Comme vous le savez, nous n’avons pas pu tenir le Cercle Léon Trotsky qui devait aborder, un siècle après le Congrès de Tours de décembre 1920, la naissance du parti communiste en France. Le texte de cet exposé est néanmoins disponible sur notre site lutte-ouvrière.org. Nous vous le proposons à partir d’aujourd’hui en feuilleton sur notre blog « lo argenteuil »
Le jeune parti communiste : du combat pour créer un parti révolutionnaire au stalinisme
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1921-1924 : la lutte pour transformer le parti
Des femmes et des hommes engagés et dévoués
Mener des campagnes comme celle de la Ruhr impliquait des militants d’une certaine trempe, dévoués à leurs idées et à leur classe. Le parti n’en manquait pas. À vrai dire, les arrestations et la prison étaient déjà le lot ordinaire des militants ouvriers sous la IIIe République bien avant la guerre. Clemenceau, ministre de l’Intérieur dans les années 1906-1910, avait abondamment révoqué les grévistes, emprisonné les militants et fait tirer sur des manifestants. Depuis 1919 presque tous les dirigeants de la gauche du PC, et même le député Cachin, comme ceux de la CGT-U, avaient fait des séjours en prison.
Cet engagement était celui des femmes et des hommes du PC. Quelques courtes biographies en attestent. Adrien Langumier, ouvrier à Auxerre depuis l’âge de 15 ans, est envoyé en prison en 1921 pour fait de grève, six mois après son adhésion au PC. Il a 18 ans. Quand il retrouve un emploi, il est licencié pour avoir tenté de monter un syndicat. Auguste Herclet, ouvrier du textile près de Vienne, est arrêté en avril 1921 pour provocation à l’émeute alors qu’il tentait de faire occuper les usines de sa région. Militant de la CGT-U, il est de nouveau emprisonné en 1923 suite à une grève du textile à Elbeuf, où il s’est installé. Victor Delagarde, mécanicien ajusteur, mobilisé en 1914, est licencié pour grève en 1917 aux usines Morane à Paris. Syndicaliste révolutionnaire, il adhère en 1921 au PC, dont il démissionne en 1925. Cette année-là, il est arrêté après une grève à Issy-les-Moulineaux.
Ces quelques exemples montrent que le PC commençait à orienter le travail de ses militants vers les usines, vers une activité syndicale à la base. Bien avant l’existence officielle des délégués du personnel, il encouragea les militants à créer des comités d’usine, regroupant des délégués ouvriers élus par les travailleurs, sans tenir compte de leur appartenance politique et syndicale. Au sein de la CGT-U, le PC gagna d’anciens syndicalistes révolutionnaires et des anarchistes. Parmi ceux-ci figurent plusieurs futurs dirigeants ouvriers du PCF : Pierre Sémard, Albert Vassart, Benoît Frachon, Gaston Monmousseau…
Des femmes avaient joué un rôle important avant le congrès de Tours dans le combat pour l’adhésion à l’IC. Elles devinrent des dirigeantes du jeune parti, alors même que la république française interdisait aux femmes de voter, d’accéder à la contraception, et criminalisait l’avortement. La majorité de ces militantes rompront avec le parti quand le stalinisme l’aura gangrené. Parmi elles, Marthe Bigot, institutrice, internationaliste dès 1915, élue au comité directeur du parti au congrès de Tours, est révoquée de son emploi par le ministère en 1921. Elle devient rédactrice à l’Humanité jusqu’à son exclusion du PC en janvier 1926. Lucie Colliard, une autre institutrice, fut arrêtée et incarcérée en 1918 pour « indiscrétion en temps de guerre ». Révoquée de l’enseignement, elle adhéra à la SFIO, milita pour l’adhésion à l’IC et participa au congrès de Tours. Oratrice reconnue du parti, elle multiplia les meetings et soutint de nombreuses grèves, dont celle des sardinières de Douarnenez en 1924. Elle fut l’une des dirigeantes de l’Internationale communiste des femmes, avec Clara Zetkin. Lucie Leiciague, sténodactylo, déléguée au congrès de Tours, élue au comité directeur, représenta le PC auprès de l’Internationale en 1922. Elle fut rédactrice dans divers journaux du parti, jusqu’à sa rupture en 1929.
Ces militantes combattaient la double exploitation des femmes, prolétaires au travail et domestiques à la maison. Elles étaient convaincues que leur émancipation était liée à la lutte contre l’exploitation sociale. Comme l’affirmait Marthe Bigot, « pour que cesse l’esclavage des femmes, il faut que cesse l’esclavage salarié[7] ». Dès 1921, le Parti communiste présenta systématiquement des femmes aux élections, en position éligible, tout en sachant que leur élection serait invalidée par les préfets. C’était une démonstration politique.
7. Marthe Bigot, La servitude des femmes, Librairie de l’Humanité, 1921
Quand le PC présentait des candidatures de femmes… quitte à ce qu’elles soient invalidées
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(Demain : 1921-1924 : la lutte pour transformer le parti, Janvier 1924 : une transformation inachevée)
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