Mayotte :
la misère et ses conséquences
Lundi 5 mars, Mayotte est entrée
dans sa troisième semaine de grève générale contre l’insécurité, et de nouveaux
barrages routiers ont été érigés aux points clés de l’île.
À l’origine de ce mouvement, il y
a les agressions qui ont eu lieu dans plusieurs lycées, où des jeunes sont
entrés armés de bâtons et de machettes. Au lycée de Kahani, le personnel n’a
toujours pas repris le travail et, comme dans les autres établissements, les
enseignants et les agents protestent contre la dégradation de leurs conditions
de travail, qui n’est pas seulement due aux violences. Ils demandent des moyens
supplémentaires, notamment en personnel, pour faire face à la hausse du nombre
d’élèves qui est de 80 % sur dix ans.
Le 20 février, à l’initiative des
syndicats des enseignants et des agents de l’Éducation nationale, un peu plus
d’un millier de personnes ont défilé dans les rues de la capitale. Dans la
manifestation, il y avait aussi des chauffeurs de bus, en droit de retrait
depuis près d’un mois, et un collectif d’associations de Mayotte. On entendait
des slogans comme : « Y en a ras le bol de ces guignols qui laissent la
violence rentrer dans les écoles ». Le 23, les chauffeurs de bus ont durci
leur action en menant des opérations escargot depuis 3 heures du matin au nord,
au centre et au sud de l’île, paralysant la circulation et bloquant en partie
l’économie jusqu’à midi.
Devant le service des étrangers,
des manifestants issus du collectif d’associations s’en sont pris aux
Comoriens, qu’ils accusent d’être les principaux auteurs de violences.
Les syndicats d’enseignants, la
FSU, la CGT se sont alors désolidarisés des autres groupes, notamment du
collectif des associations de Mayotte. La CGT Éduc’action a ainsi déclaré
qu’elle « refuse que ce mouvement social unitaire soit l’objet d’une
quelconque forme de récupération et ne souhaite, en aucun cas, s’associer à des
actions stigmatisant une partie de la population ».
De son côté, le syndicat
patronal, la Capeb, dit soutenir le mouvement contre l’insécurité et appelle le
préfet et le gouvernement à agir, car les artisans et les petits commerçants
sont concernés par des violences, comme les braquages. Mais ils ne se sont pas
publiquement désolidarisés des événements anti-Comoriens.
Les maires ont décidé de fermer
les portes de l’ensemble des hôtels de ville de l’île à partir du 5 mars «
de manière illimitée ». Ils sont déterminés à poursuivre le mouvement tant
que le président de la République, « ou à défaut le ministre de l’Intérieur
», ne se déplacera pas pour rencontrer la population en colère. Ils ne se
satisfont pas des propos de la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, sur la
création d’une zone de sécurité prioritaire et l’envoi d’escadrons de
gendarmerie.
De son côté Laurent Wauquiez,
venu prêter main-forte au candidat LR à l’élection législative partielle du 18
mars, a déversé sa bile sur les immigrés, tout en déclarant Mayotte «
abandonné par le gouvernement, dans une situation qui n’est plus acceptable
pour les mahorais », ajoutant : « Aucun autre département de France
n’accepterait ce qui se passe ici. »
Quant à Jean-Hugues Ratenon,
député de La Réunion inscrit au groupe de La France insoumise, venu soutenir un
de ses candidats, il appelle à arrêter l’immigration et à renforcer les forces
de répression à Mayotte.
Dans l’île, sur une population de
256 000 habitants, plus de 40 % des adultes sont de nationalité comorienne,
dont la moitié en situation irrégulière. C’est l’impérialisme français qui a
créé cette division entre ceux qui ont les bons papiers et les autres, en
faisant de l’île de Mayotte un territoire français isolé dans l’archipel des
Comores. Le reste des Comores et leur population sont laissés dans la misère.
Logiquement, les Comoriens tentent donc de gagner Mayotte qui, au fond, est
aussi leur pays, espérant y trouver une vie meilleure.
Le chômage touche 29 % de la
population mahoraise, dont 43 % chez les jeunes, et certains individus ou des
groupes organisés comme le collectif des associations de Mayotte attisent la haine.
Aux classes populaires mahoraises qui peinent à trouver du travail, un logement
décent et à se faire soigner correctement, ils désignent les Comoriens comme
responsables de tous leurs maux. Ainsi ils détournent les travailleurs et les
pauvres des véritables responsables du chômage, des bas salaires, de la vie
chère, qui sont les capitalistes mahorais, français ou étrangers, qui
s’enrichissent sous la protection des différents gouvernements.
Il est essentiel que les
exploités ne se laissent pas diviser. Pour défendre leurs conditions de vie,
pour combattre les patrons qui les exploitent, ils ont besoin au contraire
d’affirmer leur solidarité, comme l’ont fait les enseignants mobilisés.
Émile
GRONDIN (Lutte ouvrière n°2588)
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