Liquider le pouvoir des trusts
Les
éleveurs et producteurs de lait entrent une nouvelle fois dans la bataille. Ceux
de l’ouest du pays sont appelés à manifester aujourd’hui 22 août devant le
siège de l’entreprise de Lactalis à Laval en Mayenne. Les évènements de l’an
passé vont-ils se renouveler puisque rien n’a été réglé ? Sur ce sujet, un
article de notre hebdomadaire Lutte ouvrière du 5 août… 2015 ? Un an plus
tard, les cours sont toujours aussi bas, et la situation des petits producteurs
toujours aussi catastrophique. Un an plus tard, les mêmes problèmes restent
posés
Éleveurs
en colère face aux capitalistes de la distribution
05 Août 2015
Si les éleveurs ont levé les
nombreux barrages érigés entre le 19 et le 27 juillet, ils n’ont pas pour
autant cessé leur mouvement. Chaque jour, ils mènent de nouvelles actions,
barrages filtrants, opérations escargot, contrôle de la provenance de la viande
dans les supermarchés ou les restaurants, etc. Ils veulent maintenir la
pression sur la grande distribution et les industriels du secteur, pour les
obliger à augmenter les prix auxquels ils achètent leur viande ou leur lait.
C’est en luttant avec ténacité
depuis le mois de juin, en organisant la mobilisation collective à travers tout
le pays, que les éleveurs ont forcé le gouvernement à intervenir. Stéphane Le
Foll, le ministre de l’Agriculture, a annoncé un plan d’aide de 600 millions
d’euros, consistant en annulations ou reports de charges et de cotisations,
ainsi que la mise à disposition de 500 millions supplémentaires de crédits
bancaires.
En continuant leur mobilisation,
les éleveurs essaient de faire plier les groupes capitalistes de la grande
distribution, de la transformation du lait et de l’abattage. Ceux-ci
respecteront-ils les différents accords signés, avec la médiation du
gouvernement, pour l’augmentation du prix d’achat de la viande ou du lait ?
Cela ne dépendra que du rapport de force que les éleveurs créeront et
maintiendront dans le temps. Les capitalistes du secteur ne leur concèderont
quelques centimes de plus par kilo de viande ou litre de lait que s’ils y sont
obligés, et feront tout pour ne pas rogner leurs profits.
C’est ainsi que le groupe
fromager Savencia (anciennement Bongrain, à la tête des produits Cœur de Lion,
Caprice des Dieux, Elle & Vire, qui achète du lait à des milliers
d’éleveurs), vient d’affirmer dans un courrier interne qu’il n’est pas lié par
l’accord passé avec les éleveurs, car il ne commercialise aucun des produits
concernés, packs de lait classiques, yaourts nature ou fromages premier prix.
En lutte contre des capitalistes
parmi les plus importants du pays, les éleveurs ne peuvent que susciter la
sympathie des travailleurs. Mais les intérêts des uns et des autres ne sont pas
pour autant identiques. Si certains éleveurs croulent sous les dettes et vivent
comme des ouvriers – 10 % des élevages, toutes filières confondues, seraient en
difficulté financière – d’autres, comme Xavier Beulin, le président de la
FNSEA, font partie du grand patronat. La plupart d’entre eux, en tant que
propriétaires, se sentent davantage liés au patronat qu’au monde ouvrier, et ne
se démarquent pas des revendications habituelles de celui-là, comme les baisses
de charge pour « être plus compétitifs ».
Lors de leurs dernières actions,
les éleveurs ont multiplié les « contrôles » dans les grandes surfaces. Mais il
ne s’agit que de contrôler la provenance de la viande ou du lait et de saisir
ou repérer par une étiquette les produits d’origine étrangère. Les éleveurs
veulent ainsi sensibiliser la population au « consommer Français ». Ils
accusent leurs concurrents allemands, brésiliens, polonais ou belges de
pratiquer le dumping sur les prix et d’être en partie responsables de la crise
du secteur. Mais est-ce vraiment le problème ? Non, et bien des éleveurs le
savent, qui dénoncent les marges que les capitalistes de la filière appliquent,
à chaque étape, entre le prix d’achat au producteur et le prix de vente en
rayon. Pour savoir où se font précisément ces marges, quel niveau elles
atteignent, ce ne sont pas les rayons de supermarchés qu’il faut contrôler,
mais les comptes des groupes capitalistes du secteur.
La question du contrôle des
comptes des grands groupes capitalistes se pose dans tous les secteurs de
l’économie. Ce contrôle indispensable pourrait et devrait devenir un objectif
commun, non seulement pour les éleveurs et les autres producteurs, mais pour
tous les travailleurs et pour les consommateurs eux-mêmes.
Valérie
FONTAINE (Lutte ouvrière n°2453)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire