brandi par les frondeurs n'a été
obtenu qu'en ajoutant la CSG et le RDS aux 45 % d'imposition, taux qui lui-même
ne concerne en fait que les plus-values les plus importantes. Et puis, mettre en
avant les créateurs de petites entreprises, jeunes, dynamiques et méritants, est
une vieille tactique patronale pour séduire le quidam et obtenir des concessions
du gouvernement. Les frondeurs se sont même baptisés « pigeons » pour mieux se
faire passer pour des contribuables vertueux injustement plumés.
Ces patrons ne sont pourtant pas tous des gagne-petit, loin s'en faut. Le
journal Libération a cité trois de ces patrons « pigeons » ayant vendu leur
entreprise, l'un à 70 millions d'euros, le second à 182 millions, le dernier à
475 millions !
Grâce à cette campagne et surtout grâce à cette reculade manifeste et piteuse
du gouvernement, ces plus-values ne seront donc taxées qu'à un taux forfaitaire
de 19 %. C'est le retour au système en vigueur jusque-là.
Mais, face aux récriminations des patrons, et pas seulement des soi-disant
petits, le gouvernement est allé encore plus loin dans le recul. En effet, si
l'on en croit le journal Les Échos, ce ne serait plus seulement les « créateurs
d'entreprise » qui échapperaient à la nouvelle taxation des plus-values, mais
tous les actionnaires, créateurs, investisseurs ou dirigeants, à condition
qu'ils détiennent une part « significative » du capital proche de 10 à 15 %, et
pour une durée de deux à cinq ans. Les gros et très gros actionnaires
bénéficieront donc eux aussi, pour la taxation des plus-values de cession de
leurs actions, d'une taxation au taux de 19 %. C'est pour eux un très gros
cadeau. Pour Hollande et pour le gouvernement, qui avaient promis de taxer au
même niveau capital et revenu du travail, c'est plus qu'un recul : une véritable
capitulation.
Stéphane FORT