La grève de 1995 : un mauvais
souvenir pour le patronat
« Macron doit réussir en 2018, là où Juppé a
échoué en 1995 », reprennent en chœur les éditorialistes
propatronaux qui n’ont pas digéré la victoire des millions de travailleurs
mobilisés contre le plan Juppé, à l’automne 1995.
Premier ministre de Chirac, élu à
l’Élysée en mai 1995, Alain Juppé s’affirmait « droit dans ses bottes »,
déterminé « à réussir ce qu’on n’a pas osé entreprendre depuis trente ans ».
À quelques jours d’intervalle, il annonçait deux séries de réformes. L’une
consistait à attaquer frontalement les travailleurs du secteur public, gelant
leurs salaires et passant de 37,5 à 40 le nombre d’années nécessaires pour
pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein. Les régimes spéciaux de retraite
étaient supprimés. Les cheminots étaient particulièrement visés par les
attaques contre leurs retraites et par un plan État-SNCF programmant des
fermetures de lignes et des suppressions de milliers d’emplois, sous prétexte,
déjà, d’apurer la dette. L’autre réforme visait le financement de la Sécurité
sociale, avec la création d’impôts nouveaux, la hausse du forfait hospitalier
et la remise en cause de sa gestion paritaire.
Après une campagne des centrales
syndicales, très hostiles à ces plans qui les écartaient de la gestion de la
Sécurité sociale, et des journées de mobilisation réussies en octobre et
novembre, une grève massive démarrait le 24 novembre à la SNCF, puis à la RATP,
à l’appel de tous les syndicats. Les cheminots et les salariés des transports
publics, en grève « jusqu’au retrait du plan Juppé », furent l’épine
dorsale d’une lutte qui entraîna à des degrés divers les travailleurs de La
Poste, d’EDF, d’autres services publics et de l’enseignement. Ils furent
rejoints ponctuellement par ceux du privé, lors de journées de manifestations
rapprochées les unes des autres, organisées par les directions syndicales dans
de multiples villes du pays, au cours desquelles les manifestants, sous le
slogan « Tous ensemble, tous ensemble ! », pouvaient mesurer leur force
collective. Notons en passant que les directions syndicales, en premier lieu
celle de la CGT, sont tout à fait capables de mobiliser les travailleurs quand
elles le décident.
Comme aujourd’hui, Juppé et les
médias lancèrent une campagne de dénigrement des cheminots, présentés comme des
privilégiés. Ils tentèrent de dresser les usagers, « pris en otage » par la
paralysie des transports, contre les grévistes. Mais rien n’y fit. Malgré une
gêne bien réelle, surtout en Île-de-France, la grève était populaire. Une
majorité de travailleurs comprenaient qu’une défaite de Juppé face aux
cheminots et aux traminots serait une victoire de tous. Ce soutien du monde du
travail aux secteurs en grève, appelé par certains « la grève par procuration
», fut décisif. Devant l’ampleur du mouvement et sa popularité, Juppé dut
céder. Le 12 décembre, après une nouvelle journée de manifestations rassemblant
quelque 2,5 millions de personnes, il annonçait son recul sur la retraite des
fonctionnaires et le maintien des régimes spéciaux.
Ce fut une victoire des
grévistes, prouvant que la classe ouvrière a la force, quand elle se mobilise,
de faire reculer un gouvernement prétendument inébranlable. Cet épisode
continue, vingt-trois ans plus tard, de hanter les porte-parole du patronat.
C’est la preuve qu’ils redoutent la lutte des cheminots. Cela doit être un
encouragement pour tous les travailleurs.
Xavier
LACHAU (Lutte ouvrière n°2589)
Le 22
mars, comme un début, on redresse la tête
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