Céréaliers
: comment les gros se font du blé
Ces derniers jours ont vu se
multiplier articles et reportages sur « la pire récolte [de blé]
depuis 30 ans en France » (Les Échos). Une mauvaise météo de
printemps serait la cause de rendements inférieurs de 30 % en moyenne à ceux de
2015, avec en outre un blé de moins bonne qualité et donc plus difficile à
écouler.
À cela s’ajoute le fait que, dans
d’autres pays gros producteurs de céréales, États-Unis, Canada, Ukraine,
Russie, la récolte bat des records. Les médias comme les associations de
producteurs présentent cette abondance comme une catastrophe. Un comble, comme
s’il n’y avait pas sur terre des millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui
souffrent de ne pas manger à leur faim.
Seulement voilà, dans cette
société capitaliste organisée pour et par le profit privé, l’intérêt collectif
a peu de place : seul compte le marché. Et comme une production record à
l’échelle internationale n’est conçue que pour la demande solvable, cela se
traduit par une baisse des cours à la Bourse de Chicago, dont les cotations
servent de références mondiales pour le prix des produits agricoles.
D’où un autre facteur poussant à
la baisse les revenus des céréaliers français. Pourtant, ce secteur de
l’agriculture pouvait sembler depuis longtemps à l’abri des aléas financiers, sinon
météorologiques. Et ce n’est pas un hasard si, trustant une bonne partie des
aides françaises et européennes de la PAC, il concentre de très grosses
exploitations, comme dans le bassin parisien, avec des revenus en conséquence.
C’est d’ailleurs pourquoi le
gouvernement s’est hâté de prendre des mesures en sa faveur, dès fin juillet.
Et si la presse ne traite que maintenant de la situation des céréaliers, cela
ressemble beaucoup à la préparation de l’opinion avant un plan d’aide massive
au secteur. Ou plutôt, ce que dénoncent déjà le Mouvement de défense des
exploitants familiaux et la Confédération paysanne : un plan de « soutien
aux exploitations industrielles ». En fait, même si le gouvernement a
annoncé des reports de charges, de remboursements d’emprunts et de versements
de cotisations à la MSA (sécurité sociale agricole), les mesures envisagées,
qui devraient être présentées en octobre, s’adressent aux gros céréaliers, pas
aux petites exploitations. C’est précisément ce que réclamait la FNSEA (Fédération
nationale des syndicats d’exploitants agricoles), lobby et porte-parole des
capitalistes du secteur, tel son président Xavier Beulin, à la tête d’un empire
financier dans l’agroalimentaire.
Que le ministre de l’Agriculture,
Stéphane Le Foll, soit aux petits soins pour ces « pauvres paysans » là, comme
disait Fernand Reynaud dans son sketch sur un céréalier nommé Crésus, cela n’a
rien d’étonnant. Ce n’est que la poursuite de la politique gouvernementale
d’aides à tout-va à la bourgeoisie et au grand patronat.
Pierre
LAFFITTE (Lutte ouvrière n°2506)
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