Le « roman national » : une prison pour les
travailleurs
En
politique aussi, c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures
soupes. Définir la nation française et s’en prétendre le meilleur représentant,
quand ce n’est pas le porte-parole exclusif, fait ainsi partie de l’attirail
politicien depuis deux siècles et plus.
Aujourd’hui,
Sarkozy vénère ses ancêtres gaulois, Fillon veut raconter le « roman national
», Le Pen en appelle aux patriotes et Hollande parle au nom de la France
éternelle. Quant à Jean-Luc Mélenchon, ne voulant pas être en reste, il a
déclaré que « du moment que l’on est français, on adopte le récit national ».
Rares
sont donc ceux qui, comme les communistes révolutionnaires, refusent de chanter
la Marseillaise, de se draper de tricolore et d’affirmer « être avant
tout français ». Bien sûr, le concept de nation correspond à une réalité,
constituée autour d’une langue et d’une histoire, liées ou non à un territoire
et à un État. Mais, dans l’histoire de la nation française, on trouve aussi
bien les philosophes qui combattirent la monarchie et l’Église et les
combattants de la Révolution que les massacreurs des conquêtes coloniales, les
généraux qui firent tirer sur les ouvriers insurgés, les Pétain et les Massu.
Alors, se référer à la nation ou au récit national est toujours une façon
d’entretenir la confusion et de jeter un voile sur les luttes passées et
futures.
La
bourgeoisie, les possédants se servent du concept de nation pour entretenir
l’idée d’une communauté d’intérêts entre exploiteurs et exploités, toujours au
bénéfice des premiers. Le roman national cher aux politiciens de tous bords
n’est jamais que l’accompagnement intellectuel de la recherche du profit par
les bourgeois. Il se transforme régulièrement en cauchemar national lorsque les
capitalistes veulent entraîner toute la population dans leurs guerres ou
enchaîner les travailleurs aux intérêts des patrons, comme aujourd’hui. C’est
au nom de l’intérêt national que le gouvernement prétend imposer les sacrifices
aux travailleurs, un intérêt national qui est dans ce cas très directement
l’intérêt sonnant et trébuchant du capital. Et cela peut aller jusqu’à dresser
une nation contre les autres, les armes à la main. Mais, là encore, ce sont les
travailleurs qui combattent et meurent pour les marchands de canons et les
banquiers.
La
nation est aussi le premier cadre où se déroulent les luttes des travailleurs.
Et le combat politique, surtout lorsqu’il est encore limité au cadre électoral,
commence forcément sur le terrain national. Mais la classe ouvrière, à la
différence de la bourgeoisie, est une classe internationale. Elle fait
fonctionner collectivement l’économie à l’échelle du globe. Ce système entravé
précisément par les frontières et les États, la classe ouvrière devra le
transformer, bâtir une économie collective, gérée à l’échelle du globe. Elle
n’a rien à gagner à défendre des institutions qui sont à la fois des vestiges
du passé et des armes aux mains de ses ennemis.
Les
travailleurs doivent laisser les romans nationaux aux capitalistes et à leurs
défenseurs : leur lutte est par vocation internationale.
Paul
GALOIS (Lutte ouvrière n°2514)
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