Au
mois d’août dernier, nous avions repris jour après jour le feuilleton paru
depuis des mois dans notre hebdomadaire Lutte ouvrière sous le titre
« Russie 1917 : La Révolution au fil des semaines »…Dernier
article abordé : Début septembre : l’irrésistible progression des
bolchéviks dans les soviets. Nous reprenons le fil de ce feuilleton.
Mi-septembre
: les lettres de Lénine sur l’insurrection
Dans sa première lettre, Les
bolcheviks doivent prendre le pouvoir, écrite entre le 12 et le 14
septembre, Lénine écrivait : « Ayant obtenu la majorité aux soviets des
députés ouvriers et soldats des deux capitales, les bolcheviks peuvent et
doivent prendre en main le pouvoir. Ils le peuvent, car la majorité agissante
des éléments révolutionnaires du peuple des deux capitales suffit pour
entraîner les masses, pour vaincre la résistance de l’adversaire, pour
l’anéantir, pour conquérir le pouvoir et le conserver. Car, en proposant
sur-le-champ une paix démocratique, en donnant aussitôt la terre aux paysans,
en rétablissant les institutions et les libertés démocratiques foulées aux
pieds et anéanties par Kerenski, les bolcheviks formeront un gouvernement que
personne ne renversera. La Conférence démocratique ne représente pas la
majorité du peuple révolutionnaire, mais seulement les dirigeants
petits-bourgeois conciliateurs. La Conférence démocratique trompe la
paysannerie, car elle ne lui donne ni la paix ni la terre. »
Lénine développait cette idée
dans
Le marxisme et l’insurrection, qu’il fit parvenir au comité central
bolchevique le 15 septembre : « Pour réussir, l’insurrection doit s’appuyer
non pas sur un complot, non pas sur un parti, mais sur la classe d’avant-garde.
Voilà un premier point. L’insurrection doit s’appuyer sur l’élan révolutionnaire
du peuple. Voilà le second point. L’insurrection doit surgir à un tournant de
l’histoire de la révolution ascendante, où l’activité de l’avant-garde du
peuple est la plus forte, où les hésitations sont les plus fortes dans les
rangs de l’ennemi et dans ceux des amis de la révolution faibles, indécis,
pleins de contradictions. Voilà le troisième point. Telles sont les trois
conditions qui font que, dans la façon de poser la question de l’insurrection,
le marxisme se distingue du blanquisme.
Mais, dès lors que ces conditions
se trouvent remplies, refuser de considérer l’insurrection comme un art, c’est
trahir le marxisme, c’est trahir la révolution.
Pour prouver qu’en ce moment
précisément le parti doit de toute nécessité reconnaître que l’insurrection est
mise à l’ordre du jour par le cours objectif des événements, qu’il doit traiter
l’insurrection comme un art, pour prouver cela, le mieux sera peut-être
d’employer la méthode de comparaison et de mettre en parallèle les journées des
3 et 4 juillet et les journées de septembre. Les 3 et 4 juillet, (…) les
conditions objectives pour la victoire de l’insurrection n’étaient pas
réalisées.
1) Nous n’avions pas encore
derrière nous la classe qui est l’avant-garde de la révolution. Nous n’avions
pas encore la majorité parmi les ouvriers et les soldats des deux capitales.
Aujourd’hui, nous l’avons dans les deux soviets. Elle a été créée uniquement
par les événements des mois de juillet et d’août, par l’expérience des
répressions contre les bolcheviks et par l’expérience de la rébellion de
Kornilov.
2) L’enthousiasme révolutionnaire
n’avait pas encore gagné la grande masse du peuple. Il l’a gagnée aujourd’hui,
après la rébellion de Kornilov. C’est ce que prouvent les événements en
province et la prise du pouvoir par les soviets en maints endroits.
3) Il n’y avait pas alors
d’hésitations d’une amplitude politique sérieuse parmi nos ennemis et parmi la
petite-bourgeoise incertaine. Aujourd’hui, ces hésitations ont une grande
ampleur (…).
4) C’est pourquoi, les 3 et 4
juillet, l’insurrection aurait été une faute : nous n’aurions pu conserver le
pouvoir ni physiquement ni politiquement (…).
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