mercredi 8 juin 2016

Perturbateurs endocriniens : la santé publique peut attendre. Un article de notre hebdomadaire Lutte ouvrière


Perturbateurs endocriniens : la santé publique peut attendre

 
Une enquête du journal Le Monde a récemment remis en lumière les retards accumulés par l’Union européenne dans la réglementation des perturbateurs endocriniens.

Ces substances perturbent le système hormonal et peuvent notamment avoir des effets sur la reproduction humaine ou provoquer des cancers. Certaines ont déjà été partiellement ou totalement interdites, comme le Bisphénol A en France. Mais de très nombreuses substances présentes à des niveaux variables dans des peintures et solvants, des pesticides, des plastiques, des cosmétiques, en font aussi partie.

Les effets de ces perturbateurs, auxquels on s’intéresse seulement depuis le début des années 1990, sont loin d’être encore tous bien connus. Mais les scientifiques, qui réclament la multiplication des études sur le sujet, s’accordent pour reconnaître la nocivité de certains produits. Quelques dizaines de perturbateurs ont ainsi été identifiés par des études publiques dans plusieurs pays et à l’échelle européenne comme « hautement préoccupants ». Sur cette base, la Commission européenne devait adopter en 2013 des recommandations pour une réglementation de l’usage des perturbateurs, au cas par cas, dans le cadre d’un classement en fonction de leur dangerosité selon des critères élaborés par l’Organisation mondiale de la santé.

Mais les lobbys industriels ont mené une véritable guerre contre ces critères, et sur cette base, contre toute réglementation. Et ils ont trouvé sans difficulté l’oreille de la Commission : celle-ci a retardé sa décision le temps de réaliser une « étude d’impact économique » en fonction des critères de définition retenus. Depuis trois ans, au lieu de se préoccuper de la santé des populations, la Commission évalue donc les pertes économiques éventuelles pour les trusts.

Face à une victoire si ouverte de l’industrie, certains États européens eux-mêmes ont porté plainte contre la Commission. Elle a été condamnée en décembre 2015 par la Cour européenne de justice et annonce à présent qu’elle rendra son rapport en juin 2016. On ne sait pas quels critères elle recommandera ; mais elle a en tout cas clairement montré qu’elle choisissait avant tout de ne pas perturber… les profits de l’industrie européenne.

                                   Claire DUNOIS (Lutte ouvrière n°2496)

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