... Suite
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Une crise
politique majeure
Mais ce qui est sûr, c’est que
nous sommes dans une crise politique importante. Le texte sur la situation
intérieure décrit le tangage qui secoue la Macronie depuis déjà quelques mois,
avec la chute dans les sondages, les doutes des fidèles, l’affaire Benalla, les
départs de Hulot et de Collomb. Depuis l’élection de Macron, nous défendons
l’idée que son pouvoir est faussement stable. Macron a certes apporté une
solution à la crise de l’alternance. Mais parce qu’il gouverne au profit de la
grande bourgeoisie, non seulement il est incapable de répondre aux ravages de
la crise dans les classes populaires, mais sa politique ne peut que les
aggraver.
Ce raisonnement, nous le faisons
depuis le début, il est devenu aujourd’hui réalité. C’est monté crescendo mais
on en est maintenant à ce que des commentateurs politiques envisagent
sérieusement la chute du gouvernement.
La crise politique est là et elle
est profonde. Que le gouvernement arrive ou pas à rétablir le calme, cette
crise politique continuera. D’abord parce que Macron est largement discrédité
dans la population et par là même, dans une certaine mesure, aux yeux de la
bourgeoisie.
Du point de vue des possédants et
de la bourgeoisie, Macron ne fait plus vraiment le job. Il avait tout pour
plaire à la grande bourgeoisie, aux banquiers et compagnie, il y a dix-huit
mois. Maintenant qu’il met le pays à feu, si ce n’est à sang, et ce, pour une
broutille comme la taxe carbone, la bourgeoisie a quelque raison d’être moins
contente de lui.
Ce que la bourgeoisie attend de
son personnel politique, c’est qu’il gère la situation en assurant l’ordre
social. C’est qu’il fasse passer la pilule d’une politique foncièrement
favorable aux plus riches. Et les critiques que l’on entend de la bouche de
vieux briscards du genre de Royal ou de Hollande, mais aussi de Cohn-Bendit,
soutien de la première heure de Macron, qui pointent son inexpérience et son
orgueil surdimensionné qui l’auraient empêché de reculer au moment où il le
fallait, toutes ces critiques reflètent sans doute ce qui se dit aussi du côté
de la bourgeoisie.
Cette crise est d’autant plus
préoccupante pour la bourgeoisie que la défiance qui s’exprime vis-à-vis de
Macron s’exprime aussi vis-à-vis de l’État. La légitimité de l’élection de
Macron et les institutions sont contestées. Et le fait que les violences du
samedi 1er décembre, la casse et les affrontements contre les CRS, soient
majoritairement compris et acceptés non seulement par les gilets jaunes
eux-mêmes, mais y compris dans une large fraction de la population non
mobilisée, montre la cassure d’une partie de la population avec l’État.
La
politique des partis d’opposition
Du côté de l’opposition (extrême
droite, droite, PS, LFI, PCF…) tout le monde tire à boulets rouges sur Macron.
Après Dupont-Aignan et Wauquiez qui ont revêtu un gilet jaune, Hollande s’est
fait photographier avec eux en prenant un plaisir manifeste à enfoncer le petit
jeune qui lui a volé la place. La vengeance est un plat qui se mange froid,
paraît-il. Eh bien, Hollande savoure.
Alors voilà, tous les politiciens
que compte le pays font la leçon à Macron. Y compris ceux qui sont passés au
pouvoir à un moment ou à un autre, et qui ont donc une responsabilité écrasante
dans la situation actuelle. Ils prétendent tous avoir la solution pour mettre fin
à la fronde sociale.
Cette unanimité et cette unité
contre Macron avec les gilets jaunes, que tous disent comprendre, sont
complètement fictives. Mais comme dans ce mouvement il y a effectivement tout
qui s’exprime, et que bien des militants y interviennent pour le tirer dans tel
ou tel sens, il n’est pas difficile pour eux de s’en revendiquer d’une façon ou
d’une autre. Tant que le mouvement se focalise sur la politique fiscale injuste
du gouvernement, sans s’attaquer à la bourgeoisie, chacun de ces partis pourra
y défendre sa partition.
