Perturbateurs
endocriniens : la santé publique peut attendre
Une enquête du journal Le
Monde a récemment remis en lumière les retards accumulés par l’Union
européenne dans la réglementation des perturbateurs endocriniens.
Ces
substances perturbent le système hormonal et peuvent notamment avoir des effets
sur la reproduction humaine ou provoquer des cancers. Certaines ont déjà été
partiellement ou totalement interdites, comme le Bisphénol A en France. Mais de
très nombreuses substances présentes à des niveaux variables dans des peintures
et solvants, des pesticides, des plastiques, des cosmétiques, en font aussi
partie.
Les
effets de ces perturbateurs, auxquels on s’intéresse seulement depuis le début
des années 1990, sont loin d’être encore tous bien connus. Mais les
scientifiques, qui réclament la multiplication des études sur le sujet,
s’accordent pour reconnaître la nocivité de certains produits. Quelques
dizaines de perturbateurs ont ainsi été identifiés par des études publiques
dans plusieurs pays et à l’échelle européenne comme « hautement préoccupants ».
Sur cette base, la Commission européenne devait adopter en 2013 des
recommandations pour une réglementation de l’usage des perturbateurs, au cas
par cas, dans le cadre d’un classement en fonction de leur dangerosité selon
des critères élaborés par l’Organisation mondiale de la santé.
Mais les
lobbys industriels ont mené une véritable guerre contre ces critères, et sur
cette base, contre toute réglementation. Et ils ont trouvé sans difficulté
l’oreille de la Commission : celle-ci a retardé sa décision le temps de
réaliser une « étude d’impact économique » en fonction des critères de
définition retenus. Depuis trois ans, au lieu de se préoccuper de la santé des
populations, la Commission évalue donc les pertes économiques éventuelles pour
les trusts.
Face à
une victoire si ouverte de l’industrie, certains États européens eux-mêmes ont
porté plainte contre la Commission. Elle a été condamnée en décembre 2015 par
la Cour européenne de justice et annonce à présent qu’elle rendra son rapport
en juin 2016. On ne sait pas quels critères elle recommandera ; mais elle a en
tout cas clairement montré qu’elle choisissait avant tout de ne pas perturber…
les profits de l’industrie européenne.
Claire
DUNOIS (Lutte ouvrière n°2496)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire