mercredi 10 mars 2021

« Le jeune parti communiste : du combat pour créer un parti révolutionnaire au stalinisme » (15) : 1921-1924 : la lutte pour transformer le parti : aujourd’hui, Janvier 1924 : une transformation inachevée

Comme vous le savez, nous n’avons pas pu tenir le Cercle Léon Trotsky qui devait aborder, un siècle après le Congrès de Tours de décembre 1920, la naissance du parti communiste en France. Le texte de cet exposé est néanmoins disponible sur notre site lutte-ouvrière.org. Nous vous le proposons à partir d’aujourd’hui en feuilleton sur notre blog « lo argenteuil »

 

Le jeune parti communiste : du combat pour créer un parti révolutionnaire au stalinisme

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1921-1924: la lutte pour transformer le parti

Janvier 1924 : une transformation inachevée

 

Trois ans après le congrès de Tours, le Parti communiste avait bien changé. Avec 50000 membres, il avait perdu la moitié de ses adhérents mais ces derniers étaient plus jeunes, plus ouvriers, plus déterminés. Malgré le reflux politique, les grèves difficiles souvent perdues, le Parti communiste regroupait des révoltés dont la perspective était le renversement du capitalisme. Ils avaient la révolution russe pour modèle et reconnaissaient l’Internationale communiste comme leur direction. Mais la plupart de ces militants manquaient de l’expérience personnelle et d’une culture politique solide permettant d’assimiler de façon nuancée et dialectique toutes les leçons du bolchevisme.

Un an après le départ de Frossard, le parti avait des dirigeants, mais toujours pas de véritable direction cohérente, soudée par des positions communes, ayant capitalisé les expériences des dernières années et disposant d’une large autorité dans le parti. Ces dirigeants, anciens de la SFIO, du syndicalisme révolutionnaire, nés de la guerre ou venus directement des Jeunesses communistes, avaient des expériences politiques et organisationnelles aussi variées que leurs qualités humaines. Les plus expérimentés politiquement, à la plume acérée, ayant lié leur sort à celui de la classe ouvrière, Rosmer ou Monatte, n’avaient pas l’expérience de la direction d’un parti politique de masse. Monatte n’en comprenait pas l’importance. Rosmer refusa d’assumer le secrétariat du parti. Il en allait de même de Boris Souvarine, qui préférait s’exprimer dans le Bulletin communiste. D’autres, comme Albert Treint qui ne rechignait pas aux tâches administratives et accepta le secrétariat du parti, n’en avaient pas la compétence politique et humaine.

Au moment du congrès de Lyon, en janvier 1924, le fonctionnement du parti et de sa direction fut mis en discussion. Une vaste transformation restait nécessaire pour rompre avec les vieilles pratiques de la SFIO et faire du parti un instrument pour la prise du pouvoir, et pas seulement un outil de propagande. Il fallait orienter le travail de tous les militants en direction des entreprises plus que des circonscriptions électorales. Il fallait augmenter la proportion de travailleurs dans les organismes de direction du parti comme dans les rédactions de sa presse, réduire celle des élus et des journalistes professionnels. Mais comment accélérer cette transformation? Par des directives et des circulaires administratives du secrétariat du parti, ou par la force de lexemple, en encourageant et généralisant les initiatives locales des militants, en favorisant la discussion et même les polémiques?

Ces pratiques avaient été résumées par Lénine et les bolcheviks sous l’expression «centralisme démocratique»: discuter librement des orientations et des tâches de lheure, se forger une opinion commune, puis agir de façon disciplinée et centralisée pour être efficace dans l’action. Pour les bolcheviks, le centralisme démocratique n’avait jamais été l’obéissance aveugle à des directives, ce qu’il allait être bientôt sous Staline. Il supposait la libre discussion parmi des militants qui s’efforçaient d’être les plus compétents possible, capables de toutes les initiatives. Ce centralisme démocratique supposait des liens de confiance entre la direction et les militants, et surtout des liens multiples entre les militants et les travailleurs du rang, pour saisir l’évolution de l’état d’esprit et de la conscience des exploités. Le centralisme démocratique n’était pas le caporalisme.

En 1924, la transformation du parti n’était qu’ébauchée, sa direction en train de se former, de se souder. Les circonstances n’allaient pas lui en laisser le temps. Le drame du Parti communiste, en France comme dans les autres pays, fut que la sélection de cette direction se heurta à l’évolution souterraine en cours en Union soviétique et à ses répercussions dans l’Internationale communiste.

Compte-rendu du Congrès de Lyon de janvier 1924

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(Demain : La «bolchevisation» et le stalinisme, La montée de la bureaucratie en Union soviétique)

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