Neymar,
les Jeux olympiques et les marchands de rêve qui nous gouvernent
Que n’aura-t-on entendu sur le
transfert de Neymar ! Oh, les 222 millions dépensés par le Paris Saint-Germain
ne seront pas perdus : dans cette machine à cash qu’est le football
professionnel, le club escompte un retour sur investissement en droits de
retransmission télé, sponsoring, maillots et autres produits dérivés.
On ne peut qu’être choqué par
l’écart entre l’abondance d’argent disponible pour acquérir un sportif et la
pénurie quand il s’agit d’équipements ou d’activités autrement plus utiles à la
société. Avec 300 millions d’euros, l’investissement total du PSG, on pourrait construire
trois hôpitaux ; ou payer 10 000 salariés pendant un an, cotisations incluses.
Et le gouvernement nous explique qu’il faut absolument réduire de 5 euros par
mois l’aide au logement perçue par des familles pour lesquelles chaque euro
compte !
Les médias nous abreuvent
d’événements sportifs. Le Tour de France cycliste et l’Euro de foot féminin
sont à peine terminés que la Ligue 1 de football reprend ; les Mondiaux de
natation à peine bouclés que ceux d’athlétisme leur succèdent. Toute l’année
est rythmée par cette succession de compétitions qui sont autant d’opérations
commerciales.
Les performances d’Usain Bolt, de
Neymar, de Kylian Mbappé ou de Teddy Riner font rêver des millions de jeunes
auxquels la société n’offre guère de perspectives. Mais elles ne sortent qu’une
poignée d’entre eux des favelas du Brésil et des quartiers populaires de la
Jamaïque, de la Guadeloupe ou de la banlieue parisienne. Aux autres, le
capitalisme réserve l’exploitation, et souvent la misère.
Droite et gauche à l’unisson
s’enthousiasment pour la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024.
L’attribution, que le CIO doit rendre officielle en septembre, réjouira les
bétonneurs, qui salivent à la perspective des constructions programmées. Les
sponsors, les équipementiers, les médias et les grands groupes de l’hôtellerie
et de la restauration y trouveront aussi leur compte.
En ce qui concerne les habitants,
c’est une autre affaire. Les JO coûtent plusieurs milliards aux pays hôtes. Les
profits dégagés sont privés, mais les dépenses, toujours largement supérieures
aux prévisions, sont en grande partie à la charge des contribuables et des
consommateurs. La Grèce n’en finit pas de payer les JO de 2004, qui ont
contribué à creuser sa dette. L’État de Rio, qui organisa les JO en 2016, est
en faillite et ne paie plus ses personnels, alors que les installations
construites à grands frais sont à l’abandon.
Ces coûts colossaux ont conduit
Boston, Hambourg, Rome ou Budapest à retirer leur candidature pour les Jeux de
2024, et le CIO a été heureux de pouvoir compter sur… Paris. Pour nous vendre
l’opération, on nous explique que les équipements construits bénéficieront aux
habitants, ceux de Seine-Saint-Denis en particulier. Quel cinéma ! Les six
milliards du budget des JO permettraient de construire des centaines
d’équipements sportifs utiles à la population, dont bien des piscines
nécessaires dans ce département où un enfant sur deux n’a pas appris à nager.
Les Jeux de Londres en 2012 ont coûté 12 milliards ; combien de logements sociaux,
comme ceux de la tour Grenfell dont l’incendie a fait au moins 80 morts en juin
dernier, auraient pu être mis aux normes avec de telles sommes ?
Les événements sportifs montrent
que les gouvernements peuvent trouver des fonds et des ressources humaines
considérables. Si la société marchait sur les pieds et non sur la tête, elle
déploierait ces capacités pour ce qui est réellement utile à la population, et
non aux capitalistes du BTP, du sport et de la télévision.
Dans la Rome antique, les
empereurs utilisaient les jeux du cirque pour s’attirer les faveurs du petit
peuple. Les temps ont changé, mais les vieilles ficelles demeurent. Les
politiciens et la grande bourgeoisie ont bien compris l’intérêt qu’ils peuvent tirer
de ces divertissements.
En réalité, quand ils promeuvent
les grands spectacles sportifs, les politiciens ne favorisent pas le sport pour
tous et les loisirs populaires. Capitalistes et travailleurs sont censés se
rassembler, comme s’ils partageaient les mêmes intérêts, avec le chauvinisme
pour ciment. Pendant ce temps-là, les politiciens assènent leurs mauvais coups.
Alors, les jeux modernes ne sauraient nous faire oublier les combats à mener
contre les capitalistes qui en profitent, et contre les marchands de rêves qui
nous gouvernent.
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