Cela dit, tous les partis
d’opposition sont suffisamment responsables vis-à-vis de la bourgeoisie pour
appeler au calme social. Leurs demandes de démission de Macron (Dupont-Aignan,
François Ruffin) ou du ministre de l’Intérieur Castaner (Le Pen), ou encore de
dissolution de l’Assemblée nationale (Mélenchon) pour retourner aux urnes,
sonnent radicales. Mais elles consistent surtout à proposer des solutions dans
le cadre des institutions et pour en finir avec la rue.
Il est trop tôt pour dire dans
quel sens politique ce mouvement va peser. Comment peut-il évoluer
politiquement ? Certains gilets jaunes voudraient se
transformer en parti politique. Certains ont explicitement dit qu’ils préparaient
une liste pour les élections
européennes. Vu les difficultés de leur mouvement à se doter de
porte-parole, cela paraît très ambitieux. Mais ce n’est pas impossible. En
Italie, nous avons l’exemple du Mouvement 5 étoiles. Très hétéroclite, il s’est
constitué à partir de 2009 autour de la figure de Beppe Grillo, qui a servi de
ciment. Grillo n’avait, au départ, rien d’un militant, c’était un comique, un
phénomène de télévision. C’est dire que les voies de structuration d’un
mouvement peuvent surprendre.
En Espagne, le mouvement du 15M (des
Indignés) de 2011 a donné naissance à Podemos. Ce mouvement était sans doute
plus profond, plus massif et plus marqué à gauche que ne l’est pour le moment
celui des gilets jaunes. En tout cas, l’éventualité qu’un nouveau courant
émerge sur la base du plus petit dénominateur commun, qui pourrait être le
dégagisme, c’est-à-dire le rejet des partis classiques, n’est pas à exclure.
L’autre possibilité, c’est tout
simplement que le mouvement se désagrège sous des pressions politiques
contradictoires. Dans les médias, tous les partis d’opposition tentent
d’instrumentaliser le mouvement pour tirer la couverture à eux. Et cela ne se
passe pas que sur les plateaux de télé ! Il faut
se comprendre sur l’expression
mouvement spontané. Les
gilets jaunes sont traversés par des
influences politiques multiples. L’extrême droite y grenouille depuis le début.
Certaines initiatives émanent d’ailleurs de militants de Debout la France (DLF)
ou du Rassemblement national (RN). Cette influence, elle s’est vue sur le
barrage de Flixecourt, dans la Somme, où le 20 novembre des gilets jaunes ont
dénoncé six migrants cachés dans une citerne, et s’en sont vantés. Elle se voit
avec la rumeur délirante sur l’accord de Marrakech qui forcerait la France à
ouvrir ses frontières. Pour l’instant, ces prises de position antimigrants sont
restées très minoritaires et les propos racistes ont souvent explicitement été
rejetés par des gilets jaunes qui y étaient confrontés. Quant à l’omniprésence
du drapeau tricolore, il ne serait pas juste de l’assimiler systématiquement à
l’extrême droite. À l’opposé, on sent l’influence du PCF, de La France
insoumise (LFI) ou de syndicalistes. En particulier dans les voix qui insistent
sur les services publics.
Ce mouvement fait l’objet d’un
combat politique et reflète les divisions qui existent dans la société. Qui
tirera son épingle du jeu ? Mélenchon
ou, à l’opposé, le RN ? Ce
mouvement, qui a donné à des milliers de femmes et d’hommes le goût de l’engagement et de l’action collective, peut aussi faire naître des groupes d’affinité qui
pourraient devenir, sous l’influence de quelques militants d’extrême droite
racistes ou anti-immigrés, des groupes de choc contre les migrants ou contre le
mouvement ouvrier. Nous trouvons toujours des choses sympathiques dans ce
mouvement parce qu’il s’agit dans une large mesure de travailleurs qui se
battent et avec qui nous pouvons discuter. Mais la plupart du temps, ce n’est
pas avec nous qu’ils discutent et les influences les plus fortes sont celles
des préjugés de toute sorte.
Les périodes de remontée des
luttes donnent un sens aux politiques révolutionnaires comme aux politiques
réactionnaires. Rien n’est écrit. Il s’agit d’un combat. Même si nous ne sommes
pas de taille à influencer le cours des événements, nous nous devons de
proposer une politique aux travailleurs dans cette situation…
A
suivre demain…
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