vendredi 12 mars 2021

« Le jeune parti communiste : du combat pour créer un parti révolutionnaire au stalinisme ». Aujourd’hui (17) : La « bolchevisation » et le stalinisme, La chasse aux soutiens de Trotsky

Comme vous le savez, nous n’avons pas pu tenir le Cercle Léon Trotsky qui devait aborder, un siècle après le Congrès de Tours de décembre 1920, la naissance du parti communiste en France. Le texte de cet exposé est néanmoins disponible sur notre site lutte-ouvrière.org. Nous vous le proposons à partir d’aujourd’hui en feuilleton sur notre blog « lo argenteuil »

La «bolchevisation» et le stalinisme

La chasse aux soutiens de Trotsky

 

Dans le parti français, Rosmer et Souvarine s’étaient liés à Trotsky, à Paris dès la guerre pour le premier, à Moscou pour le second. Ils comprenaient mieux que d’autres ce que recouvrait la campagne contre l’Opposition de gauche, accusée de «déviations droitières» et de «rupture avec le léninisme». Zinoviev fit tout pour les isoler. Dès mars-avril 1924, il envoya des délégués, parés du prestige de l’IC, pour convaincre la direction du PC de condamner l’opposition. Monatte, Souvarine et Rosmer s’y refusèrent. Souvarine rédigea dans le Bulletin communiste plusieurs articles sur la situation du parti russe avant de publier par souscription le Cours nouveau de Trotsky. Ce texte provoqua des discussions, mais seulement dans des petits cercles du parti. Ainsi le jeune Maurice Thorez, secrétaire de la fédération du Nord, écrivit à Souvarine que «la plupart de ses camarades sont daccord que Trotsky nest pas un menchevik». Thorez se laissa pourtant convaincre facilement par les délégués de lIC, la menace de devoir retourner travailler à la mine en perdant son poste de permanent pesant peut-être autant que le prestige de la révolution russe qu’ils incarnaient…

Pour écarter les militants qui soutenaient les positions de Trotsky, Zinoviev s’appuya sur deux cadres venus au communisme après la guerre, dévoués mais peu formés politiquement, Albert Treint et Suzanne Girault. Treint s’était vu retirer le secrétariat du parti au congrès de janvier 1924 à cause de ses méthodes jugées trop brutales. Trois mois plus tard, Zinoviev le réinstallait. Suzanne Girault dirigeait la fédération de la Seine, où elle avait réorganisé à marche forcée le parti sur la base de cellules d’entreprises. Elle lança une campagne contre le trotskysme, qualifié de «droite internationale». Souvarine se vit retirer la direction du Bulletin communiste. Il protesta publiquement, ce qui servit de prétexte à son exclusion par le congrès de l’IC. Monatte et Rosmer démissionnèrent de la rédaction de l’Humanité avec plusieurs de leurs proches, ainsi que du bureau politique. Ils furent exclus à la fin 1924.

Plusieurs des fondateurs du PC, dont Fernand Loriot qui s’était mis en retrait depuis 1922, s’engagèrent contre cette prise en main bureaucratique. Ils intervinrent dans les assemblées du parti, par des lettres ou des tribunes pour dénoncer les «méthodes des bureaucrates au cerveau desséché qui stérilisent tout ce qu’ils touchent[8]». Ils proposèrent des textes d’orientation opposés aux analyses creuses et vantardes émises par l’Internationale et ses représentants locaux.

Mais ils avaient face à eux le poids d’un appareil qui pouvait offrir à des militants des postes de permanents pour peu qu’ils soient dans la ligne: plus de 400 postes de permanents furent créés en 1924. Une nouvelle revue, les Cahiers du communisme, fut lancée pour répandre parmi les militants des mensonges et des calomnies contre Trotsky et ceux qui le soutenaient. Dès le milieu de l’année 1925, aucune discussion politique réelle n’était possible dans le parti. Empêcher par tous les moyens les oppositionnels de s’exprimer et de s’adresser aux militants et sympathisants du parti devint peu à peu la règle. En quelques mois les relations entre le parti et l’Internationale avaient changé de nature. Celle-ci, stalinisée, ne cherchait plus à convaincre, à arbitrer les différends. Elle écartait les opposants et sélectionnait une direction composée de marionnettes dociles prêtes à prendre les tournants brutaux qu’elle n’allait cesser d’effectuer.

8.Extrait de la tribune du 25 mars 1925, signée par Loriot dans les Cahiers du bolchevisme, au nom d’un groupe d’oppositionnels.

 

 Un numéro du "Bulletin communiste" de 1922

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(Demain : La «bolchevisation» et le stalinisme, La « bolchevisation » du parti)

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