Loi
Veil : l'IVG, un droit à défendre
Le 29 novembre était
l'anniversaire du vote, il y a quarante ans, en 1974, de la loi Veil sur
l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Les propos réactionnaires tenus
par certains députés et politiciens, tout comme le bilan des conditions dans
lesquelles les femmes avortent encore aujourd'hui, rappellent que ce droit,
remis en cause ou encore à conquérir dans certains pays, est toujours à
défendre en France.
Jusqu'au
vote de cette loi et à sa promulgation en janvier 1975, toute femme qui
avortait ou toute personne qui aidait une femme à avorter pouvait être
condamnée à la prison. En 1942, l'avortement était un crime contre la sûreté de
l'État, puni de la peine de mort. Cette peine fut abrogée à la fin de la guerre
en ce qui concerne l'avortement, tout le reste de l'arsenal législatif fut
maintenu jusqu'en 1974. Et ce ne fut qu'en 1967 que l'accès à la contraception
fut quelque peu libéralisé.
Votée en
1974, sous la pression des femmes qui luttaient depuis plusieurs années, cette
loi fut une avancée considérable. Il fallut encore huit années pour parvenir à
ce que l'IVG soit remboursée, en 1982, et cinq années supplémentaires pour que
l'article de la loi répressive de 1920 interdisant toute publicité pour les
préservatifs, en tant que moyen contraceptif, soit abrogé.
Mais le
droit d'avoir recours à l'IVG est toujours menacé aujourd'hui.
Les
opposants à l'IVG n'ont pas baissé les armes, même s'ils ne semblent
représenter qu'une minorité à l'Assemblée. À l'occasion des quarante ans de
l'IVG, lors du vote symbolique à l'Assemblée, le 29 novembre dernier, d'un
texte réaffirmant ce droit fondamental, sept députés ont en effet voté contre.
On a pu entendre l'ancienne ministre Christine Boutin déclarer à cette occasion
: « Il y a quarante ans je recevais un coup de poignard dans le cœur avec le
vote de cette loi. » Le député et maire d'Orange d'extrême droite Jacques
Bompard est monté à la tribune pour demander « pardon pour les enfants qui ne
naîtront pas », assimilant le féminisme à des « élans morbides » ! De quoi
encourager les féministes en question à reprendre un vieux slogan crié lors des
manifestations à l'encontre de politiciens particulièrement réactionnaires : «
Ah ! Si ta mère avait connu l'avortement... »
Certains
mouvements, comme la fondation Lejeune, lobby anti-avortement, ou Alliance
Vita, continuent de s'opposer à ce qu'ils nomment la banalisation de l'IVG.
Véronique Sellier, co-présidente du Planning familial, constatait que les
manifestations des opposants au mariage homosexuel, qui ont rassemblé les
milieux de droite et d'extrême droite derrière le mouvement de la Manif pour tous,
ont « décomplexé la parole de certains ».
Si on
n'assiste plus à l'intervention de commandos anti-IVG à la porte des centres
hospitaliers, des médecins continuent à invoquer la « clause de conscience »
pour refuser d'aider les femmes à avorter, surtout entre dix et douze semaines,
délai rallongé en 2001. Cette clause de conscience, permettant à un médecin de
refuser une IVG, tout comme le délai obligatoire de sept jours de réflexion
pour la femme entre les deux premières consultations, n'ont toujours pas été
supprimés.
Et, de
manière plus générale, la progression des idées réactionnaires, le poids des
obscurantismes exercent une pression toujours plus grande contre la liberté des
femmes en général, et contre la liberté d'avorter en particulier.
À cela
s'ajoute le manque de moyens, en particulier le manque de structures adaptées.
Un grand nombre de structures pratiquant l'avortement ont été fermées, pour des
questions de rentabilité financière. Un rapport du Haut conseil à l'égalité
dénonce ainsi une situation où « 5 % des établissements publics et 48 % des
établissements privés pratiquant l'IVG ont fermé ces dix dernières années, soit
plus de 130 établissements au total ». 37 % des gynécologues partiront à la
retraite dans les cinq ans, sans qu'il y ait une politique permettant de former
une relève. Les difficultés d'accès à l'IVG dans certaines régions font que,
parfois, le délai légal de 12 semaines est dépassé et l'ultime recours est de
se rendre dans un pays où les délais pour avorter sont supérieurs. 3 500 à 5
000 femmes seraient concernées chaque année. Avorter est plus ou moins facile
selon les régions. « C'est plus facile à Lille qu'à Fourmies où, malgré la
bonne volonté, le dernier médecin qui pratiquait des avortements à la maternité
n'est pas remplacé depuis un an et demi », dénonce encore la coprésidente du
Planning familial.
Quarante
ans après le vote de la loi, l'IVG est un droit pour lequel il faut toujours
lutter.
Aline Retesse
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